Genève promet de mieux accueillir les requérants d’asile mineurs
Avec l’aide de ses partenaires, le canton veut offrir un accompagnement à la hauteur pour cette population vulnérable. Principale nouveauté pour y parvenir: un centre dédié à l’évaluation sociosanitaire
A Genève, l’Etat veut ouvrir un nouveau chapitre en matière d’accueil des requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA), mais surtout, il ne veut pas l’écrire seul. C’est ce qui ressort du plan d’action dévoilé hier par une large délégation de partenaires emmenée par le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz, chef du Département de la cohésion sociale. En toile de fond: les récents suicides de jeunes Afghans, qui ont mis en lumière les lacunes du système et la détresse de ces migrants souvent traumatisés.
Pour tourner définitivement la page de l’Etoile, nom du foyer décrié qui a fermé ses portes à l’automne dernier, l’Etat mise sur un nouveau dispositif qui incarne avant tout un changement de paradigme: «Les jeunes méritent mieux que ce qu’on a pu offrir jusqu’ici; ils doivent être considérés comme des mineurs avant d’être des réfugiés», plaide Thierry Apothéloz, qui insiste sur le concept de «responsabilités partagées» entre les différents acteurs. Le message est clair: si l’Hospice général reste en première ligne, tout le monde doit faire sa part, des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) au Département de l’instruction publique (DIP) en passant par la Fondation officielle de la jeunesse (FOJ) et la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe).
«Entretiens axés sur la santé mentale»
Principale nouveauté: la création du Centre Louis-Casaï dans lequel tous les RMNA transitent à leur arrivée à Genève. Ouverte au début de l’année, la structure de 68 places, située à proximité de l’aéroport, vise à mieux détecter les situations à risque. «Chaque jeune bénéficie d’une prise en charge médicale globale et systématique ainsi que d’entretiens axés sur la santé mentale», détaille Noémie Cuissart de Grelle, médecin associée au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG. De fait, 70% des jeunes font l’objet d’au moins un diagnostic.
Après un séjour d’un à trois mois, les jeunes sont ensuite orientés vers l’hébergement le plus adapté, en fonction de leurs besoins et de leur âge. Les foyers de la FOJ pour les plus jeunes, la Résidence
Saint-James pour les plus de 17 ans, ou encore le foyer d’Ecogia à Versoix destiné aux jeunes nécessitant un accompagnement resserré. Conçu comme provisoire «en attendant mieux», le foyer de Loex restera ouvert jusqu’à la fin de l’année. Palexpo n’est quant à lui utilisé qu’en ultime recours. Aucun psychologue ou médecin n’est présent à temps plein dans ces structures. Pourquoi? «On a fait le choix de miser sur le premier accueil à Louis-Casaï pour créer un lien, en espérant que les jeunes fassent ensuite appel à nous en cas de besoin», argumente Noémie Cuissart de Grelle.
Arrivées en forte hausse
Ces changements interviennent dans un contexte de forte hausse des arrivées: +75% en un an. Quelque 300 RMNA étaient recensés dans le canton à la fin de l’année dernière, auxquels s’ajoutent 284 jeunes adultes de 18 à 25 ans. Des chiffres «historiques» qui dépassent ceux de 2016. Il s’agit à 98% d’hommes, originaires d’Afghanistan pour les deux tiers et détenteurs d’un permis F (réfugié provisoire). Alors que le Secrétariat d’Etat aux migrations s’attend à un flux similaire cette année, le dispositif, déjà sous tension, pourra-t-il faire face? «Une trentaine de personnes vont être engagées d’ici à la fin de l’année pour compléter l’équipe actuelle de 90 collaborateurs, dont 60 éducateurs», répond le directeur de l’Hospice général, Christophe Girod, reconnaissant que le manque de locaux reste un problème. Pour y remédier, l’Hospice compte notamment sur la mobilisation des familles d’accueil, très faible jusqu’ici. Seules deux familles se sont engagées depuis novembre, deux autres suivront dès le mois d’avril.
Alors que 140 jeunes atteindront la majorité cette année, la nécessité d’assurer une continuité dans l’accueil est cruciale. «Même si le taux d’encadrement baisse, il faut éviter une perte de repères», plaide Yann Boggio, secrétaire général de la FASe, précisant qu’une équipe mobile d’éducateurs se rend dans les différents centres pour maintenir le lien.
Autre défi: l’intégration socioprofessionnelle. Alors que la plupart des jeunes n’ont pas les prérequis pour accéder à une formation, ayant été longtemps déscolarisés, le canton a fortement augmenté le nombre de classes d’alphabétisation, passées de 2 à 21 en deux ans. «D’autres devront être ouvertes à l’avenir», précise Carlos Sequeira, directeur général de l’Office de l’enfance et de la jeunesse. Des partenariats avec des entreprises sont également en discussion pour faciliter l’accès à l’apprentissage: «90% de ces jeunes resteront en Suisse, ils doivent pouvoir s’intégrer.» ■
«90% de ces jeunes resteront en Suisse, ils doivent pouvoir s’intégrer» CARLOS SEQUEIRA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’OFFICE DE L’ENFANCE ET DE LA JEUNESSE