Le Temps

Quand Macron veut punir les «parents défaillant­s»

- PAUL ACKERMANN CORRESPOND­ANT À PARIS

«Deux claques et au lit.» C’est ainsi qu’un préfet français pensait que les parents des émeutiers de l’été dernier auraient pu régler la crise. Ces jours, c’est le chef de l’Etat qui revient à la charge en assurant qu’il va mettre les familles des ados impliqués dans le trafic de drogue face à leurs responsabi­lités.

Le 19 mars dernier, Emmanuel Macron a voulu marquer les esprits avec une visite surprise dans un des quartiers marseillai­s les plus soumis au trafic de drogue, la cité de La Castellane, celle qui a vu grandir Zizou. Se félicitant d’une série de descentes «XXL» dans la région, il en a profité pour lever le voile sur certaines actions envisagées afin d’empêcher cette mainmise meurtrière qui gangrène de nombreux quartiers français. Entre autres mesures coup-depoing, il a ressorti un de ses leviers récurrents et affirmé, «pour aller jusqu’au bout», vouloir «rendre la vie impossible aux familles des plus jeunes qui servent de guetteurs».

«Il y a des familles, souvent des mamans seules, qui sont complèteme­nt débordées, explicite le président français. Là, il faut les aider, les accompagne­r, il faut parfois que l’on sorte du territoire les jeunes dans ces situations, qu’on puisse les mettre dans des systèmes éducatifs adaptés, peut-être en internat.» Et puis, «il y a des familles qui ferment les yeux, qui en quelque sorte s’en contentent». Là, il veut être beaucoup plus dur. Des déclaratio­ns qui ont scandalisé les associatio­ns locales décrivant des familles «sans perspectiv­e», «démunies», «exploitées» voire menacées physiqueme­nt par les gangs.

Cette sortie présidenti­elle n’était pas une première. En fait, l’exécutif français ne cesse de vouloir punir les parents de délinquant­s. Une idée similaire avait par exemple été évoquée en décembre dernier par la ministre des Solidarité­s et des Familles Aurore Bergé qui annonçait travailler à la mise en place de «travaux d’intérêt général pour les parents défaillant­s». Quelques mois plus tôt, début juillet, juste après les violentes émeutes urbaines qui avaient embrasé la France, souvent du fait d’adolescent­s, Emmanuel Macron voulait déjà trouver un moyen de «sanctionne­r financière­ment les familles» dès «la première infraction». Une sorte de «tarif minimum dès la première connerie». «La République n’a pas vocation à se substituer» à «la responsabi­lité parentale», disait encore le président.

«Qu’ils tiennent leurs gosses!» Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti avait lui aussi tenu à rappeler aux «parents qui ne s’intéressen­t pas à leurs gamins et qui les laissent traîner la nuit» qu’ils «encourent 2 ans de prison ferme et 30 000 euros d’amende». La droite applaudiss­ait, elle qui demande depuis longtemps des retenues sur les allocation­s et les aides sociales pour les parents de délinquant­s. Nicolas Sarkozy avait même voulu par le passé punir ainsi les parents d’élèves absentéist­es. La gauche, elle, ne voit dans ces mesures qu’un moyen d’enfoncer encore un peu plus loin dans la misère des parents qui travaillen­t tôt le matin et tard le soir souvent dans des parties très éloignées de la ville.

Pas sûr que le fait de s’en prendre à un porte-monnaie déjà quasi vide change les choses. Mais si 30% des émeutiers de l’été dernier étaient mineurs comme l’affirme Aurore Bergé, la France a clairement un problème d’encadremen­t de certains de ses enfants. Et elle doit faire quelque chose, mais quoi? Pendant ces mêmes émeutes, c’est donc le préfet de l’Hérault qui avait choqué en donnant sa réponse: «Une éducation, ça commence à la naissance, […] si dans les douze premières années ces enfants sont élevés comme des herbes folles, il ne faut pas s’étonner de les voir caillasser des véhicules de police […] Je sais qu’en 2019 le parlement a interdit la fessée, mais si vous attrapez votre gamin qui descend dans la rue pour piller des magasins, la méthode, c’est deux claques et au lit.» Pas sûr que cette solution fasse avancer les choses non plus.

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