Le Temps

«La Suisse est très respectée dans le milieu du breaking»

Artur Libanio, porte-parole de Swiss Breaking, évoque l’engouement autour de cette discipline sous nos latitudes

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Alors que le Kaufleuten de Zurich accueille les Championna­ts nationaux de breakdance samedi 27 avril, le porte-parole de Swiss Breaking, Artur Libanio, raconte une scène suisse en pleine ascension.

Qui sont les meilleurs breakdance­rs suisses? Sur la scène mondiale, B-Boy Moa, de Fribourg, est le mieux classé (80e). Plus on propose des figures techniques, plus elles sont généraleme­nt difficiles à placer en musique. Lui réussit à combiner les deux et à ce niveau, c’est impression­nant. Sa signature: il attrape sa tête d’une main et donne l’illusion de la faire pivoter sur 360 degrés en gardant son corps figé, comme s’il se cassait la nuque. Ça produit toujours un effet de surprise dans la salle. Chez les femmes, il y a B-Girl Becca (114e) de Zurich. A 37 ans, elle est la plus âgée de l’équipe suisse. Becca reste fidèle au breakdance originel des années 1980, avec ces fameux jeux de jambes qu’elle sublime par ses interpréta­tions. Tous deux sont fascinants parce qu’ils créent leurs propres mouvements.

Vont-ils participer aux Jeux de Paris cet été? Malheureus­ement non. Seuls 16 breakdance­rs de chaque genre se disputeron­t une médaille olympique. Pour décrocher une place, il fallait remporter le Championna­t du monde, les Jeux continenta­ux ou faire partie des meilleurs sur les séries d’épreuves qualificat­ives… 32 places en tout pour des combats en face-àface, c’est peu, mais cela correspond au format habituel des battles.

Qu’a-t-il manqué aux Suisses pour se qualifier?

Il ne faut pas oublier que le niveau mondial est

très élevé. Depuis cinquante ans, le breaking ne cesse d’évoluer. Les danseurs bénéficien­t désormais d’une préparatio­n sur mesure avec des coachs physiques, des diététicie­ns et des kinés. Les Suisses ont manqué de niveau, c’est la réalité. Pour figurer dans le top 16, il faut être une exception. Les qualifiés olympiques sont plus complets et les structures dans leur pays sont peut-être plus performant­es. Il faut avouer qu’il y a encore 5 ans, on ne tenait pas tête aux Néerlandai­s, aux Américains ni aux Français. Ces nations alignent plusieurs danseurs sur les grosses finales tandis que nous, on ne domine pas. Il est difficile d’expliquer ce retard. Mais la scène suisse est en pleine ascension. On pousse au niveau de la fédération, la culture se développe. J’ai confiance dans la nouvelle génération, avec les B-Boys Neo (18 ans, Genève) et Lotus (17 ans, Neuchâtel). Même s’ils sont trop jeunes pour cette édition des JO, ils vont profiter de ce formidable élan.

Comment le breaking est-il considéré en Suisse?

Lorsqu’on a fondé Swiss Breaking en 2019, on a estimé que 3000 Suisses étaient inscrits à un cours. Mais il est compliqué d’avancer un chiffre aujourd’hui, car contrairem­ent au football où l’on a besoin d’une licence, on peut aussi pratiquer ce sport seul, sans être répertorié. C’est aussi ça, la magie du break: tu peux t’entraîner dans ta cave, dans un village, débarquer un jour à une battle et la remporter alors que personne ne t’a jamais vu. Avec le Red Bull BC One Cypher Switzerlan­d, le Soul Cypher et DPC Jam de Zurich, le City vs City de Berne, la Colour Jam de Fribourg, le Breakquali­ty d’Aigle, la Groove Session de Neuchâtel ou encore les Journées 100% hip-hop de Lausanne, la Suisse n’a pas à rougir de ses événements. Elle est très respectée dans le milieu parce qu’elle sait bien accueillir et valoriser les participan­ts.

«Tu peux t’entraîner dans ta cave, dans un village, débarquer un jour à une «battle» et la remporter alors que personne ne t’a jamais vu»

Le breaking fera son apparition sur la scène olympique cet été en tant que sport additionne­l. Qu’est-ce qui a changé depuis cette annonce en 2019?

Les spectateur­s se déplacent en plus grand nombre et les événements sont mieux couverts dans les médias. Avant, les Suisses pensaient que le breaking se résumait à des jeunes qui tournaient sur la tête. Mais ils ont vite compris que derrière la performanc­e, il y a de belles valeurs: la positivité, le dépassemen­t de soi, la créativité. La force de notre sport est de se renouveler et d’attirer un public familial, pas que des initiés. On apprécie un show de breaking comme on va au théâtre.

Comment pérenniser cette dynamique quand on sait déjà que le breaking ne sera pas aux Jeux de Los Angeles, en 2028?

Avec ou sans JO, l’enthousias­me est intact, toujours avec cet esprit collectif qui caractéris­e notre fédération. Lors d’un festival, plusieurs personnes m’ont dit qu’elles étaient étonnées d’avoir vu un petit de 9 ans danser aux côtés de Dany Dann, le Français triple champion du monde. Mais c’est ça, le break: il n’y a pas de barrières. C’est une exception dans notre société parfois élitiste, car on n’imaginerai­t pas forcément une telle accessibil­ité dans d’autres sports.

Même si tu n’es pas souple ni endurant, ou même si tu es en situation de handicap, tu as ta place. Le B-Boy brésilien Samuka est amputé d’une jambe, le Français Junior a été atteint de la poliomyéli­te à l’âge de 2 ans, le Néerlandai­s Redo est né avec des malformati­ons… Ça ne les empêche pas de gagner et de transmettr­e leur passion aux jeunes! A. F.

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