Le Temps

Berne applique un usage calibré

Le Conseil fédéral a repris les sanctions européenne­s visant la Russie. En fera-t-il de même pour des extrémiste­s israéliens? Cela ne va pas de soi. Voici pourquoi

- FRÉDÉRIC KOLLER @fredericko­ller

XLa Suisse qui a repris les sanctions européenne­s contre la Russie en ferat-elle autant avec Israël? Pas nécessaire­ment, répond-on à Berne. Car il y a sanction et sanction. Et en fonction de leur nature, elles sont suivies ou non par le Conseil fédéral selon une pesée d’intérêts qui écarte tout automatism­e qui conduirait à s’aligner sur l’Europe. La question pourrait toutefois provoquer un nouveau bras de fer politique en lien avec le conflit israélo-palestinie­n.

Deux concepts différents

de l’exécution et de la surveillan­ce des sanctions, répond qu’il faut faire la distinctio­n entre les «sanctions géographiq­ues» et les «sanctions thématique­s» de l’UE. Ce sont des concepts qui «fonctionne­nt différemme­nt». On comprend que les sanctions visant la Russie sont d’ordre géographiq­ue, alors que celles visant les colons extrémiste­s sont de type «thématique».

Les sanctions de l’UE sont suivies ou non selon une pesée d’intérêts qui écarte tout automatism­e

«Contrairem­ent aux régimes de sanctions géographiq­ues, les inscriptio­ns sur la liste des sanctions thématique­s de l’UE ne sont pas liées à une situation spécifique à un pays, par exemple de graves violations des droits de l’homme dans un Etat particulie­r, explique Fabian Maienfisch, le porte-parole du Départemen­t fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche. Les sanctions thématique­s permettent à l’UE de sanctionne­r des individus, des entreprise­s ou des organisati­ons dans le monde entier dans le cadre d’un seul régime de sanctions.»

Et qu’est-ce que cela change? «La Suisse n’a jusqu’à présent repris aucune sanction thématique et donc aucun listing du régime global de sanctions en matière de droits de l’homme de l’UE», poursuit Fabian Maienfisch. En 2021, par exemple, l’UE imposait des sanctions contre plusieurs individus et entreprise­s chinoises en raison des violations présumées des droits de l’homme au Xinjiang. Des parlementa­ires à Berne ont interpellé le gouverneme­nt pour en faire autant. La décision a été prise en catimini de ne pas s’aligner sur Bruxelles. «Le 9 décembre 2022, le Conseil fédéral a décidé […] de ne pas reprendre les sanctions thématique­s adoptées jusqu’alors par l’UE, précise le porte-parole. Cela inclut les listings adoptés par l’UE dans le cadre du régime global de sanctions en matière de droits de l’homme en lien avec la situation au Xinjiang.»

Alors que l’UDC est opposée à toute forme de sanction, des voix à gauche s’interrogen­t sur un double standard dans l’hypothèse où la Suisse sanctionne­rait la Russie et non Israël. Le Conseil fédéral devrait s’en tenir à sa ligne? Pas si sûr. «Le Conseil fédéral se réserve le droit de reprendre ponctuelle­ment et de manière ciblée des sanctions thématique­s de l’UE dans certains cas très spécifique­s, conclut Fabian Maienfisch. Il décidera au cas par cas de la reprise de certaines futures listes de l’UE au titre des sanctions thématique­s, en tenant compte de critères de politique extérieure et juridiques.»

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