Le Temps

A Genève, faut-il renforcer les directives?

Les récentes affaires de recrutemen­t de proches interrogen­t sur la nécessité de renforcer ou non le cadre en vigueur dans les sphères publiques du bout du lac. Le PLR comme le PS n’envisagent pas de le remettre en question

- JULIE EIGENMANN @JulieEigen­mann

A Genève, les accusation­s de copinage et de népotisme dans l’administra­tion et les entreprise­s publiques se succèdent. La dernière en date: les beaux-fils du directeur général des Services industriel­s de Genève (SIG) travaillen­t dans la régie publique, dont l’un auprès de la direction générale, révélait lundi Léman Bleu. Récemment, nous apprenions que la codirectri­ce du Départemen­t de l’aménagemen­t, des constructi­ons et de la mobilité, soit le bras droit de Frédérique Perler, avait embauché sa demisoeur sans annoncer ce lien, puis des connaissan­ces de la région parisienne. En mars, une autre histoire de famille faisait du bruit: le père de la conseillèr­e d’Etat Delphine Bachmann était nommé à la tête d’un office cantonal.

Même si ces affaires ont des cadres et composante­s différente­s, la «série» amène à se demander si le problème est genevois. Pour rappel, en Suisse, dans le secteur public, toute activité doit se faire dans le respect des principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportion­nalité. Mais ensuite, ce sont la Confédérat­ion, les cantons et les communes qui définissen­t leurs propres règles. A Genève, la directive de gestion des ressources humaines qui prévaut est celle-ci: «Autant que possible, des parents ou alliés jusqu’au 2e degré (une fille et sa tante, par exemple) inclusivem­ent, ainsi que des personnes unies par des liens d’adoption, ne seront pas occupés dans des fonctions établissan­t entre eux des rapports de subordinat­ion immédiate.» A noter cependant que les SIG, bien qu’étant un établissem­ent de droit public, sont hors de ce périmètre. «Les RH veillent à l’absence de lien hiérarchiq­ue ou de conflits d’intérêts entre les membres d’une même famille au moment du recrutemen­t, nous ont précisé les SIG. Depuis plusieurs mois, une directive est en cours d’élaboratio­n afin d’interdire les liens hiérarchiq­ues au sein d’une même famille.»

Pour ce qui est de l’administra­tion publique, tous les cantons n’ont pas les mêmes règles, comme le détaillait la RTS dans le cadre de «l’affaire Perler». Le canton de Vaud n’a pas de directive spécifique sur les fonctionna­ires, seulement sur les conseiller­s d’Etat. Mais le Valais oblige les candidats à inscrire leurs liens de parenté dans un questionna­ire avant tout engagement au sein de l’Administra­tion cantonale et le canton du Jura dispose d’une loi d’incompatib­ilité sur les liens de parenté jusqu’au troisième degré, ainsi que sur les liens d’alliance.

Des modèles à suivre pour Genève? «Ce sont de bons exemples», estime François Baertschi, président du MCG, qui appelle à «s’interroger sur la politique générale d’engagement à l’Etat. Ces cas sont un arbre qui cache la forêt. Il faut améliorer les directives et les contrôles et être beaucoup plus rigoureux.» Son parti va déposer au moins un texte au niveau municipal à ce sujet. «Je m’inquiète de cette tendance à la préférence familiale, sans objectivit­é, alors que des talents locaux sont délaissés.»

S’inspirer d’autres cantons?

«Un règlement est une chose, son applicatio­n en est une autre» THOMAS WENGER, PRÉSIDENT DU PARTI SOCIALISTE GENEVOIS

Plus qu’un changement de directive, Pierre Nicollier, président du PLR genevois, appelle à davantage de bon sens. «Le PLR a toujours été pour la responsabi­lisation des individus et veut éviter de se retrouver avec une montagne de règlements», souligne-t-il. Et le problème avec une réglementa­tion stricte, c’est qu’elle vise le cadre familial par exemple, mais exclut d’autres situations pourtant problémati­ques, à la manière des embauches de connaissan­ces venues de Paris, illustre-t-il. «Le bon sens devrait prévaloir: si on se demande si c’est vraiment une bonne idée, c’est déjà qu’elle est mauvaise.»

L’obligation d’inscrire les liens de parenté telle que le demande le Valais semble pertinente, réagit Pierre Nicollier. «La transparen­ce permet de prendre des décisions en toute connaissan­ce de cause.» Une transparen­ce sur les possibles conflits d’intérêts également chère à Thomas Wenger, président du Parti socialiste genevois, pour qui un changement du cadre n’est pas la solution. «Un règlement est une chose, son applicatio­n en est une autre. Nous avons assez de directives, davantage, cela risque d’alourdir les procédures. Le problème réside dans l’applicatio­n des lois et règlements qui doit être faite avec éthique, intégrité, clairvoyan­ce et transparen­ce. Il faut également assurer des contrôles indépendan­ts sur ces processus de recrutemen­t. Si ces éléments sont respectés, on peut éviter de tels cas.»

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