Une aubaine pour Netanyahou
En jouant la surréaction après l’adoption d’une résolution sur Gaza, Benyamin Netanyahou satisfait ses alliés les plus à droite et s’épargne des discussions à Washington sur le sort de Rafah. Au risque de faire empirer les relations avec Joe Biden
«Oum, Shmoum» – «l’ONU, ce machin», en hébreu. Cette expression du fondateur de l’Etat d’Israël, David Ben Gourion, marquait un profond mépris pour l’avis des Nations unies et, plus largement, pour celui de la communauté internationale, foncièrement antisémite et incapable d’empêcher la Shoah.
Ce rejet semble aujourd’hui avoir gagné Netanyahou et ses partisans jusque dans leurs relations avec les Etats-Unis. A peine la résolution appelant à un cessez-le-feu acceptée lundi, il claquait la porte au nez de Biden. Annulée, la venue d’une délégation à Washington pour parler du sort de Rafah à Gaza. «Nous sommes un peu perplexes», réagissait le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, le vote ne représentant pas «une volteface dans notre politique», assurait-il.
En réalité, l’abstention américaine est une aubaine pour Netanyahou. D’abord parce qu’elle lui permet d’esquiver les discussions autour de Rafah, objectif militaire central des Israéliens. Joe Biden exige une alternative à une invasion coûteuse en vies et l’a fait savoir par tous les moyens. S’opposer à Biden permet au premier ministre de montrer ses muscles. «S’il le faut, nous le ferons seuls», fanfaronnait-il récemment.
En même temps, Netanyahou temporise. Rafah matée, la fin de la guerre se rapproche. Avec elle, la perspective d’élections défavorables au premier ministre, surtout après l’échec sécuritaire cuisant du 7 octobre et la reprise de ses procès, alors que seuls 28% de ses concitoyens jugent son action positive, selon un sondage de l’Institut d’Israël pour la démocratie à Jérusalem, paru mardi.
Mais en Israël, tout le monde n’est pas prêt à tourner le dos à l’allié américain. A commencer par le ministre Benny Gantz. Cet ancien chef d’état-major membre du cabinet de guerre maintenait lundi que l’envoi d’une délégation aux Etats-Unis était indispensable. Il avait défié «Bibi» début mars en se rendant à Washington sans sa permission; son allié Gadi Eisenkot avait été le premier, en janvier, à briser l’unité de façade du gouvernement en accusant Netanyahou, à la télévision, de prolonger la guerre pour se maintenir au pouvoir. Nul doute que la rebuffade face aux Américains creuse ces divisions.
Plus grande confiscation depuis Oslo
Israël pourrait jouer gros. Une délégation s’est rendue aux Etats-Unis pour essayer de consolider la livraison d’armes, essentielle à la poursuite de l’offensive contre le Hamas, alors qu’en Israël on craint un embargo. Il y a deux semaines, Biden a laissé entendre que les transferts n’étaient pas tous garantis et a refusé de promettre de continuer à livrer des armes offensives.
Pourtant, une bonne partie de ce gouvernement, «le plus conservateur de l’histoire d’Israël» avait dit Joe Biden lors de sa première critique publique, reprend à son compte l’expression méprisante de David Ben Gourion. Vendredi, le ministre d’extrême droite Bezalel Smotrich annonçait ainsi la plus importante confiscation foncière depuis les Accords d’Oslo: huit kilomètres carrés saisis autour de la colonie de Yafit, dans la vallée du Jourdain. Le jour même où le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken arrivait en Israël.
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