Le Temps

L’impossible vie privée de la famille royale à l’heure des réseaux sociaux

Coupant court à des semaines de folles rumeurs, la princesse de Galles Kate Middleton a révélé être atteinte d’un cancer. Elle devra vivre cette épreuve en public

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

La terre, après tout, n’est pas plate. Et Kate Middleton, princesse de Galles, n’est pas morte. Ni partie dans une camionnett­e pour faire le tour du monde. Ni en train de se remettre d’une opération de chirurgie esthétique. Elle n’était pas battue, et n’a pas embauché de sosie pour la remplacer.

Les théories du complot qui tournoyaie­nt sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines n’étaient évidemment que cela: des absurdités sans fondement, lancées sur un ton parfois humoristiq­ue, parfois sérieux, parfois carrément déjanté. La réalité, annoncée vendredi soir dans un court message vidéo par Kate Middleton elle-même, est d’une triste banalité. La future reine du RoyaumeUni, 42 ans, a un cancer. Elle a commencé fin février un traitement de chimiothér­apies «préventive­s». «Ça a bien sûr été un énorme choc, et William et moi faisons tout pour gérer cela de façon privée pour protéger notre jeune famille», a-telle expliqué, assise sur un banc au centre d’un grand jardin, portant un simple pull aux rayures marines.

Vain espoir que de mener ce combat de «façon privée». En trois mois, la santé de Kate Middleton a été une leçon sur l’impossibil­ité de la famille royale britanniqu­e d’échapper à la surveillan­ce constante à l’heure des réseaux sociaux. Bien sûr, les rois et reines successifs ont toujours vécu des regards que le public posait sur eux. «Il faut être vu pour être cru», disait Elisabeth II. Etre en représenta­tion, projeter une image, passer de cérémonie en cérémonie: voilà l’essentiel du travail de la famille royale.

Mais à l’heure de TikTok, Facebook et Twitter, les règles du jeu ont été réécrites. Pendant deux mois, Kate Middleton

«La princesse a le droit au secret médical, comme nous l’avons tous» LE PALAIS DE KENSINGTON

a tenté de protéger un tant soit peu sa vie privée. Le palais le dit et le répète: «La princesse a le droit au secret médical, comme nous l’avons tous.» Vendredi soir, quand le communiqué du texte de sa vidéo a été envoyé aux journalist­es, il a été précédé d’un long préambule du service de communicat­ion du palais suppliant «les organisati­ons médiatique­s et leurs agents» de ne pas «chercher, obtenir ou publier» des informatio­ns privées sur sa santé et son traitement, et de ne pas «participer à un marché de l’informatio­n, des images ou des vidéos». Il demande aussi d’éviter les «spéculatio­ns» sur sa maladie exacte. Peine perdue. La machine médiatique a repris de plus belle, et les chaînes de télévision et les réseaux sociaux sont désormais remplis d’«experts» imaginant la nature exacte de son cancer.

Rappelons les faits connus. Le 16 janvier, Kate Middleton a subi une «opération abdominale». Le palais annonçait alors qu’elle passerait deux semaines en convalesce­nce à l’hôpital.

Puis, la princesse de Galles n’est pas apparue pendant de longues semaines, alimentant un début de rumeurs. Pour tenter d’y couper court, elle a publié une photo le 10 mars d’elle et de ses enfants. Maladroite­ment, le cliché avait été retouché. Les agences de presse, qui font très attention à l’exactitude des images maintenant que l’intelligen­ce artificiel­le rend la fabricatio­n de faux si facile, ont officielle­ment «retiré» la photo. Dès lors, la machine à rumeurs était lancée à plein régime.

Une opération «majeure»

Il y a eu les théories du complot sur internet, mais aussi le rôle des médias traditionn­els et des paparazzi. Depuis la mort brutale de la princesse Diana en 1997, les tabloïds britanniqu­es hésitent à publier des photos volées. Les Américains n’ont pas une telle prudence. Le 4 mars, le site TMZ a diffusé sans hésiter une photo de Kate dans une voiture aux côtés de sa mère. L’image est floue et lointaine. Après agrandisse­ment, Kate apparaissa­it forcément légèrement déformée, donnant libre cours à l’esprit fécond des réseaux sociaux, certains se persuadant qu’il ne s’agissait pas d’elle. Etait-ce sa soeur? Une statue de cire?

Autre grosse inquiétude pour la famille royale: au moins un membre du personnel de l’hôpital où elle a été opérée a tenté d’accéder à son dossier médical, selon le Daily Mirror. Trois salariés ont été suspendus. Pour mettre fin à ce cirque, Kate Middleton n’avait guère d’autre choix que d’apporter une explicatio­n sérieuse. Elle s’y est finalement résolue dans son message diffusé vendredi, sans entièremen­t dévoiler son état de santé. L’opération de janvier était «majeure», révèle-t-elle. A l’époque, aucun cancer n’avait été détecté, mais des tests postopérat­oires ont révélé la maladie. Depuis fin février, elle a commencé un traitement. Quelle était la nature de son opération précisémen­t? De quel cancer s’agit-il? Quel traitement doit-elle subir? Dans quel hôpital? Ces questions sont volontaire­ment laissées sans réponse. Le roi Charles III est lui aussi atteint d’un cancer. Il a su éviter (un peu) l’emballemen­t de la machine à rumeurs en faisant preuve de transparen­ce plus tôt, révélant sa maladie peu après sa découverte. Là encore, la nature exacte du cancer et du traitement est laissée dans le flou.

Pour expliquer son silence, la princesse de Galles rappelle qu’elle a trois enfants en bas âge (George, 10 ans, Charlotte, 8 ans, Louis, 5 ans) et qu’il a d’abord fallu gérer la situation avec eux. «Cela nous a pris du temps de [leur] expliquer [cette maladie] d’une façon appropriée pour eux, et de les rassurer en leur disant que je vais aller bien.» Mais qu’ils le veulent ou non, il leur faudra vivre cette épreuve en public. ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland