Ce traité de libre-échange qui ne passe plus
La crise agricole et son ambiance protectionniste ont fait basculer le débat sur un accord entre l’UE et le Canada, rejeté hier par le Sénat
Voilà quatre lettres qui mettent Emmanuel Macron et les siens en bien mauvaise posture: CETA (pour Comprehensive Economic and Trade Agreement). Le Sénat français a rejeté ce jeudi dans une ambiance tendue la ratification de ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Ce résultat n’implique pas nécessairement qu’il faille enterrer l’accord, le texte doit repasser par l’Assemblée nationale et le gouvernement peut aussi tout simplement ne pas notifier la décision de son parlement à l’UE, comme l’a fait Chypre. Mais si un rejet devait être notifié au bout du compte, l’accord deviendrait théoriquement caduc, et ce, pour tous les pays européens.
Deux traités dans le même sac
Le CETA est appliqué provisoirement depuis 2017 à l’échelle européenne. Il n’avait cependant jamais été ratifié jusqu’au bout par la France. Les sénateurs communistes ont réussi à accélérer la dernière étape de ce processus en forçant la consultation par la Chambre haute du projet de loi autorisant le gouvernement français à ratifier le texte.
Une alliance entre toutes les gauches mais aussi l’extrême droite et surtout la droite traditionnelle des Républicains, encore puissante au Sénat, a donc eu raison du court consensus qui avait fait passer le texte à l’Assemblée nationale.
Le contretemps tombe particulièrement mal du point de vue de la politique intérieure. Ce débat arrive en pleine campagne pour les élections européennes de juin, en vue desquelles le camp présidentiel est très mal parti dans les sondages, face à un Rassemblement national dominateur avec sa ligne souverainiste et protectionniste. Un contexte rendu d’autant plus explosif que la colère des agriculteurs qui a marqué le début d’année s’était, entre autres, focalisée sur les traités de libre-échange, notamment l’accord commercial avec les géants latino-américains du Mercosur.
Le gouvernement français fait tout pour différencier ces deux accords. Le canadien d’un côté, qui serait bénéfique pour les viticulteurs, les producteurs de fromage mais aussi d’autres grandes entreprises françaises. Et le sud-américain de l’autre, contre lequel Emmanuel Macron s’est soudain positionné en opposant radical pendant la crise agricole, l’accusant de désavantager les paysans français.
Problème: c’est sur les deux accords que les agriculteurs se sentent menacés. Le CETA supprime la plupart des droits de douane. Les éleveurs français estiment qu’il favorise lui aussi des importations de viande produite à bas coût, avec bien moins de contraintes écologiques et sanitaires. Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur, très actif dans les médias ces derniers jours pour dénoncer «l’instrumentalisation électoraliste» de ce vote, argumente quant à lui que des «mesures miroirs» prévoient d’empêcher la «concurrence déloyale», notamment en rendant impossible l’importation sur le marché européen du très discuté «boeuf aux hormones». Des arguments qui ne semblent pas avoir convaincu certains partis lorgnant les voix des agriculteurs qui se sont tous alliés à la gauche radicale et au RN, opposés de longue date à ces traités de libre-échange européens.
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