Le Temps

Un 1er Mai qui rappelle le poids des extrêmes droites

La Fête du travail est aussi celle de Jeanne d’Arc, l’occasion depuis longtemps de suivre les évolutions d’un camp devenu très puissant

- PAUL ACKERMANN, PARIS X @paulac

«Pas d’abstention et pas de dispersion», lançait Marine Le Pen hier à Perpignan. Pour l’éternelle candidate du Rassemblem­ent national (RN) à l’élection présidenti­elle, l’ampleur du vote anti-Macron aux élections européenne­s de juin sera mesurée à l’aune de l’ampleur de l’avance de son parti sur le camp au pouvoir. C’est même un de ses principaux arguments électoraux. Car une des dernières craintes de son camp est que le vote de droite dure puisse se reporter vers d’autres listes. Son avance dans les sondages et sa victoire qui semble désormais inévitable pourraient provoquer une certaine démobilisa­tion.

Ce 1er Mai était effectivem­ent marqué par des actions des deux principale­s forces de l’extrême droite française. D’un côté, pour le RN, le grand meeting de Jordan Bardella, président du parti et tête de liste aux européenne­s, et de Marine Le Pen au palais des Congrès de Perpignan. De l’autre, la présence de Marion Maréchal à Domrémy-la-Pucelle (Vosges) pour honorer la native des lieux, Jeanne d’Arc.

Marqueurs les plus clivants

En tête de la liste zemmourist­e (Reconquête) aux élections européenne­s, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen et nièce de Marine, plus conservatr­ice que sa tante, perpétuait ainsi la tradition du patriarche qui célébrait chaque année Jeanne d’Arc le 1er mai. On se souvient du «Jeanne au secours!» lancé par Jean-Marie Le Pen, le 1er mai 2015, peu avant son exclusion du parti qu’il avait créé, le Front national (FN), à la suite de nouveaux débordemen­ts négationni­stes, incompatib­les avec la stratégie de dédiabolis­ation de Marine Le Pen. Il avait même créé par la suite les Comités Jeanne pour continuer de peser.

Depuis, le FN a changé de nom et le RN est passé de la dédiabolis­ation à la normalisat­ion, voire, ces derniers temps, à la banalisati­on en faisant tout pour échapper aux polémiques. Une retenue qui permet à Eric Zemmour de récupérer les marqueurs les plus clivants de l’extrême droite. Ce dernier est plus offensif que Marion Maréchal dans ses critiques contre la ligne de Jordan Bardella et Marine Le Pen. Car Reconquête n’est pas seulement plus conservate­ur que le RN. Il est aussi plus radical encore dans son discours civilisati­onnel sur l’immigratio­n et l’islam. Et, par ailleurs, plus libéral économique­ment par rapport à une Marine Le Pen qui n’a eu de cesse de marteler hier que son parti voulait une «Europe sociale» et un nationalis­me qui défende les plus pauvres des travailleu­rs.

Eric Zemmour célébrait quant à lui le 1er Mai de son parti dans les Bouches-du-Rhône, entre Avignon et Marseille, à Eyguières. Cette agitation est évidemment à placer dans le contexte de la campagne en vue des élections européenne­s de juin, dont les sondages placent le RN à un niveau record au-dessus des 30% d’intentions de vote et Reconquête autour des 6%. Ce scrutin est d’ailleurs historique­ment favorable à l’extrême droite en France de par son mode proportion­nel et ses thématique­s tournant volontiers autour de la souveraine­té et de l’immigratio­n.

Jordan Bardella a donc lui aussi enfoncé le clou à Perpignan: «Je voudrais dire aux électeurs d’Eric Zemmour […] que c’est nous qui rassemblon­s», a-t-il lancé à la tribune. «Vous avez le devoir de choisir ceux qui peuvent gagner […] choisissez ceux qui peuvent agir.» Mais le président du RN a tout de même lui aussi fait un long clin d’oeil sentimenta­l à Jeanne d’Arc, cette «humble fille de France qui s’est levée contre la fatalité». Selon lui, elle symbolise quelque chose qui le concerne lui aussi: «Le miracle français viendra du peuple». ■

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