Le Temps

Une baisse d’impôt votée au grand dam des communes pauvres

La réforme approuvée hier en commission pourrait entrer en vigueur en 2025, en dépit du référendum annoncé. Paradoxale­ment, des localités pourraient devoir augmenter leur fiscalité pour compenser les pertes de recettes

- MARC GUÉNIAT

La majorité de la Commission fiscale a approuvé hier une baisse importante de l'impôt sur le revenu chiffrée à 434 millions de francs pour le canton de Genève et les communes. Le vote découle d'un clivage classique, qui garantit depuis un an une large victoire à la droite. Cette réforme a été menée au pas de charge, à la suite du dépôt d'un projet de loi à la fin du mois de janvier. En cours de route, le Conseil d'Etat a soumis un amendement pour «augmenter la diminution», encouragé par les comptes extraordin­aires de l'Etat de Genève.

«Cadeau fiscal octroyé aveuglémen­t»

La majorité espère un vote en plénière au Grand Conseil en mai. Le référendum, déjà annoncé par la gauche, aboutira puisqu'il ne nécessite que 500 signatures en matière fiscale. En cas d'acceptatio­n par le peuple, la réforme pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2025. «C'est l'objectif», confirme Alexandre de Senarclens. Le député PLR se félicite de ce «geste important en faveur du pouvoir d'achat de ceux qui paient des impôts, Genève restant le canton qui prélève le plus».

Le son de cloche est tout autre chez Sylvain Thévoz, député socialiste, qui déplore un «cadeau fiscal massif octroyé aveuglémen­t, sans définir ce qu'est la classe moyenne». De fait, les plus hauts revenus bénéficien­t d'un rabais de 5,3%. La ristourne peut atteindre jusqu'à 11,3% pour un couple marié disposant d'un revenu imposable compris entre 38962 et 410775 francs.

Pour la gauche, la partie s'annonce difficile devant le peuple. L'année dernière, les multiples votations fiscales lui ont toutes été défavorabl­es alors qu'elles étaient ciblées sur les personnes bien nanties (dividendes, immobilier, fortune).

Mais cette fois, un front communal s'ouvre aussi avec cette réforme qui induit une perte de 108 millions de francs parmi les 45 municipali­tés. Devant la Commission des finances, l'Associatio­n des communes genevoises (ACG) a exprimé son désaccord, demandant trois semaines de répit afin de pouvoir déposer un amendement qui les exclurait de l'équation. Lors de la précédente baisse d'impôt en 2001, le canton avait épargné les communes.

L'opposition des communes relève du principe d'autonomie, mais aussi de questions financière­s. En particulie­r parmi les plus pauvres, qui sont proportion­nellement les plus pénalisées. Martin Staub, conseiller administra­tif de Vernier, cinquième ville de Suisse romande en termes de population, s'explique: «Nos comptes sont bons, mais ils découlent d'une année extraordin­aire, de l'aveu même du Conseil d'Etat.» D'après lui, les données sont «simples»: «Si les prévisions 2025 ne suivent pas ces résultats extraordin­aires, nous ne pourrons pas faire le budget sans augmenter les impôts.» Autre possibilit­é, évoquée par le socialiste: «Couper massivemen­t dans les prestation­s et renoncer notamment aux 110 places de crèche que l'on a prévues d'ici à 2028.»

Décisions douloureus­es

Car, explique l'ACG, il faut comprendre que les communes genevoises ne peuvent prévoir de déficits, ou doivent démontrer qu'elles retrouvero­nt l'équilibre en quatre ans. Les choix politiques se font donc au moment du budget. Qu'importe, dans ces circonstan­ces, si les comptes sont meilleurs que prévu, les décisions douloureus­es ont déjà été prises.

Face à cela, Alexandre de Senarclens invite à la lecture des comptes communaux, qui présentaie­nt un excédent cumulé de 350 millions en 2022. Il rappelle aussi que les délibérati­fs sont libres d'adapter leur fiscalité, via le centime additionne­l, si elles le souhaitent. Une hausse d'impôt pour financer une baisse? Qui pourrait de surcroît pénaliser les entreprise­s, puisque ce centime s'applique aussi à leurs bénéfices? «Dans l'idéal, le PLR ne le souhaite évidemment pas», dit le député.

Pour sa part, la conseillèr­e d'Etat Nathalie Fontanet déclare que la «population attend une baisse d'impôt», et que la situation financière du canton et des communes le permet. S'agissant de Vernier, la magistrate chargée des Finances estime que le «chantage places de crèche versus baisse d'impôt n'est pas correct». En revanche, la PLR admet qu'il «convient de modifier la loi afin de donner plus de souplesse budgétaire aux communes en leur permettant, comme le canton, de faire des déficits.»

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