Des pouvoirs de la photo dans un couvent grec
Metin Arditi retrouve la Grèce avec «L’Île de la Française», une enquête doublée d’une mise en lumière du corps dans un contexte qui le nie
L’Île de la Française fait partie des romans grecs de Metin Arditi. Après notamment La Fille des Louganis (Actes Sud, 2007) et L’enfant qui mesurait le monde (Grasset, 2016), ce roman se situe aussi face à la mer, sur Saint-Spyridon, un îlot tout proche des côtes turques. Nous sommes à l’été 1950. Aux morts de la Deuxième Guerre mondiale se sont ajoutés ceux des quatre années de guerre civile. La misère et la désolation règnent. L’île se vide de ses habitants, qui cherchent une subsistance jusqu’en Australie. Dans ce contexte, le monastère offre un refuge et surtout de quoi manger aux femmes qui ne peuvent ou ne veulent pas tenter l’exil.
Elles sont souvent jeunes, voire encore des enfants, quand elles prennent le voile du noviciat. Clio, «petit animal prêt à bondir», n’a ainsi que 13 ans quand elle découvre les règles monacales rigoristes à l’extrême imposées par Andonia, la mère supérieure ou higoumène. Le monde des couvents orthodoxes, versant russe, était le cadre déjà de La Confrérie des moines volants (2013). Il était aussi présent dans la Palestine du XIe siècle, théâtre de L’homme qui peignait les âmes (2021). L’éblouissement ressenti face à l’art des icônes venait transformer la vie des personnages dans les deux titres.
Une relation filiale
Le pouvoir de l’image, photographique cette fois, va aussi venir fissurer le carcan mortifère du couvent et bouleverser le rapport des moniales à elles-mêmes et à la foi. La Française du titre, c’est Odile, une photographe parisienne, amoureuse de l’île que lui a fait découvrir son mari, tout juste disparu. A cette disparition s’ajoute celle, totalement inexpliquée, de sa fille de 16 ans, Pénélope. Avant le couvent, Clio avait noué une relation filiale avec Odile. L’enquête pour retrouver Pénélope avance tandis qu’Odile enseigne à Clio le maniement des appareils Alpa et Rolleiflex.
«A l’instant où tu me vois comme tu ne m’avais jamais vue, tu appuies sur le déclencheur. Tu auras fait une photo à la fois fidèle et surprenante. Tout l’art de la photographie réside dans ce paradoxe», explique Odile à Clio. On aurait aimé que l’écriture de Metin Arditi aille plus loin dans cet exercice de révélation et de mise à nu. Malgré la beauté de l’idée, la photographie qui redonne un corps à des femmes qui niaient le leur, une impression de survol domine. On peine aussi à croire à la rapidité avec laquelle ces moniales, dans la Grèce des années 1950, acceptent de tomber le voile.
Mais il y a une éruption de joie qu’il ne faut pas bouder dans L’Île de la Française, elle est d’ailleurs contagieuse: c’est la description du flot d’amour qui circule entre les moniales, leur foi renouvelée, tournée vers la vie et non plus vers la mort, au fil des séances de poses avec Clio. Ce printemps-là persiste malgré une fin plus sombre. L. K.
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Revoilà Yaël, son doudou Docteur et leurs chamailleries. La question du jour a trait à la peur du noir, la nuit. Les parents de la petite fille lui ont offert un doudou panda géant qu’on devine à la taille de ses angoisses. Docteur, le petit cochon philosophe et impertinent, serait-il jaloux? Peut-être bien, mais toujours est-il que, mine de rien, il va faire parler la gamine de ses peurs, les décortiquer et l’aider à les accepter. On aime la simplicité des dessins, les personnages avec leur tronche de cake, les dialogues à hauteur des jeunes lecteurs, directs, tout en franchise et en drôlerie. Cette série, qui compte désormais quatre titres, se fait doucement sa place en tentant de résoudre les questions existentielles que se posent les enfants.