Quand Emile Zola ouvrait grand les portes de son atelier
L’auteur des «Rougon-Macquart» conservait près de 18 000 folios, manuscrits, notes d’enquêtes et dossiers préparatoires, qu’il montrait volontiers aux journalistes
Dirigée par Nathalie Ferrand, la collection «Dans l’atelier de… » propose de brefs essais qui nous font entrer dans les lieux d’un écrivain et appréhender concrètement son travail, ses intentions et ébauches, ses stratégies éditoriales. Après Rousseau et Joseph Kessel, qui seront suivis par Baudelaire, Virginia Woolf et d’autres, c’est Emile Zola qui fait l’objet d’une monographie conçue comme le portrait d’un écrivain manager de son oeuvre.
Spécialiste de Zola et du naturalisme, Olivier Lumbroso a consulté l’«archive-monde» de cette oeuvre immense, aujourd’hui numérisée. Fasciné par l’ambition, l’énergie et la générosité de l’auteur, Lumbroso parcourt les lieux – appartements et hôtels particuliers à Paris, puis propriété de Médan – dans lesquels Zola a peu à peu construit sa stature de grand écrivain. L’oeuvre en devenir est à la mesure des lieux habités: vaste, riche, offerte au regard.
Solidaire et fraternel
L’essayiste dessine les contours d’un ensemble documentaire impressionnant: près de 18 000 folios uniquement pour les trois cycles romanesques, Les Rougon-Macquart, Les Trois Villes et Les Quatre Evangiles. Ces manuscrits, dessins, notes d’enquêtes et dossiers préparatoires n’ont pas attendu le XXIe siècle pour sortir du cabinet de Zola. Le romancier faisait de ses archives un «objet médiatique»: dans sa correspondance et lors d’entretiens avec des journalistes notamment, il rendait publics certains documents servant à la fabrication des romans.
L’essai d’Olivier Lumbroso donne toute la mesure du processus créatif de Zola: il montre un travail d’atelier ouvert sur l’extérieur et promouvant les créations collectives. Il y a chez Zola une dimension solidaire et fraternelle de la littérature. Le romancier n’a jamais confiné ses papiers dans l’espace privé de son cabinet. Il ne renierait certainement pas le sort réservé aujourd’hui à ses archives: loin des gants blancs et du silence feutré des lieux de conservation, elles sont exposées au grand jour, dans des versions numériques. Leur consultation étant libre, elles s’offrent au chercheur et à l’internaute en vue d’interprétations ou de réécritures nouvelles, dans tous les arts. Claire Jaquier ■