Juan Ayuso, un Tadej Pogacar de rechange
Le Team UAE-Emirates se cherche des nouveaux chefs de file, dont l’Américain Brandon McNulty, vainqueur du contre-la-montre hier à Oron, ou l’Espagnol Juan Ayuso, qui endosse le maillot jaune
Officiellement, Tadej Pogacar est le patron unique du Team UAE-Emirates. Le vainqueur surpuissant de Liège-Bastogne-Liège dimanche lorgne le Tour de France cet été. Mais en coulisses, son équipe fait passer un casting à des doublures. Consciente qu’elle ne peut plus placer tous ses espoirs sur un (sur) homme. La violente chute de Jonas Vingegaard, qui laisse la formation Visma dans le doute, le rappelle: une grande formation doit miser sur des lieutenants de luxe, qui peuvent se transformer en leaders de rechange et, le moment venu, en héritiers.
Au Team UAE-Emirates, le casting se déroulait hier sur le contre-la-montre du Tour de Romandie autour d’Oron-la-Ville.
Entretien d’embauche réussi pour l’Américain Brandon McNulty, qui s’adjuge l’étape, et pour l’Espagnol Juan Ayuso, qui s’empare du maillot jaune.
L’écurie cycliste a garé son camion devant une écurie chevaline, la ferme Paléxus, dressée sur la route principale. Les coureurs se sont donc échauffés en contemplant les trophées équestres, exhibés sous leurs yeux, sur un bardage de bois. Des plaques en fonte par dizaines, une charrette miniature, une vache dessinée. Les coureurs se sont positionnés sur leur vélo statique, pour faire monter le corps en température. Comme un vent glacé sifflait à ses oreilles, Juan Ayuso a demandé un protège-oreille à son collègue autrichien Felix Grosschartner, qui termine troisième de l’étape.
Pas le temps de chercher un modèle tout propre et sans sueur dans le bus de l’équipe: Ayuso est un homme pressé. Quelques minutes plus tard, sa protection retirée, prêt à en découdre, l’Espagnol dévalait dans la grâce et l’allégresse les descentes du parcours, comme si la pluie n’avait pas trempé la route, comme si les virages n’existaient pas. «Je ne sais pas si j’aurais pu faire mieux sur un terrain sec», dira-t-il à l’arrivée.
«Sujet sensible»
Le numéro 2 de Tadej Pogacar, c’est donc très certainement lui, Juan Ayuso, 21 ans, un homme parfaitement posé sur son vélo de contre-la-montre et détaché de la gravité terrestre dans la montagne. Il a terminé quatrième du Tour d’Espagne en 2022, troisième l’année suivante et, surtout, il a dompté une tendinite qui a dégénéré en neuropathie et en début de dépression, jusqu’à la délivrance, voilà une année, un succès dans le contre-lamontre du Tour de Romandie. «Cet épisode m’a rendu plus fort», dit Ayuso, un refrain connu mais cependant souvent sincère. Il vise une première participation au Tour de France. Comme lieutenant de Pogacar? Ou en veut-il davantage? Le sujet est sensible depuis que le Portugais Joao Almeida, absent du Tour de Romandie, a revendiqué un statut de leader cet hiver. Ayuso répond par un autre refrain: «J’ai beaucoup de respect pour Tadej.»
Brandon McNulty, lauréat de l’étape hier sur le Tour de Romandie, parti avant l’averse froide, n’offre pas les mêmes garanties de fiabilité. L’Américain de 26 ans a cédé du temps les deux journées précédentes. «Il était un peu fatigué», précise son staff, qui lui a offert «un rôle libre». «Il n’y a pas de drame à manquer un résultat sur une journée, temporise son directeur sportif, Fabrizio Guidi. Nous sommes venus au Tour de Romandie pour essayer de gagner mais aussi pour nous préparer et pour que chacun de nos coureurs trouve sa place. Certes, nous avons plusieurs coureurs protégés, mais notre calendrier est construit de telle sorte que chacun peut avoir sa chance.» Et sur le
Tour de France? «Il faut être prudent, se tend soudain le directeur sportif. Même la sélection n’est pas définitive. On a une liste de noms… mais tout peut changer.» L’équipe garde au chaud dans son tiroir le Britannique Adam Yates, troisième de l’épreuve l’an passé et pour l’instant 17e du Tour de Romandie. Un numéro 2-bis assuré derrière Tadej Pogacar. Pour sa part, l’Argovien Jan Christen, 19 ans, devra attendre. Déchaîné dans les virages et les relances du contre-la-montre, à un souffle de se blesser contre les balustrades sur le prologue de Payerne mardi, à l’attaque vers Fribourg mercredi, il pèche par son impulsivité. Son directeur sportif veut «lui donner le temps». Et ce, même si son équipe, qui recrute tous azimuts les plus immenses talents chez les jeunes, pour les passer au tamis, et récolter ce qui restera d’or, compte beaucoup sur Christen pour les épreuves par étapes. Comme sur le Mexicain Isaac Del Toro, absent cette semaine en Suisse, un prodige du genre explosif. Samedi, les barons du Team UAE poursuivront leur test d’aptitude sur l’étape-reine entre Saillon et Leysin.
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