Un usage très débattu
En Suisse, une pétition demande l’interdiction des tireurs de balles en caoutchouc
D’après l’ophtalmologue zurichoise Anna Fierz, seule praticienne à avoir rédigé de manière scientifique sur la question, 35 personnes ont été blessées aux yeux par des balles en caoutchouc tirées par la police en Suisse depuis les années 1980 – dont six en 2023. Les premiers cas d’énucléation ont émergé lors des émeutes de Zurich, en 1981, tandis que les premières armes «non létales» faisaient leur apparition en Suisse dès les années 1970. Il est difficile de conclure à une augmentation des cas, précise la spécialiste, puisqu’il est probable que de nombreux invalides, notamment les plus anciens, à une époque où la stigmatisation des personnes blessées dans une manifestation d’opposition était bien plus élevée, ne soient toujours pas connus aujourd’hui. En Europe, le débat concernant l’utilisation des tireurs de balles en caoutchouc a explosé à la suite de l’éborgnement de plus de 20 personnes en France en 2018-2019, lors du soulèvement des Gilets jaunes.
En 2019, le Parlement européen condamnait l’usage «disproportionné» de ces armes. En Suisse, une pétition réclamant l’interdiction de cet instrument (notamment prohibé en Autriche, Finlande, Danemark, Norvège ou Suède) a été remise l’été dernier à la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police. Qui y a répondu en octobre par la négative. Plusieurs cas ressemblant à celui de Marc sont en cours de procédure devant les tribunaux du pays, notamment à Zurich, où la victime d’un tir daté de 2017 a promis qu’il monterait jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir raison. Les lanceurs de balles en caoutchouc n’ont «pas été conçus dans le but de viser un individu mais de disperser une foule», précise l’un des rapports concernant le cas de Marc. Quelle que soit la qualité de visée de leurs opérateurs, elles sont donc par nature imprécises, avec de larges rayons d’impacts (jusqu’à plusieurs mètres). Aucun policier n’a jusqu’ici été condamné sur le sujet en Suisse.
■