Soins au féminin
L’évolution physiologique naturelle, les maladies, leurs symptômes et l’efficacité des traitements diffèrent entre les hommes et les femmes. L’Hôpital de La Tour innove pour répondre aux besoins spécifiques de la femme
En moyenne 450 cycles, soit sept années de règles et 30 litres de sang perdu au cours d’une vie: symbole entre tous, les règles reflètent les spécificités du corps féminin. Pourtant, la prise en compte des besoins uniques des femmes dans les traitements médicaux est chose récente. Pendant des décennies, la médecine n’a pas tenu compte des particularités féminines. Mais les temps changent: la communauté médicale s’intéresse aujourd’hui aux enjeux féminins, en lien avec des données biologiques et comportementales. Mieux, des parcours de soins et des services dédiés sont mis en place.
«Nous développons nos prestations de soins, mais aussi de prévention, d’éducation et de dépistage précoce»
Katherine Potter, sage-femme responsable du projet prioritaire Santé de la femme de l'Hôpital de La Tour
C’est le cas à l’Hôpital de La Tour à Meyrin (Genève). La santé des femmes y fait l’objet d’une offre spécialisée: médecine de la reproduction, médecine foeto-maternelle, prise en charge des maladies féminines typiques, telles que la ménopause ou les maladies cardiovasculaires. Les spécialistes forment des équipes pluridisciplinaires et complémentaires autour des patientes, selon le profil spécifique de ces dernières. «Nous développons nos prestations de soins, mais aussi de prévention, d’éducation et de dépistage précoce», explique Katherine Potter, sage-femme responsable du projet prioritaire Santé de la femme de l’Hôpital de La Tour. Et la prévention est au coeur du projet: pour mieux informer les femmes, l’Hôpital de La Tour propose une série de conférences publiques et lance une nouvelle communauté («La Tour Santé au féminin») sur les réseaux sociaux pour conjuguer les soins au féminin.
Ménopause et douleurs: le poids des tabous
Depuis la puberté, la plupart des femmes endurent des douleurs taxées de «naturelles». S’en accommodent-elles à l’excès? C’est la thèse défendue par Antonella Valiton-Crusi, gynécologue à l’Hôpital de La Tour: «Du point de vue médical, en connaissance des traitements existants, souffrir en continu ne se justifie absolument pas», affirme la spécialiste. Il reste que, malgré la prise de conscience et l’émergence de soins spécifiques, les femmes elles-mêmes s’ouvrent encore peu sur leur vécu: «Arrivées à la ménopause, elles évoquent rarement spontanément leurs douleurs lors des rapports, leur humeur instable, leurs pertes de mémoire ou leur fatigue chronique. C’est aux professionnels de les y inviter, même si les effets des changements hormonaux sont connus», constate la Dre Valiton-Crusi, qui oriente les patientes sur l’adoption d’un mode de vie sain et, si nécessaire, sur des traitements pour faire face aux effets de cette baisse hormonale physiologique.
L’infarctus, ennemi numéro 1
Chez les femmes, la ménopause augmente le risque d’accident cardiovasculaire: les infarctus comptent pour 35% des maladies féminines, soit six fois plus que le cancer du sein! Faute d’informations, la plupart d’entre elles ignorent le danger, ses causes et ses symptômes. Autres facteurs d’influence: l’hypertension artérielle, un mode de vie sédentaire, le stress et le tabagisme. La Dre Valiton-Crusi regrette le peu d’attention porté à la simple prise de tension dans les consultations ordinaires: «Ce geste simple nous livre des indices sur l’état de santé de la patiente. Il nous permet aussi de relayer des messages de prévention essentiels sur l’hygiène de vie, le mouvement et l’alimentation.» Palpitations, suées, nausées, troubles digestifs ou encore fatigue soudaine et persistante figurent parmi les symptômes les plus fréquents, qui devraient alerter les femmes. Néanmoins, ils ne sont pas identifiés comme des signes avant-coureurs d’un accident cardiovasculaire.
Endométriose: le parcours des combattantes
En âge de procréer, une femme sur dix serait touchée par l’endométriose, maladie évolutive et chronique dont l’origine reste complexe. Les femmes concernées développent des glandes similaires à celles qui tapissent l’intérieur de l’utérus, aussi nommées glandes de l’endomètre, qui ont la particularité de se loger en dehors de l’utérus: dans le pelvis, sur la vessie, les intestins ou sur le vagin. Elles réagissent aux hormones menstruelles en se remplissant d’eau et de sang, entraînant une inflammation à l’origine des douleurs, notamment pendant les règles et les rapports sexuels, voire une infertilité.
D’inexistants à extrêmement invalidants, les symptômes varient d’une femme à l’autre. Les traitements médicamenteux actuels permettent de les gérer. En revanche, ils ne guérissent pas la maladie. La pilule contraceptive est prescrite pour réduire les douleurs. Les femmes qui souhaitent concevoir un enfant optent plutôt pour une intervention chirurgicale: «Ces chirurgies se doivent d’être conservatrices, car la plupart des femmes ont la vie devant elles et des projets familiaux», souligne le Dr Jean-Marie Wenger, gynécologue et fondateur du Centre de Gynécologie Endométriose & Fertilité à l’Hôpital de La Tour. La prise en charge nécessite du temps: «Comprendre la patiente, ses difficultés, ses désirs; poser un diagnostic; s’accorder sur le traitement: tout cela requiert une mise en confiance et une excellente qualité de dialogue avec la patiente», explique le médecin. Au fur et à mesure de la prise en charge, le gynécologue s’entoure des divers spécialistes de La Tour: chirurgiens, urologues, radiologues ou physiothérapeutes, selon les cas. Les psychologues jouent aussi un rôle important: des souffrances régulières et intenses laissent des traces. Certaines femmes traversent des épisodes d’arrêt de travail, de rupture et d’isolement. Parfois, elles ressentent des douleurs fantômes après une intervention chirurgicale. Dans ce contexte, la prise en charge globale de l’Hôpital de La Tour soulage la femme et ses proches. «Souffrir pendant les règles n’est pas juste «normal». Nous devons investiguer et évaluer chaque situation et proposer des pistes aux femmes concernées», conclut le Dr Wenger.
Ces cancers qui touchent la féminité
Chaque année, un nombre important de femmes déclarent un cancer du sein. Pour lutter contre ce cancer, le dépistage par mammographie est la clé. La mammographie gratuite à la cinquantaine a été introduite il y a de nombreuses années, mais fait actuellement débat. Angela Pugliesi Rinaldi, oncologue à l’Hôpital de La Tour, explique: «D’un côté, il y a ceux qui, comme moi, voient le dépistage comme un moyen essentiel de détecter précocement les tumeurs et de sauver des vies. De l’autre, certains estiment que le dépistage induit le surtraitement de tumeurs qui, selon eux, pourraient être inoffensives. Mais le jeu n’en vaut pas la chandelle.» Lorsque la mammographie est positive, le parcours de soins continue par des examens complémentaires pour identifier les caractéristiques de la tumeur: son stade de développement, sa localisation et son agressivité. En partenariat avec les HUG, l’Hôpital de La Tour et ses équipes pluridisciplinaires assurent une prise en charge individualisée.
Mais le sein n’est pas le seul organe féminin touché par le cancer. Largement moins fréquent, le cancer de l’utérus a des conséquences plus graves, car moins d’options thérapeutiques existent. La prévention est donc capitale pour ce cancer. Elle se joue, entre autres, au niveau de la vaccination contre le papillomavirus humain, car celui-ci est à l’origine de la maladie. D’abord exclusivement dédiée aux femmes, la vaccination est désormais recommandée aux jeunes hommes. «C’est une grosse évolution sociale où l’homme aide la femme grâce à la vaccination», apprécie-t-elle.
Pour lutter contre les cancers en général, les approches de soutien, y compris la médecine complémentaire et les groupes de discussion, sont importantes pour le bienêtre général des femmes, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder la féminité et la sexualité particulièrement impactées par les cancers et leurs traitements. L’Hôpital de La Tour propose des soins paramédicaux à travers le Centre Otium situé sur son campus: soutien psychologique, conseils nutritionnels et programmes de réadaptation. Une offre globale qui compte plus de 40 thérapies individuelles ou en groupes pour «rassurer les femmes et les aider à retrouver un équilibre physique, émotionnel et social, si elles le veulent et à leur rythme», termine Angela Pugliesi Rinaldi. ■