En finir avec le nucléaire, vraiment?
Alors que l’accident de Fukushima en avait provoqué l’arrêt définitif dans plusieurs pays, l’énergie nucléaire fait son grand retour dans le débat public en Suisse, en Europe et dans le monde. A la COP23 déjà, puis au WEF en début d’année, puis aux Chambres fédérales ce printemps, pourquoi cet intérêt nouveau? En vrac, le désir d’abandonner les ressources fossiles afin de décarboner l’atmosphère, la demande accrue d’électricité dans tous les domaines, l’insécurité subséquente aux conflits mondiaux, la volonté de s’assurer une certaine autonomie nationale.
Toutefois, cette source d’énergie est constamment diabolisée alors que son usage permettrait de résoudre bien des problèmes soulevés par ceux-là mêmes qui s’y opposent. Au mépris des avancées scientifiques, de nombreuses contrevérités entretiennent les vieilles angoisses prométhéennes. Chez Europe Ecologie Les Verts (EELV), parti héritier des combats antinucléaires du siècle dernier, on s’arcboute sur les risques d’accident et sur la gestion des déchets. Sans oublier les ultra-féministes qui, convergence des luttes oblige, ne reculent devant aucune outrance. Pour elles, nous dit la journaliste de Médiapart, Jade Lindgaard, «c’est une énergie brutale et hiérarchique, opaque, sur laquelle on n’a aucune prise, qui vous écrase, vous marche dessus, et ne vous laisse pas votre mot à dire». Une énergie patriarcale pour le wokisme! On reste sans voix devant de telles inepties, tout en constatant avec plaisir que la base des écologistes évolue, avec de nouvelles générations qui, selon un sondage en France, seraient favorables à une relance du nucléaire à 53%, le considérant comme une source décarbonée, souveraine et qui évite l’épuisement des ressources minières des pays du Sud.»
Après l’accident de Fukushima en mars 2011, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (ISFN) avait été chargée d’en analyser les circonstances afin d’en tirer d’éventuelles leçons pour les centrales suisses. Ses conclusions furent formelles: les défauts de sécurité sur le site japonais ne concernaient pas les installations suisses qui bénéficiaient déjà des dispositifs adéquats. Dix ans après, le directeur de l’organisme écrivait: «Les comparaisons internationales et les examens de la technologie et de la surveillance ont montré que non seulement les centrales suisses répondent à toutes les recommandations des organismes internationaux, mais elles se positionnent très bien en comparaison internationale en termes de sécurité.» Le risque d’accident en Suisse est donc particulièrement sous contrôle.
Concernant les déchets, on continue d’asséner à l’opinion publique que le problème reste entier, comme le disait récemment Roger Nordmann, conseiller national socialiste: «La question des déchets radioactifs n’est toujours pas réglée, alors que cela fait depuis 1969 qu’on en produit.» Pourtant, les experts scientifiques de la Nagra (Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs), après des dizaines d’années de recherches, affirment avoir trouvé la solution grâce à la construction d’un dépôt en couches géologiques profondes, dans une roche hôte idéale, avec des barrières autour des déchets pour retenir pratiquement toutes les particules radioactives de façon efficace et à long terme. C’est ainsi que, moyennant d’enfouir les matériaux soigneusement isolés dans un site approprié, leur éventuelle remontée vers la surface est plus lente que la décroissance de leur radioactivité. En clair, lorsqu’ils réapparaîtront dans des siècles ou des millénaires, ils ne seront plus dangereux.
Dès lors, rien ne s’oppose à maintenir les centrales existantes et à prévoir dès aujourd’hui leur remplacement. Car, toutes vertueuses soient-elles, les énergies renouvelables sont intermittentes et doivent s’appuyer sur des sources de production continue. Face à cette évidence, et au lieu de miser comme l’Allemagne sur des centrales thermiques à gaz, émettrices de CO2 et dépendantes d’un approvisionnement incertain, la Suisse devrait rapidement faire le choix du nucléaire.
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