Adieu Gary Cooper, humeurs sombres pour rock lumineux
Le groupe lémanique présente ce soir son troisième album dans le cadre du festival genevois Voix de fête, avant d’autres dates romandes
«Juste un moment de folie passagère, juste un moment de vie avant la prochaine guerre…» Sur une mélodie électro-rock invitant à la fête et à l’insouciance, Quelque chose de léger incarne une envie de s’extraire du monde, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Ce titre qui figure sur le troisième album d’Adieu Gary Cooper, Toute sortie est définitive, le chanteur Nicolas Scaringella l’a écrit juste avant l’irruption du covid, et donc bien avant l’invasion russe en Ukraine et l’embrasement du procheOrient. «C’est une chanson qui a finalement donné sa tonalité au disque», résume le Genevois, dont on connaît l’appétence pour des textes sombres qui reflètent la déliquescence ambiante et la violence parfois implacable du monde du travail, ce qui affleurait déjà dans Outsiders en 2017.
Le premier morceau de ce nouvel enregistrement s’intitule d’ailleurs Je m’attends au pire, tandis que plus loin sont évoqués un «climat délétère» (Ere glaciaire) et la possibilité que «ça tourne mal» (Il y a des chances). «L’état du monde est encore pire qu’avant, se désole Nicolas Scaringella. Mais on ne perd pas espoir d’avoir un jour de quoi se réjouir, ce qui nous permettrait de sortir un album plus léger. Aujourd’hui, lorsqu’on suit l’actualité, c’est plombant.» Il aura donc fallu sept ans à Adieu Gary Cooper pour publier son troisième album. Si de nouveaux morceaux avaient été testés sur scène avant la pandémie, celle-ci a sans surprise mis un frein à cet élan. «Et comme après la crise tout le monde voulait dévoiler quelque chose, on a de notre côté préféré ne pas se mêler à tout ce bruit ambiant. On était entrés dans un rythme de travail assez lent qui nous convenait bien.»
L’attente en valait la peine. L’album que dévoilent aujourd’hui Nicolas Scaringella, Perrine Berger et Paul Becquelin, noyau dur du groupe épaulé sur scène par Alex Muller Ramirez et Vincent Hänggi, alterne mélodies enjouées et riffs lancinants pour d’intéressants contrastes. Et le tout en seulement trente et une minutes et sept titres, comme une envie d’aller à l’essentiel, alors que la longue pause du groupe aurait pu plaider pour un album plus opulent. «C’est vrai, on a beaucoup élagué, rigole le chanteur. Je travaille pour le label Cheptel Records, et c’est ce que je dis toujours aux artistes: enlevez des titres, ne soyez pas trop longs! Il fallait donc que nous appliquions aussi cette consigne. Aller droit au but et rendre le propos plus clair est pour moi essentiel à l’heure où le temps d’attention des auditeurs s’est réduit.»
Une fusion entre rock psychédélique et synthétiseurs
«Aller droit au but et rendre le propos plus clair est pour moi essentiel à l’heure où le temps d’attention des auditeurs s’est réduit» NICOLAS SCARINGELLA, CHANTEUR D’ADIEU GARY COOPER
Elaboré au fil d’allers et retours entre le chanteur, Perrine Berger et Paul Becquelin, Toute sortie définitive est un album qui claque, comme une fusion entre le folk psychédélique de Bleu bizarre (2014) et le rock à synthétiseurs plus musclé d’Outsiders. «Le fait d’avoir pris notre temps nous a permis de vraiment ajuster les sons pour garder une dimension organique tout en ayant aussi quelque chose d’électronique et de mécanique, ce son un peu futuriste», résume Nicolas Scaringella. Et il y a toujours cette voix déclamatoire, souvent très en avant, avec des intonations pouvant évoquer Bashung ou Thiéfaine, avec aussi parfois un petit côté crooner. Le Genevois confirme: «Mes collègues me disent de ne pas toujours hurler comme le chanteur rock que j’étais à mes débuts, d’être plus posé sur les chansons sombres. Arrivé à un certain âge, on est de toute manière obligé de devenir un peu crooner si on veut continuer à faire de la musique…» ■
Adieu Gary Cooper, «Toute sortie est définitive» (Cheptel Records). En concert aujourd’hui à Genève (Casino Théâtre) dans le cadre du festival Voix de fête, le 24 mars à Vevey (Rocking Chair), le 11 avril au Cully Jazz Festival (Le 135), le 16 mai à Genève (Radio Vostok) et le 18 mai à Nyon (La Parenthèse).