Les abonnements de Facebook et Instagram font polémique
Meta propose de réduire fortement le prix de ses offres sans publicité, les faisant passer de 10 à 6 francs par mois environ. En face, ni l’Union européenne ni les associations de défense des consommateurs n’approuvent la stratégie de la multinationale
Les utilisateurs de Facebook et d’Instagram l’ont remarqué dès le début du mois de novembre 2023: ces deux réseaux sociaux leur offrent un choix. Soit ils décident de continuer à les utiliser gratuitement, et acceptent en contrepartie de voir de la publicité. Soit ils paient 9,99 francs par mois pour ne plus avoir face à eux la moindre annonce. Meta, maison mère de Facebook et Instagram, avait offert ce choix pour se conformer à des directives européennes. Mais aujourd’hui, plus rien ne fonctionne: l’Union européenne soupçonne Meta d’agissements illégaux, des associations de défense des consommateurs l’accusent de tromperie et la multinationale tente de modifier sa stratégie.
Rappelons d’abord pourquoi Meta propose – uniquement pour ses clients européens – ce choix. Le groupe dirigé par Mark Zuckerberg se plie à une décision de la Cour européenne de justice rendue en juillet 2023. Dans son arrêt, cette dernière avait affirmé que les entreprises devraient proposer une alternative aux utilisateurs qui ne veulent pas que leurs données personnelles soient récoltées et vendues à des annonceurs. Meta a choisi comme alternative un abonnement payant. Le groupe ne récolte plus de données personnelles à des fins de publicité ciblée… Mais attention, Meta continue tout de même à récolter des données sur ses utilisateurs.
«Le consommateur peut-il ainsi effectuer un choix éclairé en payant de tels abonnements? Bien sûr que non. C’est une farce»
MAX SCHREMS, AVOCAT
Le groupe n’a jamais dit combien de ses utilisateurs avaient fait le choix de payer – il s’agit sans doute d’une minorité. Pour le marché suisse, le prix de base est de 9,99 francs par mois pour Facebook (9,99 euros dans l’Union européenne). Le tarif est identique pour Instagram.
Sentant que ces abonnements sont vus d’un mauvais oeil par Bruxelles, Meta vient de faire une nouvelle proposition à la Commission européenne: abaisser drastiquement le prix de ces abonnements de 9,99 à 5,99 euros, comme l’a révélé Reuters. Cité par l’agence, un responsable de Meta a affirmé que «c’est de loin le prix le plus bas que toute personne raisonnable devrait payer pour des services de cette qualité. C’est une offre sérieuse. L’incertitude réglementaire actuelle doit se dissiper rapidement.»
Bruxelles enquête
Il n’est pas certain que cela soit rapide. Le 1er mars, la Commission européenne réclamait à Meta des explications sur son système d’abonnement sans publicité. L’exécutif demandait au groupe américain de «fournir des informations supplémentaires sur les mesures prises pour se conformer à ses obligations concernant les pratiques publicitaires de Facebook et d’Instagram». La Commission exigeait aussi des informations sur «les systèmes de recommandation» qui mettent en avant des contenus pour les utilisateurs de ses plateformes et sur «les évaluations des risques liés à l’introduction de cette option d’abonnement».
En parallèle, les internautes se mobilisent aussi contre le choix proposé par Meta. Ainsi, des associations de consommateurs de huit pays européens ont porté plainte auprès des autorités de protection des données personnelles contre le système d’abonnement. Selon ces associations, le système est «un écran de fumée destiné à détourner l’attention du consommateur quant au traitement illicite de ses données personnelles».
«La pire des choses»
Parmi les associations qui s’indignent se trouve celle dirigée par l’avocat autrichien Max Schrems, NOYB (None Of Your Business). Dans une récente interview au Temps, il disait ceci des abonnements: «C’est la pire des choses. D’abord, Facebook et Instagram continuent à vous surveiller en ligne et à récolter des données sur vous. Ils n’utilisent juste pas ces données pour de la publicité. Autre point: imaginez si toutes les apps vous proposaient de payer pour ne pas être traqué pour de la publicité: cela coûterait des milliers d’euros par an à chaque famille. Les budgets modestes ne pourraient se l’offrir. J’ajoute que le prix de 10 euros par mois et par abonnement est beaucoup trop élevé par rapport à la valeur de nos données pour de la publicité. Donc finalement, le consommateur peut-il ainsi effectuer un choix éclairé en payant de tels abonnements? Bien sûr que non. C’est une farce.» ■