Thyssenkrupp, symbole des maux de l’industrie allemande
RACHAT Les restructurations et la vente de 20% de la section acier à un milliardaire tchèque suscitent les inquiétudes au sein du plus grand groupe métallurgique du pays
La colère règne chez les salariés de Thyssenkrupp. Mardi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Duisbourg, siège historique du plus grand groupe métallurgique allemand, contre un projet de rachat d'une partie de l'activité acier par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Le patron de la holding EPCG pourrait reprendre 20% de Thyssenkrupp Steel, pour éventuellement passer à 50% à moyen terme.
A l'origine, ce 30 avril, les salariés avaient été invités par la direction de Thyssenkrupp à une réunion du personnel, au stade de football de la ville, pour évoquer la situation générale de leur entreprise. Cette dernière a toutefois été annulée par les syndicats après l'annonce vendredi dernier de l'accord avec Daniel Kretinsky. Les représentants des salariés dénoncent un manque de transparence sur les conditions de cette transaction et l'absence d'informations. Dans la foule, ce mardi, les représentants du syndicat IG Metall et du comité d'entreprise parlaient d'une «déclaration de guerre», accusaient la direction de «passer outre le principe de cogestion» et exigeaient des «garanties d'emploi» et le «maintien des sites».
Perte et soutiens publics
Evoqué depuis des mois par la direction, ce deal avec Daniel Kretinsky est présenté comme une réponse à une situation économique tendue pour Thyssenkrupp. L'an dernier, l'entreprise a annoncé une perte nette d'environ deux milliards d'euros (1,97 milliard de francs) pour l'exercice 2022-2023. En mars, son président Miguel Lopez confirmait vouloir réduire les capacités de production de 22% afin de répondre à la baisse de la demande – elle-même liée en partie à la guerre en Ukraine – et à la concurrence asiatique, notamment chinoise.
A cela s'ajoutent les coûts élevés de l'énergie en Allemagne et la transformation de l'industrie automobile, principal client de Thyssenkrupp. Dans les annonces faites en mars, il était alors
La direction justifie aussi ces restructurations pour assurer son passage à la neutralité carbone, annoncé pour 2045
question de la fermeture d'au moins un haut-fourneau et de deux laminoirs avec des conséquences encore non chiffrées sur l'emploi. Thyssenkrupp emploie actuellement 27 000 personnes à travers le monde, dont 13 000 à Duisbourg. Pour la direction, «les mesures prévues sont absolument nécessaires au maintien de la compétitivité, afin de conduire la production d'acier sur le site de Duisbourg vers un avenir assuré», tentait-elle de rassurer dans un communiqué.
La direction justifie aussi ces restructurations pour assurer son passage à la neutralité carbone, annoncé pour 2045. Pour y parvenir, et comme ses concurrents allemands Salzgitter, Saarstahl et Dillinger, Thyssenkrupp s'est vu accorder l'été dernier une subvention de 2 milliards d'euros de la part des autorités nationales et régionales. Un passage vers la neutralité carbone indispensable mais dont les salariés, hier, disaient ne pas vouloir être victimes.
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