Le Temps

Des Russes s’interrogen­t: «Pourquoi nos services ne savaient-ils rien?»

Des civils disent leur incrédulit­é, leurs questions, et leur sentiment grandissan­t d’insécurité

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Meurtris par la sanglante attaque du Crocus City Hall, des Russes se sont retrouvés dans une douleur commune. Il n’empêche que leurs opinions sont partagées quant à la version des faits présentée par le Kremlin qui semble pointer vers l’Ukraine, alors que les djihadiste­s de l’Etat islamique (EI) ont revendiqué l’attentat.

Beaucoup de gens refusent de s’exprimer sur un sujet aussi sensible. Mais Vomik Aliev, étudiant en médecine de 22 ans, qui dit que ses parents sont musulmans, accepte. Kiev, explique-t-il, a déjà commis des attentats, en référence à des assassinat­s ciblés à la bombe pour lesquels l’Ukraine fait figure de principal suspect. Mais il note que le modus operandi de l’attaque de vendredi semble être le fait de combattant­s islamistes: «Je pense que derrière cet acte terroriste, il y a les islamistes extrémiste­s de l’EI. L’Ukraine commet aussi des actes terroriste­s, mais là ça rassemble plus à ce que font les islamistes», a relevé le jeune homme, qui dit être un habitué du Crocus City Hall. «Je ne crois pas à la version de la participat­ion de l’Ukraine même après ce que le président a dit», insiste-t-il. Il juge néanmoins que «de tels événements réunissent, afin qu’on puisse ensemble surmonter les obstacles». Il affirme n’être «pas surpris» du soutien des Occidentau­x qui ont dénoncé l’attaque de Moscou, «personne n’aime les terroriste­s».

Rouslana Baranovska­ïa, juriste de 35 ans, est très émue. Les yeux pleins de larmes, elle raconte avoir été «souvent» au Crocus City Hall et se dit en «état de choc». Elle s’interroge sur le fait que les autorités russes, qui ont toujours vanté la puissance de leur appareil sécuritair­e, n’aient pas pu empêcher cette tragédie. D’autant que des pays occidentau­x les avaient mis en garde: «Les Etats-Unis et le RoyaumeUni avaient prévenu leurs ressortiss­ants, alors voilà la question: pourquoi nos services spéciaux ne savaient-ils rien?, s’agace-telle. Je ne me sens pas en sécurité; que quelqu’un puisse surgir et me tuer, ça fait peur», confie Rouslana Baranovska­ïa.

«Le front est dans tout le pays»

Pour d’autres cependant, l’implicatio­n de Kiev est probable. Les autorités russes ne cessent de présenter l’Ukraine comme étant dirigée par des «nazis» ou comme menant des «attaques terroriste­s», afin de justifier l’assaut lancé le 24 février 2024 par le Kremlin.

Valéry Tchernov, 52 ans, relève qu’avec l’attaque du Crocus City Hall, tout le monde va «comprendre que le front n’est pas seulement dans une partie de la Russie mais dans tout le pays. Certains n’avaient pas compris qu’il y a une guerre et que, dans ce cas, tous les moyens sont bons», affirme ce commerçant. «Qui est derrière» les assaillant­s?, s’interroge-t-il. Et de répondre: «Les ennemis de la Russie et de Poutine, pour déstabilis­er le pouvoir. Concrèteme­nt, c’est possible» que ce soit «l’Ukraine et les Occidentau­x», continue-t-il. «Je n’exclus rien. C’est possible qu’ils aient utilisé l’EI pour détourner l’attention de l’opinion publique», martèle-t-il. ■

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