Le Temps

A Genève, l’ONU aura son «Portail des Nations»

Imaginé par le banquier et philanthro­pe Ivan Pictet, ce centre d’accueil devrait être inauguré en 2025. Il a pour objectif de souligner l’importance du multilatér­alisme pour résoudre les problèmes globaux

- @StephaneBu­ssard STÉPHANE BUSSARD

La Genève internatio­nale a beau abriter des bâtiments emblématiq­ues – le Palais des Nations, le Palais Wilson, le Centre William-Rappard (OMC), les grandes bâtisses du Bureau internatio­nal du travail ou de l’Organisati­on mondiale de la santé – elle n’a jamais eu un vrai centre d’accueil qui reflète la densité de son écosystème. Cela va changer. Objet de discussion depuis 2019, le Portail des Nations va remplir cette mission à partir de juillet 2025, date de son inaugurati­on. S’étalant sur 3000 m² dont près de 2000 m² bâtis, cette infrastruc­ture faite de plusieurs pavillons a pour vocation d’expliciter ce qu’est le multilatér­alisme et à quoi il sert. Une tâche aujourd’hui compliquée. La logique des blocs géopolitiq­ues se réinstalle et les solutions globales à des problèmes qui ne le sont pas moins peinent à s’imposer. Le portail vise aussi à concrétise­r ce qu’est la Genève internatio­nale: un vaste réseau d’organisati­ons internatio­nales, d’agences onusiennes, d’ONG et d’acteurs du secteur privé qui tentent d’oeuvrer à une bonne gouvernanc­e de la planète.

L’idée a germé dans la tête du philanthro­pe et banquier Ivan Pictet. Pour lui, la crise du multilatér­alisme à laquelle on assiste n’enlève rien à la pertinence du Portail des Nations. Bien au contraire. Il est nécessaire, à ses yeux, de montrer l’importance de l’ONU, «la seule organisati­on capable de résoudre des problèmes globaux par le dialogue». Le portail, ajoute-t-il, doit montrer que l’ONU a un impact sur les gens dans leur quotidien, mais «peu (de gens) en ont vraiment conscience». Au sein du microcosme genevois, il est de bon ton d’affirmer que la Cité de Calvin est la salle des machines du système onusien, qu’elle met en oeuvre les décisions politiques prises au siège. Ivan Pictet, qui fut président du comité d’investisse­ment du Fonds de pension de l’ONU à New York, le dit sans ambages au sujet des sites onusiens: «Sans Genève, New York n’existerait pas.» La cité du bout du Léman en a d’ailleurs fait un leitmotiv: elle se présente comme le laboratoir­e des Objectifs de développem­ent durable (ODD) dont l’Agenda 2030 avait été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en 2015.

Expérience immersive

Comparé aux structures de Nairobi, Vienne, voire New York qui se contentent d’organiser des tours guidés, le Portail des Nations sera particuliè­rement innovant. Il proposera deux parcours de visite, l’un d’une heure et demie, l’autre de plus de trois heures. Il racontera l’histoire de la Genève internatio­nale, ses spécificit­és, les défis globaux à relever, qu’il s’agisse de la migration, du climat ou de la santé. Et communique­ra différemme­nt en offrant au visiteur une expérience immersive et multimédia. «Les visiteurs pourront se mettre dans la peau d’un représenta­nt permanent d’un pays et pourront voter des résolution­s. Une manière de s’identifier au travail qui est fait quotidienn­ement à l’ONU», relève Tatjana Darani, directrice de la Fondation Portail des Nations. L’idée, ajoute-telle, «n’est pas de présenter l’ONU comme une organisati­on parfaite, mais de montrer en toute honnêteté ses forces et ses faiblesses et pourquoi cela a du sens de la soutenir». «Des écrans montreront les flux de migrants en temps réel», poursuit Ivan Pictet.

Directrice de l’Office des Nations unies à Genève, Tatiana Valovaya explique: «A l’heure où la méfiance à l’égard des institutio­ns publiques est de mise, l’ONU Genève choisit résolument l’ouverture et s’emploie à trouver de nouveaux moyens de diffuser le message fondamenta­l des Nations unies.»

Les travaux ont déjà commencé, avec les premiers coups de pelle mécanique. Le portail sera installé sur le site de l’ONU Genève. L’entrée sera située sur la place des Nations et permettra de restaurer en quelque sorte l’entrée historique du site onusien. Le portail sera constitué de plusieurs pavillons modulables aux toits en terre cuite et en bois. La structure doit être durable et s’autofinanc­er. D’un coût de 31 millions de francs et conçue par le bureau genevois Charles Pictet Baptiste Broillet Architecte­s Associés, elle sera donnée aux Nations unies qui en seront les seuls exploitant­s et propriétai­res. L’Assemblée générale de l’ONU a accepté la donation en décembre 2020.

Projet redimensio­nné

«L’idée est de montrer les forces et les faiblesses de l’ONU et pourquoi cela a du sens de la soutenir» TATJANA DARANI, DIRECTRICE DE LA FONDATION PORTAIL DES NATIONS

Si Ivan Pictet est le principal bailleur de fonds, d’autres acteurs contribuen­t à la création du portail, dont une fondation genevoise qui souhaite rester anonyme et la Loterie Romande. «Je n’aspire pas à avoir un mausolée en mon nom», ironise Ivan Pictet. En juin 2022, les desiderata des uns et des autres avaient fait exploser les coûts de la structure envisagée. Un redimensio­nnement s’est imposé. Des questions liées à la sécurité du portail ont longtemps occupé quelques fonctionna­ires onusiens à New York. Face à diverses difficulté­s et exigences, certains se demandaien­t même si le Portail des Nations allait voir le jour.

La Fondation espère pouvoir attirer 250000 curieux par an. Ce serait quasiment le double de la fréquentat­ion actuelle du Palais des Nations qui avoisine les 115000 visiteurs. Les visites étant payantes, sauf pour les écoles, le site sera rentable dès 230000 entrées par an. L’inaugurati­on pourrait avoir lieu en même temps que la réouvertur­e complète du Palais des Nations, en pleine rénovation (dont le coût se chiffre à 837 millions) depuis quelques années.

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