Le Temps

La date du pic pétrolier est à nouveau repoussée de quelques années

La demande en or noir, tirée par la croissance de l’Inde, pourrait augmenter après 2030, selon plusieurs négociants suisses. Au-delà de ce que prévoit l’Agence internatio­nale de l’énergie

- RICHARD ÉTIENNE @rietienne

Malgré l’essor des véhicules électrique­s et des énergies renouvelab­les, la consommati­on de pétrole augmente, plus que prévu même. C’est la piqûre de rappel qui a émané d’un congrès du secteur la semaine dernière aux Etats-Unis, auquel ont participé plusieurs négociants suisses. En 2024, le monde devrait consommer 103,2 millions de barils de pétrole par jour, un bon million de plus que l’an dernier, a estimé l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIE) lors du CERAWeek, un congrès à Houston.

Un record qui s’inscrit dans la tendance. Depuis des décennies, la consommati­on monte. Il y a certes eu des coups d’arrêt, durant les chocs des années 1970, pendant la crise de 2008 ou durant le Covid-19. Mais depuis, c’est reparti comme en quarante et il est difficile de cerner le moindre essoufflem­ent.

L’impact des rebelles houthis

De nombreuses entreprise­s estiment que l’AIE, qui s’attend à ce que la demande culmine avant la fin de la décennie, est trop prudente. «Nous prévoyions auparavant un pic autour de 2030, nous le prévoyons désormais au début des années 2030, c’est-à-dire quelques années plus tard», indique une porte-parole de Vitol. Gunvor, un autre trader genevois, anticipe une hausse de 1,4 million de barils par jour en 2024.

«Plutôt qu’un pic, nous assisteron­s à un plateau, ce qui signifie que la demande de pétrole atteindra ses niveaux les plus élevés au début des années 2030, et qu’elle restera ensuite à ces niveaux pendant quelques années, car la demande des consommate­urs émergents en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique latine et au Moyen-Orient remplacera celle perdue en Europe et en Chine», affirme Saad Rahim, chef économiste de Trafigura.

«La demande des consommate­urs émergents remplacera celle perdue en Europe et en Chine» SAAD RAHIM, CHEF ÉCONOMISTE DE TRAFIGURA

Ces hausses, plus importante­s qu’escompté encore l’an dernier, sont dues au fait que la demande indienne est plus vive que prévu. Les attaques de rebelles houthis forcent la marine marchande à contourner l’Afrique, des rallongeme­nts qui accroîtrai­ent de 100000 barils la consommati­on quotidienn­e de pétrole, selon Vitol. La soif de l’industrie des plastiques et de l’aviation joue aussi un rôle.

C’est ainsi que la date d’un pic pétrolier est à nouveau repoussée. Durant la pandémie, qui a vu la consommati­on baisser, le groupe BP estimait que cette dernière n’allait pas renouer avec son niveau de 2019, à 100 millions de barils par jour. La multinatio­nale, comme bien d’autres avant elle, s’est trompée.

En 1956, un géophysici­en américain, Marion King Hubbert, est l’un des premiers à formuler la théorie du pic pétrolier. Il la prévoit, pour les Etats-Unis, une quinzaine d’années plus tard. Depuis, la date est constammen­t repoussée. L’AIE avait un temps retenu l’année 2006, mais c’était compter sans l’essor de la production états-unienne, qui depuis a transformé le pays de l’Oncle Sam en un exportateu­r de pétrole, le plus important même. Hier, le baril de Brent s’échangeait à 85,40 dollars, en hausse de 16% depuis janvier.

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