Les cinq questions qui embarrassent le Kremlin
Le bilan de l’attentat contre le Crocus City Hall s’élève à 140 morts. Toujours très prolixes quand il s’agit d’accuser l’Ukraine, les autorités russes tardent à – ou ne souhaitent pas – répondre à certaines interrogations
L’attentat vendredi soir dans une salle de concert en banlieue de Moscou est le plus meurtrier en Russie depuis une vingtaine d’années, et le pire revendiqué par l’EI sur le sol européen.
Pourquoi personne n’est intervenu pour mettre fin à la tuerie?
L’attaque des terroristes a commencé un peu avant 20h à Moscou, et n’a duré qu’un quart d’heure à peine. A 20h15, selon les caméras de surveillance, ils avaient déjà quitté le multiplex à bord de leur vieille Renault blanche. Selon une porte-parole du Ministère de l’intérieur, une patrouille était présente sur les lieux «cinq minutes» après le début de la fusillade. Mais ses agents ne se sont à aucun moment retrouvés au contact des assaillants.
Plus inquiétant encore, il est apparu que l’immeuble voisin du Crocus City Hall abrite un important poste de police, celui du district moscovite de Pachino. Ses occupants ne se sont jamais manifestés. Lorsque plusieurs unités des spetsnaz, les forces spéciales russes, ont finalement donné l’assaut vers 21h30, les terroristes se trouvaient déjà à une centaine de kilomètres de là.
Les systèmes anti-incendie et d’évacuation étaient-ils en règle?
Le propriétaire du Crocus City Hall, Araz Agalarov, affirme que le système anti-incendie était à jour, et a fonctionné «correctement». Mais, le multiplex a brûlé comme une torche. Quelque 400 pompiers aidés d’hélicoptères ont été mobilisés pour éteindre l’incendie qui a duré toute la nuit. Les rescapés ont également témoigné du fait que leur fuite a été entravée par de nombreuses issues de secours fermées à clé.
Combien d’assaillants y avaient-ils?
Dimanche soir, quatre ressortissants tadjiks ont été présentés devant un tribunal de Moscou, et ils ont tous reconnu les faits. Les vidéos de l’attaque attestent leur présence au multiplex. Par contre, le service en langue russe de la BBC affirme détenir les preuves de l’implication directe d’au moins encore deux hommes. L’un aurait trouvé la mort au Crocus City Hall; le second lors de son arrestation le lendemain. S’exprimant de dos à la télévision russe, un spectateur a affirmé avoir réussi à arracher l’arme de l’un des terroristes, puis à l’assommer à coups de crosse. Les autorités restent muettes sur cet épisode.
Où a eu lieu l’arrestation des quatre assaillants présumés?
Les autorités russes n’en démordent pas: ces derniers tentaient de fuir en Ukraine où ils étaient, comme l’a souligné le 26 mars le directeur du FSB, «attendus comme des héros». Officiellement, leur véhicule a été intercepté près du village de Khatsun, dans la région de Briansk, à 376 km de Moscou le lendemain de l’attaque. Le site d’information russe Meduzasuggère que les autorités auraient pu les arrêter bien avant et pose la question de savoir si leur arrestation ne relève pas d’une «mise en scène» du FSB. Le 26 mars, de façon complètement inattendue, c’est le plus fidèle allié de Moscou, Alexandre Loukachenko, qui a mis à mal la version russe de leur fuite vers l’Ukraine, en affirmant que les terroristes avaient d’abord tenté de se rendre en Biélorussie où il avait mobilisé tout ce que le pays compte de forces spéciales pour les «accueillir». «Ils l’ont compris et ont fait demi-tour».
D’où provenaient les armes des terroristes?
Les enquêteurs ont trouvé sur place des douilles correspondant aux modèles les plus répandus de la série Kalachnikov, mais aussi un AK-12. Un modèle beaucoup plus récent, en dotation uniquement dans les forces spéciales de l’armée russe. Les autorités n’ont fourni aucune indication sur leur provenance.
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