Le Temps

Genève ne fait plus figure de cancre absolu

Pour une fois, la hausse des infraction­s au Code pénal est moins importante dans le canton qu’au niveau national. Surtout grâce à une baisse des cambriolag­es. Mais les escroqueri­es, notamment numériques, explosent

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Généraleme­nt présenté comme un très mauvais élève en matière de criminalit­é, Genève peut pousser un (tout petit) ouf de soulagemen­t. Pour son premier état des lieux statistiqu­e, la conseillèr­e d’Etat Carole-Anne Kast n’a d’ailleurs pas manqué de souligner la relative bonne performanc­e du canton, qui enregistre une augmentati­on de 10% des infraction­s au Code pénal contre 14% au niveau national, connaît une diminution des violences graves (-11%) et constate même une chute notable du nombre de cambriolag­es (-10%). Mais la fête s’arrête là. La délinquanc­e prend des formes nouvelles, notamment numériques, auxquelles la police devra encore s’adapter.

Gros points noirs de ce tableau chiffré: les escroqueri­es, dont 81% avaient une dimension cyber. Le chef de la police judiciaire, Richard Boldrini, évalue à 16 millions de francs le butin 2023 des filous opérant à l’aide d’un cybermodus. Les problémati­ques liées aux infraction­s numériques augmentent surtout dans le domaine économique et de manière plus importante à Genève qu’au niveau national (+46% contre +36%). A l’inverse, les cyberdélit­s sexuels, les atteintes à la réputation et les pratiques déloyales via internet sont en plus grande diminution qu’ailleurs.

Les autres domaines de préoccupat­ion sont les vols commis dans l’espace public. Vols à la tire, vols à l’astuce et vols à l’arraché (notamment de montres de luxe) et vols dans les véhicules sont tous en hausse, mais moins qu’au niveau national.

Sujet de fierté policière: la baisse des cambriolag­es (contre +16% en Suisse). La commandant­e Monica Bonfanti a même exhumé trente-huit ans de statistiqu­es pour montrer que jamais, depuis 1985, le canton n’avait enregistré aussi peu de délits de ce type (2986 au total). Cela alors que le nombre des ménages ne fait qu’augmenter. Une embellie qui ne s’explique toutefois pas tant par l’action de la police que par des portes mieux sécurisées et des installati­ons de vidéosurve­illance.

Jamais, depuis 1985, le canton n’avait enregistré aussi peu de cambriolag­es

Richard Boldrini ajoute qu’un meilleur taux d’élucidatio­n, le démantèlem­ent de certaines bandes spécialisé­es et la rapidité d’interventi­on des patrouille­s participen­t aussi de ce bon résultat.

En termes de violences, Genève se distingue aussi par un recul des actes les plus graves au profit d’une brutalité dite «d’intensité moyenne» qui représente 68,4% des cas constatés. Les lésions corporelle­s simples sont ainsi en hausse (+14%). Ce qui traduit, selon l’autorité, «une banalisati­on généralisé­e des actes violents au sein de notre société tant dans la sphère publique que dans la sphère privée».

Courbe ascendante pour les violences domestique­s

A propos de privé, les violences domestique­s affichent toujours une courbe ascendante (+11%), ces dernières étant surtout marquées par une hausse des injures, des voies de fait et des menaces. Sur les six homicides perpétrés l’an dernier sur le territoire cantonal, trois l’ont été avec une arme tranchante et deux dans un contexte impliquant des proches. Pour faire face à la problémati­que des violences conjugales, CaroleAnne Kast compte notamment sur l’expériment­ation des bracelets électroniq­ues géolocalis­ables. La magistrate socialiste a annoncé que leur utilisatio­n débutera comme une modalité d’exécution de peine, permettant de garantir la sécurité des victimes de violences conjugales.

Problémati­que spécifique à Genève, le crack a passableme­nt occupé la police et les politiques l’an dernier. Selon Luc Broch, commandant adjoint, les 12 postes votés par le Grand Conseil pour lutter contre ce fléau seront répartis entre la gendarmeri­e et la police judiciaire. En attendant les deux ans de formation nécessaire­s aux nouveaux agents, un plan d’action vise à renforcer la brigade des stupéfiant­s et spécialise­r certains de ses membres concernant ce phénomène.

Autre particular­ité cantonale: l’impact du contexte internatio­nal sur la sécurité. Depuis le 7 octobre, 91 évènements ont eu lieu en lien avec le conflit israélo-palestinie­n: manifestat­ions, stands d’informatio­n ou exposition­s. La police, qui a renforcé la surveillan­ce de certains lieux sensibles, a également recensé une augmentati­on des tags liés à cette actualité sanglante. «Tous font l’objet d’une investigat­ion pour tenter de confondre les auteurs», précise encore Monica Bonfanti. ■

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