Attaquée, Trafigura plaide coupable
Le géant des matières premières basé à Genève a accepté de verser un total de 127 millions de dollars dans un accord avec le Département de la justice américain pour des faits de corruption au Brésil
Dans un communiqué mis en ligne jeudi, Trafigura indique avoir accepté de plaider coupable dans une procédure ouverte par le Département de la justice des Etats-Unis (DOJ). Il s’agit d’une affaire de corruption au Brésil remontant à il y a une dizaine d’années. Le spécialiste du négoce de matières premières dont le centre opérationnel se trouve à Genève paiera la somme de 127 millions de dollars (114 millions de francs) dans le cadre d’un accord avec le DOJ, dont 80,5 millions sous la forme d’une amende et 46,5 millions sous celle d’une confiscation.
En décembre, Trafigura avait indiqué constituer une provision de ce montant en prévision du paiement. Pour son exercice fiscal clos en septembre dernier, le négociant a enregistré un bénéfice de 7,4 milliards de dollars en 2023. «Pendant plus d’une décennie, Trafigura a soudoyé des fonctionnaires brésiliens pour obtenir illégalement des contrats et récolter plus de 61 millions de dollars de bénéfices, déclare la procureure générale adjointe principale Nicole M. Argentieri citée dans un communiqué du DOJ.
Pots-de-vin et atteintes à l’Etat de droit
Le plaidoyer de culpabilité d’aujourd’hui souligne que lorsque les entreprises versent des pots-devin et portent atteinte à l’Etat de droit, elles s’exposent à des sanctions importantes.» La période des faits s’étend de 2003 à 2014 dans le cadre de contrats avec Petrobras, une compagnie pétrolière d’Etat brésilienne qui se trouve au coeur d’un immense scandale de corruption depuis dix ans. Le spécialiste du trading de métaux et de pétrole était poursuivi en vertu du Foreign Corrupt Practices Act, une loi fédérale américaine destinée à lutter contre la corruption d’agents publics à l’étranger. Elle permet à la justice américaine de lancer une procédure des faits ayant eu lieu à l’étranger à partir du moment où les entreprises et les personnes concernées ont une implantation sur le territoire américain, sont cotées aux Etats-Unis ou participent à un marché régulé aux Etats-Unis. Le DOJ indique par ailleurs qu’un peu moins de 27 millions de dollars du montant de l’amende seront versés aux autorités brésiliennes pour soutenir leurs investigations sur des faits connexes.
«Ces incidents historiques ne reflètent pas les valeurs de Trafigura ni la conduite que nous attendons de chaque employé. Ils sont particulièrement décevants compte tenu des efforts soutenus que nous déployons depuis de nombreuses années pour instaurer une culture de conduite responsable», réagit pour sa part Jeremy Weir, le président et directeur général du négociant. Dans son communiqué, l’entreprise insiste aussi sur la reconnaissance de sa coopération dans l’enquête par le DOJ.
Plainte d’un Etat du sud du Brésil
Dans sa propre communicaton, la justice américaine précise: «Au cours de la première phase de l’enquête du département, Trafigura n’a pas réussi à préserver et à produire certains documents et preuves en temps opportun et a parfois adopté des positions incompatibles avec une pleine coopération.»
Trafigura fait toujours l’objet d’une autre procédure au Brésil. Fin 2018, le parquet d’un Etat du sud du Brésil a déposé plainte contre d’anciens dirigeants de la société, accusés d’avoir versé des pots-de-vin à hauteur de 1,5 million de dollars pour s’assurer des contrats. Les investigations menées par les autorités brésiliennes dans la foulée du scandale Petrobras ont également épinglé d’autres grands noms suisses du négoce de matières premières comme Vitol et Glencore.
«La multinationale n’a pas réussi à préserver et à produire certains documents et preuves en temps opportun»
SERVICE DE COMMUNICATION DE LA JUSTICE AMÉRICAINE
Acte d’accusation de la Confédération
En décembre dernier, le Ministère public de la Confédération a également déposé un acte d’accusation concernant trois personnes et la société de négoce pour des faits de corruption en Angola. L’affaire doit donc être jugée par le Tribunal pénal fédéral, qui se prononcera pour la première fois sur des faits de corruption à l’étranger. ■