Un 1er Mai qui rappelle le poids des extrêmes droites
La Fête du travail est aussi celle de Jeanne d’Arc, l’occasion depuis longtemps de suivre les évolutions d’un camp devenu très puissant
«Pas d’abstention et pas de dispersion», lançait Marine Le Pen hier à Perpignan. Pour l’éternelle candidate du Rassemblement national (RN) à l’élection présidentielle, l’ampleur du vote anti-Macron aux élections européennes de juin sera mesurée à l’aune de l’ampleur de l’avance de son parti sur le camp au pouvoir. C’est même un de ses principaux arguments électoraux. Car une des dernières craintes de son camp est que le vote de droite dure puisse se reporter vers d’autres listes. Son avance dans les sondages et sa victoire qui semble désormais inévitable pourraient provoquer une certaine démobilisation.
Ce 1er Mai était effectivement marqué par des actions des deux principales forces de l’extrême droite française. D’un côté, pour le RN, le grand meeting de Jordan Bardella, président du parti et tête de liste aux européennes, et de Marine Le Pen au palais des Congrès de Perpignan. De l’autre, la présence de Marion Maréchal à Domrémy-la-Pucelle (Vosges) pour honorer la native des lieux, Jeanne d’Arc.
Marqueurs les plus clivants
En tête de la liste zemmouriste (Reconquête) aux élections européennes, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen et nièce de Marine, plus conservatrice que sa tante, perpétuait ainsi la tradition du patriarche qui célébrait chaque année Jeanne d’Arc le 1er mai. On se souvient du «Jeanne au secours!» lancé par Jean-Marie Le Pen, le 1er mai 2015, peu avant son exclusion du parti qu’il avait créé, le Front national (FN), à la suite de nouveaux débordements négationnistes, incompatibles avec la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen. Il avait même créé par la suite les Comités Jeanne pour continuer de peser.
Depuis, le FN a changé de nom et le RN est passé de la dédiabolisation à la normalisation, voire, ces derniers temps, à la banalisation en faisant tout pour échapper aux polémiques. Une retenue qui permet à Eric Zemmour de récupérer les marqueurs les plus clivants de l’extrême droite. Ce dernier est plus offensif que Marion Maréchal dans ses critiques contre la ligne de Jordan Bardella et Marine Le Pen. Car Reconquête n’est pas seulement plus conservateur que le RN. Il est aussi plus radical encore dans son discours civilisationnel sur l’immigration et l’islam. Et, par ailleurs, plus libéral économiquement par rapport à une Marine Le Pen qui n’a eu de cesse de marteler hier que son parti voulait une «Europe sociale» et un nationalisme qui défende les plus pauvres des travailleurs.
Eric Zemmour célébrait quant à lui le 1er Mai de son parti dans les Bouches-du-Rhône, entre Avignon et Marseille, à Eyguières. Cette agitation est évidemment à placer dans le contexte de la campagne en vue des élections européennes de juin, dont les sondages placent le RN à un niveau record au-dessus des 30% d’intentions de vote et Reconquête autour des 6%. Ce scrutin est d’ailleurs historiquement favorable à l’extrême droite en France de par son mode proportionnel et ses thématiques tournant volontiers autour de la souveraineté et de l’immigration.
Jordan Bardella a donc lui aussi enfoncé le clou à Perpignan: «Je voudrais dire aux électeurs d’Eric Zemmour […] que c’est nous qui rassemblons», a-t-il lancé à la tribune. «Vous avez le devoir de choisir ceux qui peuvent gagner […] choisissez ceux qui peuvent agir.» Mais le président du RN a tout de même lui aussi fait un long clin d’oeil sentimental à Jeanne d’Arc, cette «humble fille de France qui s’est levée contre la fatalité». Selon lui, elle symbolise quelque chose qui le concerne lui aussi: «Le miracle français viendra du peuple». ■