La date du pic pétrolier est à nouveau repoussée de quelques années
La demande en or noir, tirée par la croissance de l’Inde, pourrait augmenter après 2030, selon plusieurs négociants suisses. Au-delà de ce que prévoit l’Agence internationale de l’énergie
Malgré l’essor des véhicules électriques et des énergies renouvelables, la consommation de pétrole augmente, plus que prévu même. C’est la piqûre de rappel qui a émané d’un congrès du secteur la semaine dernière aux Etats-Unis, auquel ont participé plusieurs négociants suisses. En 2024, le monde devrait consommer 103,2 millions de barils de pétrole par jour, un bon million de plus que l’an dernier, a estimé l’Agence internationale de l’énergie (AIE) lors du CERAWeek, un congrès à Houston.
Un record qui s’inscrit dans la tendance. Depuis des décennies, la consommation monte. Il y a certes eu des coups d’arrêt, durant les chocs des années 1970, pendant la crise de 2008 ou durant le Covid-19. Mais depuis, c’est reparti comme en quarante et il est difficile de cerner le moindre essoufflement.
L’impact des rebelles houthis
De nombreuses entreprises estiment que l’AIE, qui s’attend à ce que la demande culmine avant la fin de la décennie, est trop prudente. «Nous prévoyions auparavant un pic autour de 2030, nous le prévoyons désormais au début des années 2030, c’est-à-dire quelques années plus tard», indique une porte-parole de Vitol. Gunvor, un autre trader genevois, anticipe une hausse de 1,4 million de barils par jour en 2024.
«Plutôt qu’un pic, nous assisterons à un plateau, ce qui signifie que la demande de pétrole atteindra ses niveaux les plus élevés au début des années 2030, et qu’elle restera ensuite à ces niveaux pendant quelques années, car la demande des consommateurs émergents en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique latine et au Moyen-Orient remplacera celle perdue en Europe et en Chine», affirme Saad Rahim, chef économiste de Trafigura.
«La demande des consommateurs émergents remplacera celle perdue en Europe et en Chine» SAAD RAHIM, CHEF ÉCONOMISTE DE TRAFIGURA
Ces hausses, plus importantes qu’escompté encore l’an dernier, sont dues au fait que la demande indienne est plus vive que prévu. Les attaques de rebelles houthis forcent la marine marchande à contourner l’Afrique, des rallongements qui accroîtraient de 100000 barils la consommation quotidienne de pétrole, selon Vitol. La soif de l’industrie des plastiques et de l’aviation joue aussi un rôle.
C’est ainsi que la date d’un pic pétrolier est à nouveau repoussée. Durant la pandémie, qui a vu la consommation baisser, le groupe BP estimait que cette dernière n’allait pas renouer avec son niveau de 2019, à 100 millions de barils par jour. La multinationale, comme bien d’autres avant elle, s’est trompée.
En 1956, un géophysicien américain, Marion King Hubbert, est l’un des premiers à formuler la théorie du pic pétrolier. Il la prévoit, pour les Etats-Unis, une quinzaine d’années plus tard. Depuis, la date est constamment repoussée. L’AIE avait un temps retenu l’année 2006, mais c’était compter sans l’essor de la production états-unienne, qui depuis a transformé le pays de l’Oncle Sam en un exportateur de pétrole, le plus important même. Hier, le baril de Brent s’échangeait à 85,40 dollars, en hausse de 16% depuis janvier.
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