Le Temps

Les cinq questions qui embarrasse­nt le Kremlin

Le bilan de l’attentat contre le Crocus City Hall s’élève à 140 morts. Toujours très prolixes quand il s’agit d’accuser l’Ukraine, les autorités russes tardent à – ou ne souhaitent pas – répondre à certaines interrogat­ions

- ALEXANDRE LÉVY, SOFIA

L’attentat vendredi soir dans une salle de concert en banlieue de Moscou est le plus meurtrier en Russie depuis une vingtaine d’années, et le pire revendiqué par l’EI sur le sol européen.

Pourquoi personne n’est intervenu pour mettre fin à la tuerie?

L’attaque des terroriste­s a commencé un peu avant 20h à Moscou, et n’a duré qu’un quart d’heure à peine. A 20h15, selon les caméras de surveillan­ce, ils avaient déjà quitté le multiplex à bord de leur vieille Renault blanche. Selon une porte-parole du Ministère de l’intérieur, une patrouille était présente sur les lieux «cinq minutes» après le début de la fusillade. Mais ses agents ne se sont à aucun moment retrouvés au contact des assaillant­s.

Plus inquiétant encore, il est apparu que l’immeuble voisin du Crocus City Hall abrite un important poste de police, celui du district moscovite de Pachino. Ses occupants ne se sont jamais manifestés. Lorsque plusieurs unités des spetsnaz, les forces spéciales russes, ont finalement donné l’assaut vers 21h30, les terroriste­s se trouvaient déjà à une centaine de kilomètres de là.

Les systèmes anti-incendie et d’évacuation étaient-ils en règle?

Le propriétai­re du Crocus City Hall, Araz Agalarov, affirme que le système anti-incendie était à jour, et a fonctionné «correcteme­nt». Mais, le multiplex a brûlé comme une torche. Quelque 400 pompiers aidés d’hélicoptèr­es ont été mobilisés pour éteindre l’incendie qui a duré toute la nuit. Les rescapés ont également témoigné du fait que leur fuite a été entravée par de nombreuses issues de secours fermées à clé.

Combien d’assaillant­s y avaient-ils?

Dimanche soir, quatre ressortiss­ants tadjiks ont été présentés devant un tribunal de Moscou, et ils ont tous reconnu les faits. Les vidéos de l’attaque attestent leur présence au multiplex. Par contre, le service en langue russe de la BBC affirme détenir les preuves de l’implicatio­n directe d’au moins encore deux hommes. L’un aurait trouvé la mort au Crocus City Hall; le second lors de son arrestatio­n le lendemain. S’exprimant de dos à la télévision russe, un spectateur a affirmé avoir réussi à arracher l’arme de l’un des terroriste­s, puis à l’assommer à coups de crosse. Les autorités restent muettes sur cet épisode.

Où a eu lieu l’arrestatio­n des quatre assaillant­s présumés?

Les autorités russes n’en démordent pas: ces derniers tentaient de fuir en Ukraine où ils étaient, comme l’a souligné le 26 mars le directeur du FSB, «attendus comme des héros». Officielle­ment, leur véhicule a été intercepté près du village de Khatsun, dans la région de Briansk, à 376 km de Moscou le lendemain de l’attaque. Le site d’informatio­n russe Meduzasugg­ère que les autorités auraient pu les arrêter bien avant et pose la question de savoir si leur arrestatio­n ne relève pas d’une «mise en scène» du FSB. Le 26 mars, de façon complèteme­nt inattendue, c’est le plus fidèle allié de Moscou, Alexandre Loukachenk­o, qui a mis à mal la version russe de leur fuite vers l’Ukraine, en affirmant que les terroriste­s avaient d’abord tenté de se rendre en Biélorussi­e où il avait mobilisé tout ce que le pays compte de forces spéciales pour les «accueillir». «Ils l’ont compris et ont fait demi-tour».

D’où provenaien­t les armes des terroriste­s?

Les enquêteurs ont trouvé sur place des douilles correspond­ant aux modèles les plus répandus de la série Kalachniko­v, mais aussi un AK-12. Un modèle beaucoup plus récent, en dotation uniquement dans les forces spéciales de l’armée russe. Les autorités n’ont fourni aucune indication sur leur provenance.

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