La rénovation énergétique des bâtiments genevois enfin réglée
Jeudi soir, le Grand Conseil a voté à l’unanimité l’accord négocié entre le canton, les milieux immobiliers et l’Asloca. L’Etat débloquera 550 millions de francs au lieu des 200 initialement prévus pour soutenir la rénovation du parc bâti
Est-ce l’annonce de comptes pléthoriques qui a adouci les esprits? Ou l’habile négociation du ministre du Territoire, Antonio Hodgers, qui a réussi à apaiser les craintes? Toujours est-il que six mois après le psychodrame sur la rénovation énergétique des bâtiments, le Grand Conseil genevois a voté jeudi soir à l’unanimité l’accord négocié entre le canton, les milieux immobiliers et l’Asloca pour soutenir les travaux d’assainissement du parc immobilier. A la clé: 550 millions de francs de subventions au lieu des 200 initialement prévus par l’Etat. Les privés en bénéficieront à hauteur de 70% tandis que les collectivités publiques, comme les communes ou les établissements publics autonomes, pourront prétendre à 30% de l’enveloppe. Tout est bien qui finit bien, donc, dans ce conflit larvé qui avait viré au clash cet automne.
«Lorsqu’une loi est non conforme au droit supérieur ou non applicable, alors oui le Conseil d’Etat peut temporiser» ANTONIO HODGERS, CONSEILLER D’ÉTAT
Du clash institutionnel à l’apaisement
Bref rappel des faits. En septembre dernier, le Grand Conseil vote sur le siège une version passablement édulcorée du règlement de la loi sur l’énergie concocté par le Vert Antonio Hodgers et validé par le Conseil d’Etat dans son ensemble en 2022. La version assouplit notamment la définition des «passoires énergétiques» et, partant, les obligations des propriétaires. Outré par ce «passage en force de la droite», le gouvernement bloque à l’unanimité l’entrée en vigueur de la loi et se donne six mois pour revenir avec un compromis.
C’est le choc dans les travées du Grand Conseil, la majorité de droite du PLR, du MCG, de l’UDC et du Centre dénonçant l’usage de l’article 105 alinéa 3, assimilé au «49.3» à la française. Une disposition constitutionnelle rarement utilisée. De son côté, le Conseil d’Etat persiste et dénonce une «gabegie parlementaire» risquant de faire perdre dix ans au canton et mettant en péril les objectifs du Plan climat genevois. Piqués au vif, les députés ripostent par la voix de leur présidente Céline Zuber-Roy: «Ces propos s’écartent du devoir de réserve que devrait s’imposer le Conseil d’Etat par la voix de son président quant au fonctionnement et aux prérogatives du parlement cantonal», indique-telle dans un communiqué d’une teneur rare. Bref, un clash institutionnel en bonne et due forme qui met en lumière les tensions grandissantes entre le gouvernement et le parlement depuis le début de la nouvelle législature.
A la suite de cette crise, le Conseil d’Etat a repris son bâton de pèlerin et réuni les différents acteurs pour aboutir à un compromis révélé le 5 février dernier et finalement voté par le Grand Conseil. Si tout le monde a dû lâcher du lest, personne n’a perdu la face. Que prévoit l’accord? Contrairement à la version initiale élaborée par le gouvernement, il octroie un délai supplémentaire de trois ans aux petits propriétaires. Ces derniers devront se mettre aux normes d’ici à 2026 pour les plus gros consommateurs et d’ici à 2034 pour les plus petits. L’échéance reste toutefois fixée à 2031 pour les propriétaires d’immeubles. Par ailleurs, l’outil de calcul pour mesurer la consommation d’un bâtiment demeure l’indice de chaleur (IDC) et non pas le dispositif fédéral que voulait imposer la droite.
De la bonne utilisation du «droit de veto»
Si le conflit est désormais résolu, l’UDC et le MCG auraient aimé avoir la certitude qu’il ne puisse plus se reproduire. Jeudi soir, ils ont tenté d’imposer l’abrogation du «droit de veto» à savoir l’article 105 alinéa 3, une «réminiscence française» qui donne un pouvoir démesuré au gouvernement selon le député UDC Yves Nidegger. La majorité a balayé l’entrée en matière, rappelant l’usage parcimonieux de cet outil, convoqué une fois tous les quatre ans en moyenne.
Grand sage citant Montesquieu, Antonio Hodgers a réaffirmé le nécessaire équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Alors que les partis non gouvernementaux l’accusaient d’avoir bloqué la loi pour des motifs politiques, le magistrat a rétorqué: «Lorsqu’une loi est non conforme au droit supérieur ou non applicable, ou encore quand ses effets n’ont pas suffisamment été étudiés en commission, alors oui le Conseil d’Etat peut temporiser et se donner six mois pour poursuivre le débat. Mais au final, c’est le parlement qui a le dernier mot.» Les députés ne pourront pas lui donner tort.
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