Le Temps

Valérie Dittli mise en difficulté par ses alliés

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

Contre l’avis de la conseillèr­e d’Etat, une commission du Grand Conseil a accepté de doubler le crédit-cadre prévu pour les améliorati­ons foncières agricoles. En plénum, la centriste combattra cette hausse pourtant défendue par ses partenaire­s de l’UDC et du PLR

XLa situation est délicate pour Valérie Dittli, chargée à la fois des Finances et de l'Agricultur­e. Contre l'avis de la conseillèr­e d'Etat vaudoise, une commission du Grand Conseil vient de décider d'augmenter le crédit-cadre des subvention­s en faveur des améliorati­ons foncières agricoles 2023-2025. Approuvant un amendement, les députés ont doublé le montant alloué et la période couverte. Ce sont ainsi 80 millions de francs qui seraient investis sur une période de quatre, et non pas de deux ans. Devant la commission, la ministre avait vainement plaidé pour le maintien d'un crédit de 40 millions, jugé «adéquat». Elle avait aussi rappelé que, s'agissant d'un investisse­ment, le crédit-cadre impacte le budget par ses amortissem­ents. Des conséquenc­es à ne pas sous-estimer au moment où le canton présente des comptes déficitair­es pour la première fois depuis 2004.

Conscient d'avoir «un peu bousculé» la planificat­ion financière du Conseil d'Etat, Alexandre Berthoud, président de la commission, tempère néanmoins. «C'est avant tout une manière de sécuriser un montant, tout en offrant une meilleure visibilité dans les dépenses, tant pour le canton que pour les bénéficiai­res de la prestation», relève le député PLR. Ce dernier met également en avant les retards pris. «Nous discutons du crédit-cadre 2023-2025, alors même que nous sommes en 2024, poursuit Alexandre Berthoud. La période couverte a déjà commencé et plus d'une vingtaine de projets sont aujourd'hui mis en attente.»

Instrument centenaire

Derrière leur dénominati­on complexe, les «subvention­s cantonales en faveur d'entreprise­s d'améliorati­on foncière agricole» sont un important instrument, centenaire, aux mains du Conseil d'Etat pour soutenir le monde paysan. S'il bénéficie en premier lieu aux agriculteu­rs pour leurs constructi­ons, le système profite également aux communes qui peuvent y faire appel, par exemple, pour l'entretien de leurs chemins ruraux ou des projets d'irrigation. A noter que le crédit-cadre 2023-2025 intègre pour la première fois la viticultur­e. Et 2,6 millions seront dévolus aux mesures structurel­les du volet agricole du Plan climat vaudois. Ces éléments ont déjà incité le gouverneme­nt vaudois à proposer une enveloppe de 40 millions, soit 10 millions de plus que pour le précédent crédit-cadre. Dans ce cas, était-ce raisonnabl­e de pousser encore ce montant à 80 millions, alors même qu'il est aujourd'hui demandé à l'Etat une meilleure efficience financière? «Il ne s'agit pas de dépenses pérennes, avec par exemple des engagement­s qui vont peser des années sur le budget, mais d'investisse­ments, même s'il faut bien sûr prendre en compte les amortissem­ents, précise celui qui fait également partie de la Commission des finances. En doublant à la fois le montant et la durée, nous voulons surtout donner de la stabilité au système.» Et l'élu du Gros-de-Vaud de conclure que cette hausse répond à «de réels besoins sur le terrain». Une partie de la commission (l'amendement a été accepté à six voix contre une et deux abstention­s) a certaineme­nt aussi voulu faire un geste envers un milieu agricole fragilisé et secoué depuis le début de l'année par un mouvement de révolte.

«En doublant à la fois le montant et la durée, nous voulons surtout donner de la stabilité au système» ALEXANDRE BERTHOUD, DÉPUTÉ PLR

«On perd une certaine agilité»

Contactée, Valérie Dittli a répondu par écrit. La conseillèr­e d'Etat dit «partager le souci de la majorité de la commission d'apporter de la stabilité et des perceptive­s au monde agricole». «Nous devons aussi garder à l'esprit que nous devons rester agiles et adapter continuell­ement les besoins financiers des améliorati­ons foncières. Celles-ci contribuen­t à un système agricole robuste, autonome et à la hauteur des enjeux, prévient-elle néanmoins. Avec ce crédit-cadre de 40 millions, nous avons mis l'accent sur des mesures pragmatiqu­es et adaptées au terrain. En allongeant la période, on perd une certaine agilité à les adapter, et cela n'amène aucune stabilité.»

Evoquant les projets en attente de financemen­t qui doivent pouvoir avancer, la ministre conclut qu'«il est primordial, pour le Conseil d'Etat, que le Grand Conseil débloque ce crédit-cadre, dans sa version initiale». En plénum, la position de la centriste promet d'être compliquée, alors qu'elle appellera à rejeter un amendement qui amène un soutien accru aux agriculteu­rs dont elle est la ministre de tutelle. Un texte qui sera avant tout défendu par ses partenaire­s de l'alliance vaudoise que sont le PLR et l'UDC. ■

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