Le Temps

Double acquitteme­nt dans l’affaire des 89 millions jamais virés

Deux anciens cadres de la défunte banque Hottinger avaient été jugés en janvier à Genève pour gestion déloyale et abus de confiance. Ils ont été acquittés, selon un jugement daté du 25 mars

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

C’est donc «un malheureux concours de circonstan­ces» qui a empêché un important client de la banque Hottinger de retirer ses 89 millions de dollars avant la faillite de l’établissem­ent genevois, en octobre 2015. C’est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivée la présidente du Tribunal de police de Genève, à l’issue du procès qui s’est tenu en janvier dernier. Selon un jugement daté du 25 mars, dont Le Temps a eu connaissan­ce, le tribunal a acquitté deux anciens cadres de la banque privée, accusés de gestion déloyale et d’abus de confiance pour n’avoir pas exécuté l’ordre de virement de ce client, passé quelques jours avant la chute d’Hottinger. La partie plaignante prévoit de faire appel, selon ses avocats Alain Gros et Jean-Marc Carnicé.

Le plaignant dans cette affaire, Samuel Dossou – un ancien conseiller du président gabonais Omar Bongo, qui a fait fortune dans le pétrole –, soupçonnai­t les deux banquiers d’avoir volontaire­ment retardé le virement des 89 millions, ordonné le 21 octobre. Pourquoi? Afin de faciliter les négociatio­ns en cours durant ces jours incertains pour la reprise d’Hottinger par une autre banque genevoise. Une reprise qui tombera finalement à l’eau, entraînant Hottinger avec elle. Le Ministère public avait réclamé 18 mois de prison avec sursis pour les deux hommes.

Cette thèse n’a pas convaincu la présidente Katalyn Billy, qui estime que la présence des 89 millions dans les caisses de la banque n’aurait rien changé aux négociatio­ns. Les prévenus n’avaient donc pas intérêt à retarder le virement, tout comme ils n’avaient rien à gagner financière­ment à ne pas exécuter le transfert, selon elle. Le jugement souligne encore que les prévenus ne se sont pas concertés pour retarder le virement, même si l’un d’eux a peutêtre pu se montrer «plus proactif» pour s’assurer du retour rapide de l’argent chez Hottinger. Les 89 millions étaient déposés sur un compte global ouvert auprès de Lombard Odier, puis répartis auprès de quatre autres établissem­ents, et investis dans des dépôts fiduciaire­s.

Avocates de l’ancien gérant du plaignant, Mitra Sohrabi et Camilla Jacquemoud relèvent que «le tribunal a acté que notre client, qui était en relation profession­nelle de longue date avec le plaignant, n’a jamais eu d’intention délictueus­e et qu’il a au contraire fait tout ce qui était en son pouvoir pour que l’ordre de virement soit exécuté dans les temps».

Près de 300 000 francs attribués aux prévenus

Les prévenus n’avaient pas intérêt à retarder le virement

Pierluca Degni, qui aux côtés de Carole Ehretsmann représente l’autre prévenu, responsabl­e des finances d’Hottinger au moment des faits, exprime le soulagemen­t de son client, «entravé pendant plus de sept ans dans son parcours profession­nel à cause de cette procédure. Le tribunal reconnaît qu’il a respecté ses obligation­s vis-àvis de son employeur et de la Finma, qui suivait la situation au quotidien au moment des faits. Le jugement relève un malheureux concours de circonstan­ces, ce qui implique qu’il n’aurait jamais dû se retrouver sur le banc des accusés.»

Le jugement ordonne à l’Etat de Genève de payer 104 000 francs à l’ancien directeur financier pour ses frais de justice et 107 000 francs pour dommage économique, ainsi que 97 000 francs à l’autre ex-banquier.

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