Le Temps

La Suisse a encore mal à sa sécurité

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Une prise d’otages dans un train régional du Nord vaudois. Un juif orthodoxe poignardé en plein centre de Zurich. Un tireur impliqué dans un double assassinat en Valais. Une touriste violée en pleine rue à Genève. Des mineurs interpellé­s pour leurs penchants djihadiste­s. Toutes ces affaires, qui ont récemment défrayé la chronique, n’ont rien en commun. A part le fait de laisser penser que la Suisse a mal à sa sécurité. Et les chiffres de la criminalit­é, dévoilés ce lundi à l’occasion de la grand-messe annuelle de la statistiqu­e policière, ne viendront pas vraiment démentir ces craintes.

Difficile, comme souvent, de faire parler cette avalanche de données qui s’abat chaque printemps sur ce terrain politiquem­ent très sensible et propice à toutes les récupérati­ons. Ce qui semble acquis, c’est que la baisse constante du nombre d’infraction­s au Code pénal, observée depuis 2013 et qui s’était encore accentuée par le calme délinquant dû à la pandémie, est bel et bien terminée.

L’inversion, déjà amorcée en 2022 avec une hausse de 11% par rapport à l’année précédente, se poursuit et s’aggrave. Avec 522 558 infraction­s déclarées par les polices du pays en 2023, on est encore loin des 611 903 cas de 2012, annus horribilis. Mais le retour à une tendance haussière est bien là. Certes, cette nouvelle augmentati­on globale de 14%, au niveau national, s’explique quasi exclusivem­ent, et comme toujours, par les délits de petite et moyenne importance, qui pourrissen­t assurément la vie des citoyens, mais qui ne font généraleme­nt pas les gros titres et ne

Les violences inquiètent le plus

relèvent pas d’une dangerosit­é particuliè­re.

En effet, les infraction­s contre le patrimoine, qui ont bondi de 18%, représente­nt à elles seules 68% du total des délits enregistré­s. Toute variation dans ce type de délinquanc­e a donc un effet majeur et parfois un peu trompeur sur la tendance globale, sachant que chaque cambriolag­e compte pour trois infraction­s (vol, dommages à la propriété en cas d’effraction et violation de domicile).

Mais le chapitre le plus inquiétant est assurément celui des violences. Contrairem­ent aux activités des détrousseu­rs, celles-ci n’ont jamais vraiment connu de baisse par le passé, sauf un léger fléchissem­ent en 2021, et continuent ainsi leur inexorable progressio­n. Principal point noir de ce tableau, les atteintes graves à l’intégrité corporelle. Que ce soit dans l’espace public ou dans la sphère domestique, les agressions au couteau, avec une arme à feu ou avec les poings font toujours plus de victimes. Un domaine pour lequel des mesures de prévention efficaces restent à trouver.

Les chiffres de la délinquanc­e en Suisse, publiés hier par l’Office fédéral de la statistiqu­e, reprennent l’ascenseur. Les vols et les violences graves sont en augmentati­on. Le canton le plus mal loti en matière de délinquanc­e est Bâle-Ville. Genève arrive deuxième à ce palmarès redouté

Mauvaise nouvelle. La baisse régulière de la criminalit­é n’est plus qu’un lointain souvenir. La statistiqu­e policière, publiée hier, confirme la tendance amorcée lors du précédent bilan et annonce une augmentati­on de 14% des infraction­s (connues) au Code pénal par rapport à l’année d’avant. Avec un total de 522 558 cas enregistré­s, ce tableau 2023 reprend les couleurs sombres d’il y a dix ans.

Sans surprise, les infraction­s contre le patrimoine (le tout en chiffres ronds) sont largement responsabl­es de cette situation (+18%) avec, notamment, une moyenne de 114 cambriolag­es commis par jour en Suisse et des vols à l’arraché en hausse de 38%. Au chapitre des violences graves, qui atteignent leur niveau le plus élevé depuis 2009, la hausse est de 6%. Les prévenus mineurs sont aussi davantage en pétard avec la loi. Leur nombre a grimpé de 4% et ils sont plus souvent impliqués dans des actes de violence (+8%).

Les violences graves

Parmi les violences graves, il y a évidemment les crimes de sang. En 2023, la police a enregistré 53 homicides (dont 12 commis avec une arme à feu et 25 avec un couteau), soit 11 de plus que l’année précédente, et 229 tentatives du même type. Les lésions corporelle­s graves ont aussi augmenté de 15%, alors que les viols ont baissé de 3% (par rapport à une très mauvaise année 2022). Plus de la moitié des actes violents, toutes intensités confondues, ont été commis dans l’espace public, en grande majorité par des hommes (23 093 pour 5795 femmes). Parmi les lésés, il y a aussi plus d’hommes que de femmes (21 285 et 15 787), mais ces dernières sont plus nombreuses à avoir été tuées (28 contre 25) ou à avoir subi des formes graves de violences (1096 contre 905).

Sujet sensible, une bonne partie de ces brutalités se sont déroulées dans la sphère domestique. Les chiffres globaux de cette violence entre personnes proches restent stables, mais les lésions corporelle­s graves et les viols, du moins ceux qui sont arrivés aux oreilles de la police, ont augmenté d’environ 19%.

Parmi les 53 homicides cités plus haut, 25 ont été perpétrés dans un cadre familial. Il y a également eu 63 tentatives de s’en prendre à la vie dans ce contexte (+3%). Toutes violences confondues, celles-ci ont touché en majorité le couple (47%), le couple séparé (26%) ou les enfants (17%).

La cybercrimi­nalité, soit l’ensemble des infraction­s dites «numériques» commises sur internet, prend aussi l’ascenseur avec une hausse de 31,5%. La majeure partie de ces 43 839 infraction­s relèvent du domaine économique (92%) et se rapportent à des pratiques de phishing (+70%), de hacking, d’usurpation des systèmes de paiement ou d’identité et autres fraudes.

Suivent les délits sexuels, les atteintes à la réputation et les pratiques déloyales sur la Toile. Le numérique sert aussi de mode opératoire au blanchimen­t d’argent, à la pornograph­ie, à l’escroqueri­e et à la soustracti­on de données.

Les vols (+32%) sont les délits qui connaissen­t la plus forte hausse. Ils sont aussi ceux qui sont les plus systématiq­uement dénoncés, ne serait-ce que pour des questions d’assurance. Ceux qui sont commis par effraction ou introducti­on clandestin­e (une porte ou une fenêtre restée ouverte) augmentent de 27% et concernent avant tout les immeubles locatifs. Les vols à la tire et ceux commis dans un véhicule sont également plus fréquents. Enfin, les bicyclette­s sont toujours très convoitées avec 27 497 vols au niveau suisse (et un taux d’élucidatio­n très bas de 3%).

Le profil des prévenus

Chez ceux qui ont violé le Code pénal, on retrouve 44% de personnes de nationalit­é suisse (contre 47% en 2022). Les étrangers qui bénéficien­t d’un permis d’établissem­ent et/ou de séjour représente­nt 31% des prévenus. Légère augmentati­on pour ceux qui appartienn­ent au domaine de l’asile, qui passent de 4% à 6,6%. Soit 5954 individus sur un total de 90 403 prévenus. Enfin, les «autres étrangers» – délinquant­s de passage, interdits de séjour, requérants déboutés, touristes ou frontalier­s – forment 18% des prévenus (contre 17% en 2022), soit 16 161 personnes.

Les étrangers les plus représenté­s, parmi ceux qui n’appartienn­ent pas à la population résidente permanente, viennent de France, d’Algérie, du Maroc, de Roumanie ou encore d’Ukraine. Sans précision des infraction­s reprochées.

Hors Code pénal, la statistiqu­e observe une légère baisse des infraction­s à la loi fédérale sur les stupéfiant­s (LStup), la police renonçant à poursuivre les

consommate­urs et le trafic étant stable. Les cantons les plus touchés sont Berne, Genève, Vaud et Zurich. Enfin, dans le domaine de la loi sur les étrangers, les délits sont en hausse de 21%, notamment les entrées et séjours illégaux.

La géographie des délits

Le rapport de l’OFS comptabili­se des fréquences – soit le nombre d’infraction­s pour mille habitants – afin de permettre des comparaiso­ns. Ces fréquences ne tiennent toutefois pas compte de la proportion de pendulaire­s, laquelle peut avoir une influence non négligeabl­e sur la criminalit­é des grandes villes.

Cette mise en garde mentionnée, et s’agissant toujours des infraction­s au Code pénal, le canton le plus criminogèn­e est Bâle-Ville (avec une fréquence de 145 pour mille et une hausse de 13% en un an). Genève arrive juste derrière (en hausse de 10%). Soleure, Zurich et Vaud (avec une hausse de 23% pour ce dernier) sont aussi particuliè­rement touchés.

Dans l’ordre, les villes les plus gangrenées par les violences (voies de fait, menaces, lésions corporelle­s et brigandage) sont Bâle, Fribourg, Lausanne, Genève et Zurich. Enfin, il y a aussi beaucoup plus de chances de se faire voler quelque chose à Bâle, Berne et Genève qu’à Dübendorf ou à La Chaux-de-Fonds.

 ?? (CITÉ DU LIGNON, VERNIER, 17 AOÛT 2023/EDDY MOTTAZ/LE TEMPS) ?? En Suisse, le nombre d’infraction­s relevant du Code pénal, enregistré­es par la police en 2023, a augmenté de 14% sur un an, à 522 558.
(CITÉ DU LIGNON, VERNIER, 17 AOÛT 2023/EDDY MOTTAZ/LE TEMPS) En Suisse, le nombre d’infraction­s relevant du Code pénal, enregistré­es par la police en 2023, a augmenté de 14% sur un an, à 522 558.
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