«Notre seul choix c’est partir, ou mourir»
L’interdiction de distribution d’aide alimentaire imposée à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens accroît le désespoir des Gazaouis
«Tout ça, c’est exactement le plan des Israéliens: tant que vous choisirez de rester chez vous dans le nord de Gaza, vous mourrez de faim si vous n’êtes pas bombardés! Notre seul choix c’est partir, ou mourir», s’emporte Nawel, habitante de Gaza-City. La jeune femme, contactée via WhatsApp, s’insurge contre la décision d’Israël d’interdire l’accès au nord de Gaza à tout convoi humanitaire de l’UNRWA. Une décision qui intervient alors que le Hamas a déclaré hier que 18 Gazaouis sont morts. Parmi eux, il déplore 12 noyés en mer, qui avaient tenté de récupérer de l’aide parachutée. Il appelle «à cesser les largages aériens et ouvrir les accès terrestres pour l’aide».
«C’est cruel et incompréhensible»
Dans le nord de l’enclave, 300 000 Gazaouis sont gravement menacés par la famine, après plus de cinq mois de guerre et un siège total imposé par Israël. Assya, Gazaouie réfugiée au Caire en Egypte, originaire de Beit Lahia dans le nord de l’enclave, est en contact avec sa famille restée là-bas. Ses proches n’avaient jusqu’à présent «reçu aucune aide alimentaire» et lui décrivent «une situation terrible, qui ne fait qu’empirer». Elle redoute les conséquences de cette interdiction de l’UNRWA.
Cette décision a été prise dimanche. La semaine précédente, l’agence de l’ONU avait déjà reçu deux lettres de refus, concernant des convois d’aide humanitaire. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, en visite lundi en Jordanie voisine, a exprimé son indignation à la suite de cette interdiction de distribution: «C’est cruel et incompréhensible. […] Dans un monde qui s’assombrit, l’UNRWA est la seule lumière pour des millions de gens.» Même si dans la pratique – du fait des difficultés d’accès –, l’agence onusienne n’avait plus été en mesure de distribuer de l’aide dans cette région nord de Gaza depuis plusieurs semaines, a admis sa porte-parole, Juliette Touma.
«Vivre comme ça, sans perspective d’avenir, vraiment il n’y a plus d’espoir» ASMA, RÉFUGIÉE À RAFAH
Le week-end a été noir pour l’UNRWA. Samedi, Washington a voté une interdiction d’un an de son financement. Le Congrès américain a adopté une mesure budgétaire interdisant toute subvention des Etats-Unis à l’agence onusienne «jusqu’au 25 mars 2025». Washington a décidé de réallouer les 175 millions de dollars d’aide à d’autres projets humanitaires, en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, qui passeront par l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). Dans un communiqué, l’UNRWA qui gère les écoles, les dispensaires, les services sociaux, et la distribution d’aide humanitaire à Gaza depuis sa création en 1949, a déclaré que cette décision «saperait les efforts déployés pour aider les habitants de Gaza affamés et risquerait d’affaiblir encore la stabilité régionale».
Israël s’est de son côté réjoui de cette mesure, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Israël Katz: «L’interdiction historique du financement américain de l’UNRWA […] démontre ce que nous savions depuis toujours: l’UNRWA fait partie du problème et ne peut pas faire partie de la solution», a-t-il écrit sur le réseau social X. L’Etat hébreu accuse l’UNRWA d’employer «plus de 450 terroristes à Gaza», et affirme que 12 de ses employés ont été directement impliqués dans les attaques menées par le Hamas le 7 octobre en Israël. L’agence onusienne s’est séparée de ces 12 salariés en janvier dernier, et a ouvert une enquête.
«Rien n’a changé avec cette résolution»
Dans ce contexte dramatique, la résolution adoptée lundi par l’ONU pour «un cessez-le-feu immédiat» ne suffit pas à donner espoir aux Gazaouis. Asma, originaire de Khan Younès et réfugiée à Rafah chez sa soeur, décrit la nuit passée «comme très dure, pleine de bombardements». Et se désole: «Malheureusement, rien n’a changé avec cette résolution. Que ce soit Israël ou le Hamas, je pense qu’ils ne veulent pas appliquer ce cessez-le-feu. Vivre comme ça, sans perspective d’avenir, vraiment il n’y a plus d’espoir.» Face à la guerre qui s’enlise, malgré cette résolution et la décision de la Cour internationale de justice en janvier dernier, Assya tranche: «Sur le papier, la communauté internationale condamne Israël. Mais sur le terrain à Gaza, rien ne change! Il faut prendre des mesures concrètes pour empêcher Israël d’agir, sinon à quoi bon tous ces mots?»
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