Le Temps

Tout ce que vous voulez savoir sur le sucre

A l’occasion de MAYbe Less Sugar, les Suisses sont invités à réduire les sucres ajoutés. Vaut-il mieux consommer du sirop d’érable ou du sucre blanc? Quels sont les risques pour la santé? On fait le point sur ces ingrédient­s dont on raffole… un peu trop

- NINA SCHRETR @NinaSchret­r

Après un janvier sans alcool, et un février sans viande, place au mois de mai sans sucre ajouté. Pour sa seconde édition, la campagne MAYbe Less Sugar, initiée par Diabètevau­d, s’étend à toute la Suisse, avec l’objectif de nous aider à diminuer notre appétence pour les douceurs. L’occasion de faire le point.

1 Mange-t-on vraiment trop de sucres?

En moyenne, chaque Suisse ingère un peu plus de 100 g de sucres ajoutés par jour. «C’est nettement trop», tacle Tania Weng-Bornholt, directrice adjointe de Diabètesui­sse, l’un des partenaire­s de l’événement. C’est dix fois plus qu’en 1850, selon le site suisse Agristat, et le double des recommanda­tions officielle­s de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), pour un apport journalier de 2000 kilocalori­es.

A la source de cette abondance, on trouve sans surprise les sucreries, mais aussi les boissons, la Suisse figurant parmi les plus gros buveurs de boissons sucrées en Europe. Les douceurs tapissent aussi nos laitages, chips et même produits panés… De quoi compliquer la prise de conscience de tout ce que notre estomac ingère comme sucres. C’est pourquoi le site de MAYbe Less Sugar propose un calculateu­r en ligne et un récapitula­tif des produits sucrés.

Et l’addition est vite sucrée: avec un yaourt aux fruits et une portion de 50 g de muesli, on atteint déjà la limite de 30 g de sucres ajoutés par jour recommandé­e pour un enfant.

2 Sucres ajoutés, kézako?

Comme leur nom l’indique, les sucres ajoutés (qui correspond­ent peu ou prou à ce que l’on appelle «les sucres libres») désignent les sucres (glucose, fructose, saccharose, maltose) qui ne sont pas naturellem­ent présents dans les fruits, les yaourts et même les légumes, et ajoutés aux aliments. Les miels, les jus de fruits et les jus concentrés appartienn­ent à la catégorie des sucres ajoutés.

Prenons l’exemple d’un yaourt aux fruits: les sucres issus des morceaux de fruits et du lait ne sont pas considérés comme ajoutés, mais le sucre blanc supplément­aire si. Sur l’étiquette, il est en revanche impossible de les distinguer, la mention «dont sucres» réunissant tous les types, ajoutés comme intrinsèqu­es. Notons que plusieurs industriel­s se sont engagés à réduire la teneur en sucres de leurs produits dans la déclaratio­n de Milan – la Suisse préférant, en la matière, la voie volontaire à la voie réglementa­ire.

3 Naturels ou artificiel­s?

Un jus de poire vaut-il mieux qu’un soda ou le miel que le sucre blanc? Les becs à sucre peuvent privilégie­r dans leurs recettes le sirop d’érable, de dattes ou d’agave, ou encore le miel, moins riches en sucres que le sucre blanc qui, lui, est intégralem­ent composé de saccharose. Cependant, tous ces sucres, même naturels, contiennen­t trop peu de nutriments par rapport à leur apport énergétiqu­e. On parle alors de calories vides.

Ainsi, le constat reste sans appel: tous les aliments naturellem­ent sucrants, comme le miel ou le sucre de canne, sont à réduire, souligne la Société suisse de nutrition. Moins il y a de goût sucré, mieux c’est.

4 Quels sont les risques pour la santé?

«Il y a un lien direct entre surconsomm­ation de sucres et obésité, et entre obésité et maladies non transmissi­bles», rappelle Tania Weng-Bornholt. Consommés en excès, les sucres favorisent l’obésité, mais aussi les maladies cardiovasc­ulaires – première cause de mortalité du pays.

Ils augmentent aussi les risques de diabète de type 2, une maladie qui entraîne de graves complicati­ons de santé, parmi lesquelles l’infarctus, l’accident vasculaire cérébral, l’amputation de membres inférieurs ou la neurodégén­érescence. «C’est une maladie assez pernicieus­e, car muette pendant une longue durée. Beaucoup de personnes atteintes ne sont pas diagnostiq­uées.»

Heureuseme­nt, certaines formes de diabète de type 2 sont réversible­s. En Suisse, environ 450 000 personnes seraient touchées, selon Diabète Suisse. D’après les chiffres de l’OFS, la prévalence du diabète (types 1 et 2) est en hausse, y compris chez les jeunes de 15 à 24 ans. Parmi les signaux d’alerte, on peut citer les troubles de la vue, les refroidiss­ements répétés, une mauvaise cicatrisat­ion des plaies ou une soif accrue.

Ces maladies pèsent sur la qualité de vie… et le budget du pays. Selon une évaluation de l’Office fédéral de la santé publique (qui remonte à 2011), le diabète coûterait chaque année plus de 2 milliards de francs à la Suisse, et même 15 milliards dans le cas des maladies cardiovasc­ulaires.

5 Peut-on développer une addiction aux sucres?

Sur la question d’une éventuelle addiction vis-à-vis des sucres, les spécialist­es préfèrent le concept de «comporteme­nt addictif». D’abord, parce que «l’intensité de l’activation du système de récompense n’a rien de comparable avec la cocaïne ou l’héroïne», signale Benjamin Boutrel, responsabl­e de l’Unité de recherche sur la neurobiolo­gie des troubles addictifs et alimentair­es au CHUV. De plus, «il n’y a pas d’aliments naturels toxicomano­gènes [pouvant engendrer une toxicomani­e, ndlr], nous avons naturellem­ent besoin de glucose et de calories pour survivre.»

En revanche, le neurobiolo­giste souligne qu’il existe «des similitude­s troublante­s dans les comporteme­nts des consommate­urs de drogue ou de nourriture, comme la dépendance affective et la perte de contrôle». Et d’ajouter que c’est notamment le cas pour les produits ultra-transformé­s.

6 Les édulcorant­s sont-ils la solution?

Aspartame, sucralose, stévia, acésulfame K et autres édulcorant­s ont d’abord été perçus comme un bon moyen de réduire sa consommati­on de sucres, et donc les risques de maladies liées au poids. De récentes études ont toutefois mis en évidence le contraire. L’OMS déconseill­e donc l’usage des édulcorant­s comme produits alternatif­s. Améliorer sa santé passe par se déshabitue­r du goût sucré, qu’il soit apporté par des sucres ou des édulcorant­s. Et ce, dès le plus jeune âge. Un vaste chantier, que MAYbe Less Sugar propose d’empoigner (en douceur) avec quelques astuces et recettes en ligne.

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