Le Temps

L’immobilier de luxe marque le pas

La folle envolée des prix des demeures haut de gamme en Suisse s’est ralentie en 2023. La hausse des taux d’intérêt a incité les acheteurs à faire preuve d’une certaine retenue. Selon une étude d’UBS, les prix pourraient même baisser cette année

- ALEXANDRE BEUCHAT @beuchat_a

La période des excès dans le marché de l’immobilier de luxe en Suisse est-elle révolue? Le segment haut de gamme a sensibleme­nt ralenti l’an dernier. En moyenne, les prix ont augmenté de 2%, selon une étude d’UBS, alors qu’ils avaient flambé de 10% en 2022. Dans l’ensemble, l’immobilier de prestige a un peu moins progressé que le marché global.

Au deuxième semestre 2023, les prix moyens ont stagné à l’échelle nationale. Dans plus de la moitié des 28 communes étudiées, qui comportent une forte proportion d’objets de luxe, ils ont même reculé. Ce qui ne s’était plus vu depuis 2017. Reste que les prix se situent à des niveaux stratosphé­riques, puisqu’ils sont aujourd’hui supérieurs de 25% à leur niveau d’avant la pandémie.

L’immobilier haut de gamme a été refroidi par la hausse des taux d’intérêt. La demande de logements de luxe est certes moins sensible aux variations de taux que le marché global. Cependant, le triplement des taux hypothécai­res depuis le début 2022 n’est pas resté sans effet. «Le segment du luxe n’est pas totalement déconnecté du marché général, relève Katharina Hofer, économiste spécialist­e de l’immobilier chez UBS. La hausse des taux d’intérêt a joué un rôle pour les prix d’achat moyens autour de 5 millions de francs.»

Havre de paix plus cher

Forte de sa stabilité et de son niveau de vie élevé, la Suisse devrait rester attrayante pour les grandes fortunes face aux tensions géopolitiq­ues actuelles. Mais «cette sécurité est devenue nettement plus coûteuse» en raison de l’évolution des prix et de l’appréciati­on du franc, ce qui a probableme­nt freiné la demande étrangère, estiment les experts d’UBS.

«Les objets mis en vente attirent moins de clients potentiels et ceux-ci remettent de plus en plus en question le prix demandé. Si les vendeurs sont pressés par le temps, ils risquent de devoir accepter des réductions», explique Katharina Hofer. Pour l’année en cours, les experts du numéro un bancaire suisse s’attendent à une baisse des prix dans le segment du luxe, d’un peu plus de 1%.

Sébastien Gentilini, directeur des opérations de l’agence FGP Swiss & Alps, fait peu ou prou le même constat sur l’évolution du marché: «Nous avons senti dès le dernier trimestre 2022 un ralentisse­ment de la hausse des prix après l’essor des années covid. La tendance est à la stabilisat­ion, mais nous ne prévoyons pas de baisse des prix cette année, sauf événement exceptionn­el.»

La prévision d’UBS est à nuancer. Les objets «exclusifs» valant plus de 10 millions de francs, notamment dans les destinatio­ns de montagne, seront probableme­nt moins touchés par ce ralentisse­ment. Car les super-riches aiment la Suisse. Le nombre de milliardai­res a ainsi bondi de plus de 10% en 2023. UBS suppose que cette tendance devrait soutenir la demande visant les emplacemen­ts résidentie­ls de tout premier plan.

«Le marché n’est pas le même pour des biens à 5 millions ou des villas qui coûtent plusieurs dizaines de millions, relève Sébastien Gentilini. L’éventail du segment du luxe est large. Les ultrariche­s ne sont pas du tout touchés par la hausse des taux d’intérêt et sont plus dans l’allocation d’actifs.»

Les destinatio­ns en montagne maintienne­nt «haut la main» leur position en tête des communes suisses les plus chères. Saint-Moritz (GR) trône sur la première marche du podium, avec des prix au mètre carré dépassant 42 000 francs, soit un peu plus qu’à Gstaad (BE), où ils atteignent 39 000 francs. Cologny (GE), la commune huppée du bord du Léman, dépasse les 35 000 francs au mètre carré, tout comme Verbier (VS).

Les emplacemen­ts moins chers rattrapent leur retard, constate UBS. Le niveau élevé des prix, ou une offre insuffisan­te, entraîne un déplacemen­t de la demande vers les communes alentour plus abordables. Parmi les localités où les prix ont fortement augmenté ces dernières années, l’étude cite, sur la rive nord du Léman, les exemples de Prégny-Chambésy (GE), Mies, Nyon ou Saint-Prex (VD). «Cette tendance ne s’applique cependant pas aux ultrariche­s, qui sont très attachés aux adresses et ne sont pas prêts à se reporter sur des destinatio­ns moins prestigieu­ses», note Sébastien Gentilini.

Au niveau mondial, Monaco a repris la place de destinatio­n la plus chère, à 63 000 dollars le mètre carré, devançant la station d’hiver d’Aspen, dans le Colorado (50 000 dollars), et Saint-Moritz (47 000 dollars). A l’instar de la Suisse, les marchés mondiaux de l’immobilier de luxe ont connu une légère accalmie. D’après l’agence Knight Frank, les prix y ont augmenté en moyenne de 3,1%, soit nettement moins que le pic de 8,4% observé en 2021. ■

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