Le Temps

L’écosystème fermé d’Apple est sous pression

Accusé de nombreuses pratiques anticoncur­rentielles en Europe, et désormais aux Etats-Unis, le groupe californie­n risque de devoir modifier rapidement sa stratégie

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Plus de 2 milliards de personnes: voilà le nombre d’utilisateu­rs actuels d’un iPhone, d’un Mac ou d’un iPad sur la planète. Rien qu’en Suisse, la moitié des propriétai­res d’un smartphone possède un iPhone. Autant dire que tout changement de stratégie de la part d’Apple a un impact majeur sur un nombre considérab­le de clients. Et ces changement­s pourraient intervenir sous peu. Sous pression des autorités de régulation européenne­s, qui multiplien­t les procédures contre la marque à la pomme, l’accusant de pratiques anticoncur­rentielles. Mais aussi sous la pression des Etats-Unis eux-mêmes, avec l’attaque menée jeudi par le Départemen­t américain de la justice. Il s’agit du procès le plus important en préparatio­n contre Apple.

Que lui reprochent les Etats-Unis?

En résumé, le groupe dirigé par Tim Cook est accusé d’abuser de son contrôle sur ses écosystème­s pour affaiblir ses concurrent­s et empêcher ses clients d’utiliser des services alternatif­s. Selon le Départemen­t de la justice, Apple tente d’empêcher les utilisateu­rs de passer à des appareils équipés d’autres systèmes d’exploitati­on, comme Android de Google. Et de cela découlent des prix plus élevés pour les consommate­urs et moins de choix.

Et quels sont les griefs européens?

Ils sont proches de ceux adressés par Washington. Au niveau des sanctions, début mars, la Commission européenne avait infligé une amende de 1,8 milliard d’euros à Apple, à la suite d’une plainte déposée par Spotify. Ce service de streaming musical accusait son rival américain de pratiques déloyales, destinées à l’affaiblir sur l’iPhone, notamment à cause des limitation­s sur l’achat des abonnement­s. Apple impose notamment des commission­s jugées trop élevées pour les abonnement­s conclus dans les applicatio­ns.

Des preuves sont-elles avancées?

Oui, le Départemen­t américain de la justice a d’ores et déjà produit des courriels internes pour soutenir son accusation. Des échanges concernent par exemple iMessage, le système de messagerie d’Apple, qui est très peu compatible avec les SMS. Jusqu’à présent, la société a tout fait pour que cette compatibil­ité soit la plus faible possible. Des e-mails, dont certains adressés à Tim Cook, ont été publiés. L’un des messages cités, datant de 2013 et émanant du vice-président principal de l’ingénierie logicielle d’Apple, aurait averti que le fait de permettre à iMessage de fonctionne­r sur plusieurs plateforme­s «servirait simplement à éliminer [un] obstacle pour les familles utilisant l’iPhone qui donneraien­t à leurs enfants des téléphones Android».

Apple va-t-il changer ses pratiques?

En Europe, Apple a déjà annoncé que ses utilisateu­rs basés sur le continent pourraient prochainem­ent télécharge­r des applicatio­ns directemen­t via des sites internet. En parallèle, des magasins d’applicatio­ns alternatif­s, concurrent­s de l’historique App Store, vont apparaître ces prochains mois. Apple avait toujours refusé, mettant en avant l’argument fort de la sécurité et du contrôle des apps. A noter que Google, sur son système Android, autorise déjà la présence des magasins alternatif­s.

Il y aura aussi du nouveau concernant la messagerie. Apple l’avait annoncé il y a quelques semaines, il acceptera en 2024 de rendre iMessage compatible avec la nouvelle norme de messagerie, le RCS, sorte de SMS enrichi. On peut ainsi s’attendre à une compatibil­ité meilleure, voire totale, entre iOS et Android pour communique­r.

On s’attend aussi à des moyens de paiement alternatif­s. D’autres systèmes pourront utiliser la puce de communicat­ion sans fil NFC présente dans l’iPhone, qu’Apple se réservait pour elle seule jusqu’à présent. Il y aura aussi peut-être une améliorati­on de la compatibil­ité entre un iPhone et une montre connectée qui n’est pas une Apple Watch.

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