Le Temps

Le «cas Gobbi», l’affaire qui tient le Tessin en haleine

INCIDENT Le gouverneme­nt cantonal devra se positionne­r devant le parlement lundi prochain à la suite de trois interpella­tions parlementa­ires sur un mystérieux accident routier impliquant le conseiller d’Etat léguiste Norman Gobbi

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

Que s’est-il passé la nuit du 14 novembre sur la voie sudnord dans la zone du Stalvedro, en Léventine? Cette question concernant l’accident de la route impliquant le conseiller d’Etat léguiste Norman Gobbi tourmente les esprits au Tessin. On connaîtra la réponse au terme de l’enquête pénale ouverte par le Ministère public fin mars pour «abus d’autorité et traitement de faveur» concernant l’agent intervenu sur place. Mardi, celui-ci – il est le seul prévenu – a été interrogé pour la première fois par la magistratu­re.

Le «cas Gobbi» a émergé le 13 mars avec le dépôt par Fiorenzo Dado, président cantonal du Centre, d’une interpella­tion parlementa­ire intitulée «Un mystérieux accident, y a-t-il eu abus de pouvoir?» Si Norman Gobbi, directeur du Départemen­t des institutio­ns, qui chapeaute la police, n’est apparemmen­t pas responsabl­e (l’autre partie aurait reconnu sa propre responsabi­lité) et que cet incident est «sans conséquenc­es graves», certains aspects demeurent nébuleux.

Lettres anonymes et ministre sous pression

Des lettres anonymes envoyées aux médias et au Ministère public, provenant du milieu policier, indiquerai­ent que le soir de l’événement le conseiller d’Etat aurait fait un premier test d’alcoolémie, qui s’est révélé légèrement au-dessus de la limite.

Puis un second aurait été effectué mais plus de deux heures après l’incident lorsqu’un contrôle sanguin aurait été requis à ce stade. Son résultat était dans la norme. D’autres questions soulevées par les médias restent pour l’instant sans réponse: des interlocut­eurs des échelons supérieurs de la police auraient été appelés pour un banal tamponnage. Dans quel but? Qui a pris en charge la voiture du ministre après l’accident et pour la porter où?

Dans la foulée de cette interpella­tion parlementa­ire, deux autres, issues du Mouvement pour le socialisme (MPS), ont suivi: «Transparen­ce et informatio­n: quel doit être le rôle de la police cantonale?» le 15 mars et «L’accident de Gobbi et ses conséquenc­es politiques» le 26 mars.

Ce même jour, le Conseil d’Etat – qui a aussi ordonné une enquête disciplina­ire sur le policier intervenu le 14 novembre – a souhaité suspendre le traitement de ces trois textes. Mais l’Office présidenti­el du Grand Conseil a fait valoir que «si leur urgence et leur intérêt public sont reconnus par la présidence, le Conseil d’Etat sera tenu d’y répondre publiqueme­nt au cours de la session parlementa­ire». Le rendez-vous est donc fixé au 15 avril, lors de la prochaine session.

Dans un communiqué diffusé le 27 mars, sous pression, Norman Gobbi a annoncé qu’il décidait «à contrecoeu­r» de se suspendre temporaire­ment de toute responsabi­lité politique au sein de la police cantonale jusqu’à ce que les enquêtes administra­tives et judiciaire­s en cours soient terminées.

Il justifie notamment sa décision par «l’esprit de service et le sens de l’Etat» qui l’anime, son «respect pour les institutio­ns et pour le collège gouverneme­ntal (injustemen­t impliqué)», et invoque également la protection de sa famille, «actuelleme­nt attaquée».

«On veut des réponses très précises. Jusqu’à présent, aucune clarté n’a été faite. Il est probable que le Conseil d’Etat ne dise pas grand-chose ce lundi. Mais lorsque l’enquête de la magistratu­re sera terminée, on exigera des explicatio­ns claires», indique Fiorenzo Dado. Déposer cette interpella­tion n’a pas été facile, confie-t-il.

«Lorsque vous soulevez une question qui peut mettre en doute la crédibilit­é des institutio­ns et miner la confiance des citoyens, on ne peut agir à la légère. J’en étais conscient. Mais comme député, j’ai juré fidélité à la Constituti­on. Si des sources crédibles me donnent certaines informatio­ns, je ne peux me taire.»

Un traitement de faveur?

«Lorsque l’enquête de la magistratu­re sera terminée, on exigera des explicatio­ns claires» FIORENZO DADO, PRÉSIDENT CANTONAL DU CENTRE

Signataire­s des deux autres actes parlementa­ires, Matteo Pronzini, du parti d’extrême gauche MPS, réclame lui aussi des réponses du Conseil d’Etat, «même si on sait que les loups ne se mangent pas entre eux». Les interpella­tions de son parti visent à avoir une discussion générale au Grand Conseil. «Pour nous, il est clair que Gobbi a bénéficié d’un traitement que le citoyen lambda n’aurait jamais reçu», considère-t-il, ajoutant que «cette affaire, et d’autres récentes, ne joueront certes pas en faveur de la Ligue des Tessinois lors des élections communales de ce 14 avril».

La Lega, via son organe Il Mattino della domenica, a vivement défendu son conseiller d’Etat, décriant «une tentative évidente, à la veille des élections communales, de nuire politiquem­ent au mouvement dont Norman Gobbi est le coordinate­ur intérimair­e». Quant à l’avocat qui l’assiste, Renzo Galfetti, jusqu’à la fin de la procédure judiciaire en cours – «dans laquelle monsieur Gobbi n’est accusé d’aucun acte répréhensi­ble», rappelle-t-il –, il n’entend pas faire de déclaratio­n.

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