Le «cas Gobbi», l’affaire qui tient le Tessin en haleine
INCIDENT Le gouvernement cantonal devra se positionner devant le parlement lundi prochain à la suite de trois interpellations parlementaires sur un mystérieux accident routier impliquant le conseiller d’Etat léguiste Norman Gobbi
Que s’est-il passé la nuit du 14 novembre sur la voie sudnord dans la zone du Stalvedro, en Léventine? Cette question concernant l’accident de la route impliquant le conseiller d’Etat léguiste Norman Gobbi tourmente les esprits au Tessin. On connaîtra la réponse au terme de l’enquête pénale ouverte par le Ministère public fin mars pour «abus d’autorité et traitement de faveur» concernant l’agent intervenu sur place. Mardi, celui-ci – il est le seul prévenu – a été interrogé pour la première fois par la magistrature.
Le «cas Gobbi» a émergé le 13 mars avec le dépôt par Fiorenzo Dado, président cantonal du Centre, d’une interpellation parlementaire intitulée «Un mystérieux accident, y a-t-il eu abus de pouvoir?» Si Norman Gobbi, directeur du Département des institutions, qui chapeaute la police, n’est apparemment pas responsable (l’autre partie aurait reconnu sa propre responsabilité) et que cet incident est «sans conséquences graves», certains aspects demeurent nébuleux.
Lettres anonymes et ministre sous pression
Des lettres anonymes envoyées aux médias et au Ministère public, provenant du milieu policier, indiqueraient que le soir de l’événement le conseiller d’Etat aurait fait un premier test d’alcoolémie, qui s’est révélé légèrement au-dessus de la limite.
Puis un second aurait été effectué mais plus de deux heures après l’incident lorsqu’un contrôle sanguin aurait été requis à ce stade. Son résultat était dans la norme. D’autres questions soulevées par les médias restent pour l’instant sans réponse: des interlocuteurs des échelons supérieurs de la police auraient été appelés pour un banal tamponnage. Dans quel but? Qui a pris en charge la voiture du ministre après l’accident et pour la porter où?
Dans la foulée de cette interpellation parlementaire, deux autres, issues du Mouvement pour le socialisme (MPS), ont suivi: «Transparence et information: quel doit être le rôle de la police cantonale?» le 15 mars et «L’accident de Gobbi et ses conséquences politiques» le 26 mars.
Ce même jour, le Conseil d’Etat – qui a aussi ordonné une enquête disciplinaire sur le policier intervenu le 14 novembre – a souhaité suspendre le traitement de ces trois textes. Mais l’Office présidentiel du Grand Conseil a fait valoir que «si leur urgence et leur intérêt public sont reconnus par la présidence, le Conseil d’Etat sera tenu d’y répondre publiquement au cours de la session parlementaire». Le rendez-vous est donc fixé au 15 avril, lors de la prochaine session.
Dans un communiqué diffusé le 27 mars, sous pression, Norman Gobbi a annoncé qu’il décidait «à contrecoeur» de se suspendre temporairement de toute responsabilité politique au sein de la police cantonale jusqu’à ce que les enquêtes administratives et judiciaires en cours soient terminées.
Il justifie notamment sa décision par «l’esprit de service et le sens de l’Etat» qui l’anime, son «respect pour les institutions et pour le collège gouvernemental (injustement impliqué)», et invoque également la protection de sa famille, «actuellement attaquée».
«On veut des réponses très précises. Jusqu’à présent, aucune clarté n’a été faite. Il est probable que le Conseil d’Etat ne dise pas grand-chose ce lundi. Mais lorsque l’enquête de la magistrature sera terminée, on exigera des explications claires», indique Fiorenzo Dado. Déposer cette interpellation n’a pas été facile, confie-t-il.
«Lorsque vous soulevez une question qui peut mettre en doute la crédibilité des institutions et miner la confiance des citoyens, on ne peut agir à la légère. J’en étais conscient. Mais comme député, j’ai juré fidélité à la Constitution. Si des sources crédibles me donnent certaines informations, je ne peux me taire.»
Un traitement de faveur?
«Lorsque l’enquête de la magistrature sera terminée, on exigera des explications claires» FIORENZO DADO, PRÉSIDENT CANTONAL DU CENTRE
Signataires des deux autres actes parlementaires, Matteo Pronzini, du parti d’extrême gauche MPS, réclame lui aussi des réponses du Conseil d’Etat, «même si on sait que les loups ne se mangent pas entre eux». Les interpellations de son parti visent à avoir une discussion générale au Grand Conseil. «Pour nous, il est clair que Gobbi a bénéficié d’un traitement que le citoyen lambda n’aurait jamais reçu», considère-t-il, ajoutant que «cette affaire, et d’autres récentes, ne joueront certes pas en faveur de la Ligue des Tessinois lors des élections communales de ce 14 avril».
La Lega, via son organe Il Mattino della domenica, a vivement défendu son conseiller d’Etat, décriant «une tentative évidente, à la veille des élections communales, de nuire politiquement au mouvement dont Norman Gobbi est le coordinateur intérimaire». Quant à l’avocat qui l’assiste, Renzo Galfetti, jusqu’à la fin de la procédure judiciaire en cours – «dans laquelle monsieur Gobbi n’est accusé d’aucun acte répréhensible», rappelle-t-il –, il n’entend pas faire de déclaration.
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