A Genève, faut-il renforcer les directives?
Les récentes affaires de recrutement de proches interrogent sur la nécessité de renforcer ou non le cadre en vigueur dans les sphères publiques du bout du lac. Le PLR comme le PS n’envisagent pas de le remettre en question
A Genève, les accusations de copinage et de népotisme dans l’administration et les entreprises publiques se succèdent. La dernière en date: les beaux-fils du directeur général des Services industriels de Genève (SIG) travaillent dans la régie publique, dont l’un auprès de la direction générale, révélait lundi Léman Bleu. Récemment, nous apprenions que la codirectrice du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité, soit le bras droit de Frédérique Perler, avait embauché sa demisoeur sans annoncer ce lien, puis des connaissances de la région parisienne. En mars, une autre histoire de famille faisait du bruit: le père de la conseillère d’Etat Delphine Bachmann était nommé à la tête d’un office cantonal.
Même si ces affaires ont des cadres et composantes différentes, la «série» amène à se demander si le problème est genevois. Pour rappel, en Suisse, dans le secteur public, toute activité doit se faire dans le respect des principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité. Mais ensuite, ce sont la Confédération, les cantons et les communes qui définissent leurs propres règles. A Genève, la directive de gestion des ressources humaines qui prévaut est celle-ci: «Autant que possible, des parents ou alliés jusqu’au 2e degré (une fille et sa tante, par exemple) inclusivement, ainsi que des personnes unies par des liens d’adoption, ne seront pas occupés dans des fonctions établissant entre eux des rapports de subordination immédiate.» A noter cependant que les SIG, bien qu’étant un établissement de droit public, sont hors de ce périmètre. «Les RH veillent à l’absence de lien hiérarchique ou de conflits d’intérêts entre les membres d’une même famille au moment du recrutement, nous ont précisé les SIG. Depuis plusieurs mois, une directive est en cours d’élaboration afin d’interdire les liens hiérarchiques au sein d’une même famille.»
Pour ce qui est de l’administration publique, tous les cantons n’ont pas les mêmes règles, comme le détaillait la RTS dans le cadre de «l’affaire Perler». Le canton de Vaud n’a pas de directive spécifique sur les fonctionnaires, seulement sur les conseillers d’Etat. Mais le Valais oblige les candidats à inscrire leurs liens de parenté dans un questionnaire avant tout engagement au sein de l’Administration cantonale et le canton du Jura dispose d’une loi d’incompatibilité sur les liens de parenté jusqu’au troisième degré, ainsi que sur les liens d’alliance.
Des modèles à suivre pour Genève? «Ce sont de bons exemples», estime François Baertschi, président du MCG, qui appelle à «s’interroger sur la politique générale d’engagement à l’Etat. Ces cas sont un arbre qui cache la forêt. Il faut améliorer les directives et les contrôles et être beaucoup plus rigoureux.» Son parti va déposer au moins un texte au niveau municipal à ce sujet. «Je m’inquiète de cette tendance à la préférence familiale, sans objectivité, alors que des talents locaux sont délaissés.»
S’inspirer d’autres cantons?
«Un règlement est une chose, son application en est une autre» THOMAS WENGER, PRÉSIDENT DU PARTI SOCIALISTE GENEVOIS
Plus qu’un changement de directive, Pierre Nicollier, président du PLR genevois, appelle à davantage de bon sens. «Le PLR a toujours été pour la responsabilisation des individus et veut éviter de se retrouver avec une montagne de règlements», souligne-t-il. Et le problème avec une réglementation stricte, c’est qu’elle vise le cadre familial par exemple, mais exclut d’autres situations pourtant problématiques, à la manière des embauches de connaissances venues de Paris, illustre-t-il. «Le bon sens devrait prévaloir: si on se demande si c’est vraiment une bonne idée, c’est déjà qu’elle est mauvaise.»
L’obligation d’inscrire les liens de parenté telle que le demande le Valais semble pertinente, réagit Pierre Nicollier. «La transparence permet de prendre des décisions en toute connaissance de cause.» Une transparence sur les possibles conflits d’intérêts également chère à Thomas Wenger, président du Parti socialiste genevois, pour qui un changement du cadre n’est pas la solution. «Un règlement est une chose, son application en est une autre. Nous avons assez de directives, davantage, cela risque d’alourdir les procédures. Le problème réside dans l’application des lois et règlements qui doit être faite avec éthique, intégrité, clairvoyance et transparence. Il faut également assurer des contrôles indépendants sur ces processus de recrutement. Si ces éléments sont respectés, on peut éviter de tels cas.»
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