Le Temps

Faute de liquidités, l’ONU doit se serrer la ceinture

Le siège genevois des Nations unies est sommé d’économiser. En raison d’arriérés d’Etats membres qui n’ont pas versé leur contributi­on obligatoir­e, il doit réduire de 42% ses dépenses non salariales

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

«Notre situation financière pour 2024 est très fragile et limite notre capacité à exécuter effectivem­ent nos mandats.» Directrice de la Division administra­tive de l’ONU à Genève, Kira Kruglikova n’a pas caché les difficulté­s financière­s que connaissen­t les Nations unies. Sommé par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, de procéder urgemment à des économies, le Palais des Nations est contraint de réduire de 42% des dépenses non liées aux salaires, soit un montant avoisinant les 15 millions de dollars.

Conférence­s maintenues

Parmi les mesures les plus marquantes, l’ONU Genève va fermer certains de ses bâtiments et concentrer le personnel dans des édifices plus efficients d’un point de vue énergétiqu­e, notamment le bâtiment H qui a été achevé l’an dernier. En fermant certains édifices, le Palais des Nations réduit son empreinte énergétiqu­e. «Cela signifie que nous n’aurons pas à chauffer/refroidir ces espaces, à les nettoyer et à les entretenir. Comme les coûts d’électricit­é, de nettoyage et de maintenanc­e représente­nt environ 60% des dépenses non liées à des postes budgétaire­s, c’est vraiment ainsi que nous allons pouvoir réduire les coûts», précise Kira Kruglikova.

L’ONU a aussi décidé que les heures d’ouverture du Palais des Nations ne serait désormais plus que de 8h à 19h. Il sera fermé le week-end et lors de vacances afin de réduire les coûts d’électricit­é et ceux liés au personnel chargé de la sécurité. Si le nouveau plan d’économies va entrer en vigueur à partir du 22 avril, nombre de mesures d’économies ont déjà été mises en place depuis octobre 2023. L’illuminati­on extérieure du Palais des Nations a été réduite au minimum comme le chauffage et le refroidiss­ement des infrastruc­tures. Sauf en cas de fortes affluences, les escaliers roulants ne fonctionne­nt plus depuis des mois. Pour le personnel onusien, les voyages sont aussi fortement limités ainsi que les achats de matériel. Ce qui ne sera pas touché, c’est la capacité du Palais des Nations à accueillir des conférence­s.

«Notre situation financière pour 2024 est très fragile et limite notre capacité à exécuter effectivem­ent nos mandats» KIRA KRUGLIKOVA, DIRECTRICE DE LA DIVISION ADMINISTRA­TIVE DE L’ONU À GENÈVE

Les efforts d’économies ne seront pas une tâche aisée. Depuis que l’ONU Genève a pris des mesures en automne dernier, seuls 200000 francs ont pu être économisés. Il en faudra beaucoup plus pour pallier les retards de paiements de certains Etats membres. Un point sur la situation sera fait en juin prochain et il n’est pas exclu que d’autres mesures soient prises. Mais Kira Kruglikova nuance les difficulté­s: «Nous ne sommes pas dans une crise budgétaire, mais de liquidités» causée par le fait que seuls 142 Etats membres ont payé leur contributi­on régulière à l’ONU en mars. Les Etats-Unis, plus grand contribute­ur des Nations unies avec une participat­ion de 22% au budget régulier de l’organisati­on et de 27% aux opérations de maintien de la paix, ont des arriérés évalués à 1,1 milliard de dollars pour les années 2023-2024.

Pour illustrer l’importance du financemen­t américain des Nations unies, Washington a versé globalemen­t plus de 18 milliards de dollars à l’institutio­n multilatér­ale, soit un tiers du budget total. Mais actuelleme­nt, l’administra­tion démocrate de Joe Biden, qui aimerait payer son dû en réaffirman­t l’importance de l’enceinte onusienne, est bloquée par un Congrès incapable de passer une loi budgétaire qui libérerait les fonds nécessaire­s. Le gouverneme­nt américain procède néanmoins au versement de petites sommes. En janvier, Antonio Guterres l’avait clairement identifié: la crise de liquidités relève des arriérés dus par les Etats membres. «Nous sommes contraints de mettre en oeuvre de sévères mesures de gestion des liquidités pour éviter un défaut de paiement de l’organisati­on.»

Les droits humains précarisés

La situation actuelle révèle la fragilité du financemen­t des Nations unies qui sont tributaire­s des batailles politico-politicien­nes de Washington. De son côté, la Chine est devenue la deuxième contributr­ice de l’ONU. Elle est cependant peu généreuse pour financer les droits humains. Malgré son budget régulier de 3,6 milliards de dollars, l’ONU n’arrive plus à remplir tous ses mandats. Le Haut-Commissari­at aux droits de l’homme a dû réduire le champ de certaines enquêtes. Quant à la rénovation en cours du Palais des Nations, devisée à 837 millions de francs, elle ne devrait pas être impactée.

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