A Chiasso, un festival bruyant comme un cri d’alarme
Chiasso Means Noise, qui court dans la cité frontalière tessinoise jusqu’à la mi-avril, met les musiques bruitistes à l’honneur. Et veut attirer l’attention sur les risques de désertification culturelle
XLes francophones que nous sommes n’auront pas forcément fait le lien mais, en italien, le terme chiasso signifie «le tapage, le bruit, le vacarme». Le fil était dès lors tout trouvé pour que la ville de notre extrême sud s’ouvre aux musiques qui ébranlent les tympans; c’est désormais chose faite avec un festival qui ne pouvait s’appeler autrement que Chiasso Means Noise.
A la barre de la manifestation, qui court par opérations disjointes jusqu’au 13 avril prochain: Francesco Giudici, organisateur d’événements et musicien lui aussi – on peut réécouter avec profit son [No] Surrender, tout en lames de fond hérissées, composé en 2022 avec l’expérimentateur alémanique Simon Grab.
Dans un récent entretien à La Regione, Giudici filait cette métaphore étymologique: «Chiasso est une ville parsemée de bruits (ferroviaires, particulièrement), qu’on a souvent comparée à une sorte de Bronx tessinois. Son paysage sonore, c’est un bruit; mais ce que
«Chiasso est une ville parsemée de bruits qu’on a souvent comparée à une sorte de Bronx tessinois» FRANCESCO GIUDICI, ORGANISATEUR DU FESTIVAL CHIASSO MEANS NOISE
nous entendrons au festival, ce sont des bruits qui nous raconteront des histoires.»
Pour se dire, ces histoires emprunteront plusieurs types de canaux: concerts, DJ sets, sessions d’écoute, conférences. Ce samedi, on débattra ainsi de l’avenir de la musique indépendante sur le territoire cantonal – tant il est vrai que si Chiasso Means Noise monte le son, c’est aussi sous les espèces d’un cri d’alarme face à un sentiment général de désaffection des petits acteurs culturels tessinois. Sur un plan purement musical, la programmation réserve une large part à la générosité des expérimentateurs d’un peu tout le pays – un pouvoir d’attraction en partie dû au partenariat que Chiasso
Means Noise a noué avec RöstiBrücke, un programme d’échange transrégional lancé il y a deux ans et spécialement pensé par les musiques aventureuses.
On notera ainsi particulièrement la venue, ce samedi toujours, du platiniste de l’extrême Strotter Inst., accompagné de Flo Kaufmann. Autre moment de choix, le samedi 13 avril, avec un duo réunissant l’accordéoniste Tizia Zimmermann et Pablo Lienhard aux dispositifs électroniques divers: leur récent Organ, sorti le mois passé sur le label zurichois Wide Ear Records, est un magnifique exemple d’exigence poétique et de rêve saturé.
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