Une ancienne otage témoigne des abus sexuels subis à Gaza
Première femme à briser le silence, Amit Soussana, une avocate israélienne de 40 ans, a été retenue pendant 55 jours à Gaza, où elle a été violée et battue. Elle fait part de son calvaire dans une interview publiée hier dans le «New York Times»
Une ancienne otage israélienne a raconté au New York Times, pendant près de huit heures d’interview, comment elle avait été agressée sexuellement et torturée à Gaza. Son témoignage fait beaucoup de bruit en Israël, car elle est la première femme à s’exprimer publiquement sur ce sujet depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Ce jour-là, Amit Soussana, qui s’était cachée dans un placard, a été battue et enlevée de chez elle par dix hommes armés, avant d’être retenue en otage pendant 55 jours. Détenue seule, enchaînée par la cheville gauche, sur le lit d’une chambre d’enfant décorée de posters du dessin animé Bob l’éponge, elle se souvient des allées et venues en sous-vêtements d’un gardien, de ses questions insistantes sur sa vie sexuelle et son cycle menstruel. Il lui proposait d’ailleurs fréquemment de la masser et soulevait sa chemise pour la toucher. C’est cet «homme joufflu,
«Il m’a forcée à commettre un acte sexuel sur lui, en pointant son arme sur moi»
AMIT SOUSSANA, AVOCATE ISRAÉLIENNE ET ANCIENNE DÉTENUE À GAZA
chauve, de taille moyenne avec un nez large» qui l’a «gardée exclusivement» pendant un peu plus de deux semaines. «Vers le 18 octobre, elle a essayé de le décourager en prétendant qu’elle avait des saignements pendant près d’une semaine, écrit le quotidien américain. Vers le 24 octobre, le gardien, qui se faisait appeler Muhammad, l’a attaquée.» Il l’a détachée pour qu’elle aille dans la salle de bains et a attendu qu’elle commence à se laver pour apparaître «dans l’embrasure de la porte, un pistolet à la main», décrit-elle.
Il l’a frappée, lui a retiré sa serviette, a commencé à la tripoter, l’a assise sur le bord de la baignoire, l’a de nouveau frappée, puis traînée dans la chambre. «Ensuite, il m’a forcée à commettre un acte sexuel sur lui, en pointant son arme sur moi», témoigne-t-elle.
Après cette agression, l’homme est parti se laver. Elle est restée nue, dans l’obscurité. A son retour, il avait des remords et répétait: «Je suis mauvais, je suis mauvais, s’il vous plaît, ne le dites pas à Israël.» Le New York Times a accepté de ne pas divulguer les détails de cet acte sexuel, précisant que son récit «est cohérent avec ce qu’elle a dit à deux médecins et à une assistante sociale moins de 24 heures après sa libération, le 30 novembre».
Amit Soussana se rappelle avoir été détenue «dans une demi-douzaine de lieux», dont un tunnel, un bureau et des maisons. A un moment, des hommes l’ont suspendue entre deux canapés» avant de la battre, exigeant des informations qu’elle dissimulait, croyaientils. Un autre jour, ils lui ont «enveloppé la tête dans une chemise rose, l’ont forcée à s’asseoir par terre, l’ont menottée et ont commencé à la frapper avec la crosse d’un pistolet».
Si, lorsqu’elle a été filmée par le Hamas, elle a prétendu avoir été bien traitée, rappelle le journal, c’était pour ne pas compromettre sa libération avec 105 autres otages lors d’un cessez-le-feu négocié fin novembre.
Des crimes niés par le Hamas
Le Hamas et ses partisans nient depuis des semaines commettre des abus sexuels sur les personnes retenues en otage. Contacté par le New York Times, un porte-parole du Hamas, Basem Naim, déclare qu’il est «essentiel pour le groupe d’enquêter sur les allégations de Mme Soussana, mais qu’une telle enquête est impossible dans les circonstances actuelles».
Il ajoute regretter la «couverture [médiatique] insuffisante des souffrances des Palestiniens, notamment des agressions sexuelles commises par des soldats israéliens sur des femmes palestiniennes.» Un rapport des Nations unies publié le 11 mars souligne l’existence d’«informations claires et convaincantes» selon lesquelles certains otages ont subi des «violences sexuelles» et qu’il y a des «motifs raisonnables» de croire que d’autres ont eu lieu le 7 octobre. En tant qu’ancienne otage victime d’abus sexuels, l’avocate israélienne espère que son histoire sensibilisera l’opinion publique sur le sort qui est réservé aux otages. D’après Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 sont toujours otages à Gaza, dont 34 seraient mortes.
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