Dans la guerre des semi-conducteurs, la Chine porte ses premiers coups
Pékin bannit des puces américaines, une riposte directe sur un terrain où les Etats-Unis sont en position de force. Les autorités entendent par là soutenir une production nationale et assurer l’indépendance du pays
Dans le bras de fer auquel se livrent Washington et Pékin autour des semi-conducteurs, les Etats-Unis avaient clairement pris l’avantage. Mais la Chine semble désormais prête à riposter directement sur ce terrain des puces électroniques. Dans un article publié le 24 mars, le Financial Times révèle la mise en place de directives destinées à bannir les produits des américains Intel et AMD des ordinateurs et des serveurs gouvernementaux. Ces nouvelles règles prévoient aussi d’écarter le système d’exploitation Windows de Microsoft et des logiciels de gestion de base de données. L’objectif des autorités chinoises est de privilégier des solutions nationales. Devant le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, en visite à Pékin, Xi Jinping a affirmé mercredi que les progrès technologiques de la Chine ne pouvaient être freinés.
En décembre dernier, lors de la présentation de ces directives, une liste de 18 processeurs jugés sûrs et fiables, et produits par des entreprises chinoises comme Phytium et Huawei, avait également été dévoilée. Jusqu’à présent, la Chine avait répondu sur d’autres terrains aux mesures américaines pour l’empêcher d’accéder aux semi-conducteurs de dernière génération. En juillet dernier par exemple, le pays avait restreint les exportations de gallium et de germanium. Deux métaux dont il est le principal producteur, utilisés dans la fabrication de semi-conducteurs, mais aussi de panneaux photovoltaïques ou encore la fibre optique.
Ces directives devraient avoir un impact sur les deux entreprises visées. La Chine, premier marché d’Intel, représentait en 2023 14,8 milliards de ses 54,2 milliards de dollars de revenus, soit 27%. Pour AMD, cette proportion était de 15% de ses 23 milliards de ventes. Les restrictions américaines avaient déjà mis en évidence l’importance du marché chinois pour l’industrie américaine des semi-conducteurs.
Il faudra du temps à Pékin pour écarter totalement le système d’exploitation Windows
Après les mesures destinées à interdire les exportations des puces les plus avancées vers la Chine mises en place l’an passé, Nvidia, le spécialiste des processeurs graphiques utilisés pour entraîner les intelligences artificielles, avait rapidement lancé une version modifiée et bridée de son produit phare pour le marché chinois.
Il faudra malgré tout du temps aux autorités chinoises pour remplacer leur parc informatique et écarter totalement le système d’exploitation de Windows. D’autre part, Intel et AMD comptent également de nombreuses entreprises de la deuxième puissance économique mondiale parmi leurs clients. Dans son rapport annuel, Intel se félicitait par exemple de l’utilisation de la cinquième génération de son processeur Xeon par Alibaba Cloud, société chinoise d’informatique en nuage, ou encore de l’adoption en primeur par le constructeur automobile chinois Geely d’un autre de ses produits. Dans sa politique d’autonomie technologique face aux sanctions américaines, le gouvernement chinois a également demandé aux entreprises publiques de se tourner vers des fournisseurs nationaux d’ici à 2027.
Régulièrement, la question se pose de savoir si la Chine est en capacité de se passer des semi-conducteurs importés.
L’an dernier, les Etats-Unis ont réussi à convaincre les Pays-Bas et le Japon de se joindre à leur politique de restriction visà-vis du pays de Xi Jinping. La Chine est donc, entre autres, privée de l’accès aux machines du néerlandais ASML permettant de fabriquer les puces de dernière génération.
Des puces avancées malgré les sanctions
Mais en septembre dernier, Huawei, pourtant visée par des sanctions depuis l’époque de l’administration Trump, dévoilait une puce 5G de sa conception pour un de ses téléphones. Plusieurs rapports montrent aussi que la Chine parvient toujours à acheter certains des semi-conducteurs frappés par les interdictions d’exportation. Cela avait poussé les Etats-Unis à encore durcir leurs mesures en octobre dernier. Mais ces directives montrent que si ces sanctions ont des effets indéniables, la Chine se sent désormais en capacité de rendre des (petits) coups.
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