Comment les singes réagissent-ils face à la déforestation?
Les primates sont des animaux extrêmement sociaux, on le sait. Ils passent beaucoup de temps à jouer ensemble, se chamailler, s’épouiller… Mais cette sociabilité peut changer selon l’endroit où ils se trouvent dans la forêt. Avec la déforestation, tous les espaces forestiers ne se valent pas. Les lisières qui bordent les zones exploitées sont sensiblement différentes des zones de forêts intérieures. Les arbres y sont plus petits, la végétation moins dense et la biodiversité bien plus faible. Cet effet lisière a des répercussions sur les animaux.
C’est ce qu’ont étudié pendant six ans des primatologues de l’Université de Toronto, qui ont publié leur travail dans la revue American Journal of Primatology. Leurs observations ont porté sur trois espèces de singes du Costa Rica: les singes araignées, les capucins à face blanche et les singes hurleurs. Les scientifiques ont comparé leurs comportements dans les zones de forêt préservées et dans les lisières des zones exploitées.
Les singes araignées sont de vrais acrobates qui ont l’habitude de voltiger d’arbre en arbre dans la canopée et de se gaver de fruits juteux provenant d’arbres matures. En lisière, leurs habitudes sont mises à mal: peu de grands arbres pour se déplacer de branche en branche et moins de bons fruits. Dans ce contexte, les scientifiques ont observé que les singes araignées avaient peu d’interactions sociales par rapport aux singes de la forêt préservée. Cette baisse d’activité leur permettrait d’économiser leur énergie.
Les singes capucins, eux, présentaient moins de difficultés à se nourrir, car leur régime est assez flexible pour s’adapter à d’autres ressources. En revanche, les scientifiques ont observé la diminution de leurs vocalisations et de leurs comportements agressifs. Comme s’il s’agissait, pour ces singes de petite taille, de se faire discrets dans un habitat où ils sont plus vulnérables aux prédateurs.
Les primatologues n’ont pas observé de changement dans les comportements sociaux des singes hurleurs. Mais, cette stabilité relèvet-elle d’une absence de nécessité ou d’une incapacité à changer? Des études antérieures avaient en effet déjà pointé les difficultés de ces singes à s’adapter à de nouveaux contextes. D’autres études sont nécessaires, car la situation de ces primates en zones altérées par l’activité humaine pourrait s’avérer préoccupante.
Pour les primatologues, ces études sont capitales. Observer et comprendre l’évolution du comportement des singes face aux changements qui leur sont imposés est la seule manière de parvenir à mieux les protéger. ■