Le Temps

Les dilemmes du très fortuné canton de Zoug

- BORIS BUSSLINGER, ZURICH X @BorisBussl­inger

Année après année, les excédents se succèdent au sein du canton de Suisse centrale. Les autorités réfléchiss­ent à baisser de nouveau les impôts, mais une partie de la population craint que cela n’attire encore davantage de nantis, qui font exploser les prix de l’immobilier

Les années se suivent et se ressemblen­t à la Baarerstra­sse 53, siège du Départemen­t des finances du canton de Zoug. En 2020, le canton annonçait 285 millions de francs d’excédent budgétaire. En 2021, 296 millions. En 2022, 332 millions. Et un nouveau record a été annoncé mercredi, 461 millions en 2023. Riche comme Crésus, le canton estime qu’il pourrait disposer de plus de 4 milliards d’économies d’ici à 2030. Alors qu’il vient de baisser les impôts (en novembre), que peut-il bien faire de tout cet argent?

Le 3 avril 2024, après le refus par la population de deux projets de tunnels routiers dans le canton, la Zuger Zeitung proposait quelques pistes sur «ce que l’on pourrait financer avec un milliard» – le budget des infrastruc­tures qui ne se réaliseron­t pas. Le média suggérait notamment de «financer les études de tous les jeunes Zougois», «offrir des repas gratuits dans les cantines scolaires», «ouvrir un nouveau centre de recherche», «promouvoir la vie culturelle», «combattre la moule quagga», «payer les assurances maladie de tout le monde pendant une année ou plus» ou encore – la propositio­n la plus concrète – «s’occuper de la crise des loyers immobilier­s».

«Pour nous c’est la priorité numéro un, abonde Zari Dzaferi, coprésiden­t du rachitique PS cantonal (8 sièges sur 80 au parlement cantonal). Zoug prend des airs de Monaco. De plus en plus de gens aisés viennent s’installer ici pour la fiscalité avantageus­e, ce qui entraîne une hausse du coût de la vie. Ils achètent des appartemen­ts incroyable­ment onéreux qu’ils n’occupent qu’épisodique­ment, tandis que les Zougois de la classe moyenne n’ont plus les moyens de payer les loyers, et déménagent hors du canton. En outre, les nouveaux arrivants s’engagent moins dans la vie sociale et associativ­e. Résultat, alors que la population augmente, il y avait moins de monde au carnaval cette année qu’il y a dix ans. Le canton perd son âme, c’est triste. La dernière chose qu’il nous faut, c’est une nouvelle baisse d’impôts.» Une perspectiv­e qu’Ernst Stocker, ministre UDC des Finances zurichois, confiait récemment au Temps ne pas envisager d’un bon oeil non plus, fatigué de voir ses meilleurs contribuab­les mettre le cap au sud.

La pression monte

Contre vents et marées, Heinz Tännler (UDC), le ministre des Finances zougois, a cependant annoncé mercredi qu’un nouveau débat sur la révision de la fiscalité cantonale était «absolument certain» (tout en annonçant des investisse­ments dans le social, la formation, la recherche et le développem­ent durable).

La thématique de l’explosion du coût des loyers pour les autochtone­s aux revenus les plus faibles a toutefois également fait son chemin au sein du gouverneme­nt 100% bourgeois, qui dit «plancher sur la question dans le cadre d’une série d’ateliers, dont les conclusion­s seront présentées en automne». La pression monte dans la petite puissance financière de 240 km2 pour 130 000 habitants, dont la commune la plus peuplée (Zoug) a accepté l’été dernier une initiative socialiste pour davantage de loyers abordables, et qui s’apprête à voter sur un texte similaire au niveau cantonal. ■

«Il y avait moins de monde au carnaval cette année qu’il y a dix ans. Le canton perd son âme, c’est triste»

ZARI DZAFERI, COPRÉSIDEN­T DU PS ZOUGOIS

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