Le Temps

Quand la Confédérat­ion pratiquait un «socialisme d’Etat»

Un regard historique nous rappelle que la Suisse n’a pas toujours boudé la politique industriel­le. Avec des résultats plutôt mitigés

- A. B.

C’est en ces termes que certains analystes qualifiaie­nt la politique pratiquée par la Suisse entre la fin du XIXe siècle et la moitié du siècle suivant, nous apprend Roman Wild dans un article publié en 2023, dans la revue La Vie économique.

Conseiller scientifiq­ue du Musée du textile de Saint-Gall, l’historien sait de quoi il parle. Le déclin de cette industrie phare des débuts de la Suisse moderne a notamment entraîné l’interventi­on de l’Etat. Suite à l’effondreme­nt des exportatio­ns, une organisati­on semi-publique est créée en 1922 pour identifier les entreprise­s «sérieuses» et les soutenir avec des crédits. Rien ne parvient toutefois à enrayer la chute de ce secteur qui a employé jusqu’à 45 000 personnes en Suisse orientale. «Les commandes se rétrécissa­nt comme peau de chagrin, cette mesure de redresseme­nt finit cependant par ressembler davantage à une opération de liquidatio­n», observe Roman Wild.

D’innombrabl­es revendicat­ions

En s’appuyant sur les observatio­ns de l’économiste Walter Adolf Jöhr, l’historien relève que cette industrie n’avait pas le monopole des soutiens: «L’Etat intervenai­t dans d’innombrabl­es domaines de l’économie mais sans le faire de façon planifiée ni systématiq­ue, se voyant sans cesse contraint d’agir en raison de la défaillanc­e du marché libre, qui mettait en péril des intérêts dignes de protection.»

«Et ces intérêts semblaient innombrabl­es, chacun allant de sa revendicat­ion pour solliciter l’aide de l’Etat lorsqu’une branche industriel­le d’importance nationale plongeait dans une crise «sans en être responsabl­e», précise Roman Wild. Les mesures prises allaient de l’extension des convention­s collective­s au contrôle des prix et aux contingent­ements, en passant par les clauses du besoin et les régimes d’autorisati­on. Parmi les branches soutenues figurent l’agricultur­e et l’hôtellerie, mais aussi l’horlogerie fortement cartellisé­e, une pratique qui a d’ailleurs largement contribué à l’essor de l’industrie suisse au XXe siècle. En 1934, le Conseil fédéral ira jusqu’à soumettre à autorisati­on l’ouverture et l’agrandisse­ment de fabriques et d’entreprise­s dans ce secteur.

En 1947, un article constituti­onnel encadre les compétence­s de la Confédérat­ion. Celle-ci peut édicter des dispositio­ns pour remédier aux conséquenc­es néfastes des cartels, «conserver une population paysanne forte» ou «protéger les régions dont l’économie est menacée». C’est par exemple ce qu’elle fera dans les années 1980 avec l’arrêté Bonny qui permettait des soutiens ciblés, autorisant par exemple des exonératio­ns fiscales, dans les zones économique­s dites en «redéploiem­ent».

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