Berne applique un usage calibré
Le Conseil fédéral a repris les sanctions européennes visant la Russie. En fera-t-il de même pour des extrémistes israéliens? Cela ne va pas de soi. Voici pourquoi
XLa Suisse qui a repris les sanctions européennes contre la Russie en ferat-elle autant avec Israël? Pas nécessairement, répond-on à Berne. Car il y a sanction et sanction. Et en fonction de leur nature, elles sont suivies ou non par le Conseil fédéral selon une pesée d’intérêts qui écarte tout automatisme qui conduirait à s’aligner sur l’Europe. La question pourrait toutefois provoquer un nouveau bras de fer politique en lien avec le conflit israélo-palestinien.
Deux concepts différents
de l’exécution et de la surveillance des sanctions, répond qu’il faut faire la distinction entre les «sanctions géographiques» et les «sanctions thématiques» de l’UE. Ce sont des concepts qui «fonctionnent différemment». On comprend que les sanctions visant la Russie sont d’ordre géographique, alors que celles visant les colons extrémistes sont de type «thématique».
Les sanctions de l’UE sont suivies ou non selon une pesée d’intérêts qui écarte tout automatisme
«Contrairement aux régimes de sanctions géographiques, les inscriptions sur la liste des sanctions thématiques de l’UE ne sont pas liées à une situation spécifique à un pays, par exemple de graves violations des droits de l’homme dans un Etat particulier, explique Fabian Maienfisch, le porte-parole du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche. Les sanctions thématiques permettent à l’UE de sanctionner des individus, des entreprises ou des organisations dans le monde entier dans le cadre d’un seul régime de sanctions.»
Et qu’est-ce que cela change? «La Suisse n’a jusqu’à présent repris aucune sanction thématique et donc aucun listing du régime global de sanctions en matière de droits de l’homme de l’UE», poursuit Fabian Maienfisch. En 2021, par exemple, l’UE imposait des sanctions contre plusieurs individus et entreprises chinoises en raison des violations présumées des droits de l’homme au Xinjiang. Des parlementaires à Berne ont interpellé le gouvernement pour en faire autant. La décision a été prise en catimini de ne pas s’aligner sur Bruxelles. «Le 9 décembre 2022, le Conseil fédéral a décidé […] de ne pas reprendre les sanctions thématiques adoptées jusqu’alors par l’UE, précise le porte-parole. Cela inclut les listings adoptés par l’UE dans le cadre du régime global de sanctions en matière de droits de l’homme en lien avec la situation au Xinjiang.»
Alors que l’UDC est opposée à toute forme de sanction, des voix à gauche s’interrogent sur un double standard dans l’hypothèse où la Suisse sanctionnerait la Russie et non Israël. Le Conseil fédéral devrait s’en tenir à sa ligne? Pas si sûr. «Le Conseil fédéral se réserve le droit de reprendre ponctuellement et de manière ciblée des sanctions thématiques de l’UE dans certains cas très spécifiques, conclut Fabian Maienfisch. Il décidera au cas par cas de la reprise de certaines futures listes de l’UE au titre des sanctions thématiques, en tenant compte de critères de politique extérieure et juridiques.»
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