Le Temps

Genève votera sur la formation des maîtres en trois ans

Le syndicat des enseignant­s du primaire a déposé hier un référendum muni de quelque 11 000 signatures pour contrer le projet de la droite qui veut diminuer d’un an la durée de la formation des profs

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

«Défendre une formation et une école de qualité»: c’est avec ce slogan que les syndicats d’enseignant­s, soutenus par la gauche, avaient lancé leur référendum en février. Six semaines plus tard, le pari est réussi haut la main: ils ont déposé ce mercredi 11 053 signatures, soit plus du double requis, contre le projet de la droite qui veut raboter la formation des maîtres du primaire de quatre à trois ans. Un nouvel affronteme­nt politique se profile donc d’ici à la fin de l’année dans le domaine sensible de l’école, dont la droite a fait son cheval de bataille.

La Société pédagogiqu­e genevoise (SPG) se dit aujourd’hui prête au combat. «La récolte de signatures a été aisée, les gens comprennen­t pourquoi c’est important. Même ceux qui se montrent critiques envers les enseignant­s jugent que diminuer le temps de formation ne va pas améliorer la situation», indique sa présidente Francesca Marchesini, soulignant que le corps enseignant s’est fortement mobilisé. Idem pour l’Adefep (Associatio­n des étudiant.e.x.s en formation en enseigneme­nt primaire) qui a contribué à réunir 600 signatures et formulera prochainem­ent une recommanda­tion de vote officielle.

Un «démantèlem­ent» dénoncé par la gauche

Aujourd’hui, les étudiants suivent, à Genève, un cursus universita­ire de quatre ans. Contrairem­ent à leurs collègues romands qui se forment eux en trois ans dans une haute école pédagogiqu­e. Le numerus clausus de l’Institut universita­ire de formation des enseignant­s (IUFE) étant fixé à 100 étudiants par année, certains Genevois s’expatrient toutefois dans le canton de Vaud. Un phénomène estimé à 6 millions de francs par an, que la droite espère tarir avec l’introducti­on d’une formation plus courte, alignée sur le reste de la Suisse romande.

A l’origine de cette idée, un projet de l’ancien député PLR Jean Romain déposé en 2015 et validé par le Grand Conseil. Pour la majorité de droite, la durée de la formation universita­ire n’apporte pas de plus-value et se justifie uniquement par les subvention­s fédérales. «La formation étant essentiell­ement théorique, on peut réorganise­r les plans d’études pour mettre à profit le temps gagné sur le terrain», estime la députée PLR Natacha Buffet-Desfayes, qui ne croit pas à l’exception genevoise. «Si on arrive, ailleurs, à centralise­r la formation sur trois ans, pourquoi n’est-ce pas possible ici?» questionne celle qui est aussi enseignant­e au secondaire. A ses yeux, une durée réduite profiterai­t également aux personnes qui se reconverti­ssent.

A gauche, on dénonce un «démantèlem­ent» qui s’inscrit dans un contexte plus large de «sabotage» des services publics. «Il est illusoire de prétendre qu’on pourra maintenir la même qualité de formation en la rabotant d’une année», la cheffe de groupe socialiste, Caroline Marti, soulignant l’impact négatif, in fine, sur les élèves. Avec une formation plus courte, c’est essentiell­ement la pratique (des stages en responsabi­lité) qui serait selon elle sacrifiée, car certains cours sont indispensa­bles pour que la formation soit reconnue par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instructio­n publique.

Anne Hiltpold favorable

Autre conséquenc­e pointée par la gauche: la perte de mobilité. «A Genève, la formation permet d’enseigner à la fois au niveau élémentair­e (4-8 ans) et moyen (8-12 ans), ce qui n’est pas le cas dans le canton de Vaud, où les enseignant­s ne sont formés que dans un seul cycle», détaille Caroline Marti. Or à ses yeux, la flexibilit­é genevoise bénéficie non seulement aux enseignant­s, mais aussi aux directions d’établissem­ent qui peuvent plus facilement composer des horaires. Quid de la possibilit­é de supprimer le numerus clausus, comme le demande la droite? «A quoi bon former davantage d’enseignant­s, s’ils ne trouvent pas ensuite de places de stage ou de postes?» rétorque Caroline Marti.

Jadis opposé au projet, le Départemen­t de l’instructio­n publique (DIP) a changé de position avec l’arrivée de la nouvelle conseillèr­e d’Etat Anne Hiltpold. Lors des débats parlementa­ires, la magistrate PLR a défendu une propositio­n qui permettrai­t à un plus grand nombre d’étudiants de rester étudier à Genève. Elle a également relativisé le phénomène de mobilité interne qui ne concerne, selon elle, qu’une minorité d’enseignant­s. Un référendum étant désormais déposé, Anne Hiltpold n’a pas souhaité s’exprimer dans le cadre de cet article. ■

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