Le Temps

Toujours invaincu, Leverkusen a créé le «Xabi Time»

Le Bayer Leverkusen joue ce soir à Rome son 47e match de la saison en demi-finale aller de l’Europa League. Il n’a perdu aucun des 46 précédents, forçant 16 fois la décision dans les dernières minutes ou le temps additionne­l. Un phénomène inexpliqué

- L. F.

Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze et où les Allemands du Bayer Leverkusen gagnent à la fin du temps additionne­l. La célèbre formule de l’ancien avant-centre de l’équipe d’Angleterre Gary Lineker bénéficie d’une petite mise à jour depuis que le nouveau champion d’Allemagne, dirigé sur la touche par l’Espagnol Xabi Alonso et sur le terrain par Granit Xhaka, n’en finit pas de prolonger une série d’invincibil­ité record en marquant souvent dans les arrêts de jeu.

Samedi dernier, contre Stuttgart, Robert Andrich a égalisé à la 96e minute (2-2). Six jours plus tôt à Dortmund, Josip Stanisic avait marqué à la 97e (1-1). Le 18 avril à Londres, Jeremie Frimpong égalisait à la 90e minute contre WestHam (1-1). Au total, Leverkusen a inscrit 16 buts cette saison durant ou après la 90e minute, dont 13 buts dans le temps additionne­l. Dix buts ont permis d’arracher le match nul ou la victoire. Sans eux, le Bayer aurait déjà connu la défaite cinq fois cette saison et aurait été éliminé en huitième de finale de l’Europa League par Qarabag. Les Azéris auraient gagné la double confrontat­ion sur le score cumulé de 4-2 si les matchs s’étaient arrêtés à la 90e minute. Ils ont au final perdu 4-5.

Le «Fergie Time», un mythe

Beaucoup font le parallèle avec le «Fergie Time», ces fins de match où le Manchester United d’Alex Ferguson forçait son destin et arrachait la victoire. Le «Fergie Time» est un phénomène étudié et documenté en Angleterre. Si la manifestat­ion la plus célèbre de cette capacité est la finale de la Ligue des champions 1999, remportée 2-1 contre le Bayern Munich grâce à des buts de Sheringham et Sölskjaer aux 91e et 93e minutes, le terme est apparu en 1998 dans les journaux britanniqu­es, qui datent son acte de naissance au 10 avril 1993, lorsque Steve Bruce marqua (tardivemen­t) pour United contre Sheffield Wednesday deux buts qui ouvraient la voie au premier sacre des Red Devils depuis 1967.

Sauf qu’il n’y a jamais eu de «Fergie Time». Du doublé de Steve Bruce en 1993 au départ de Sir Alex d’Old Trafford en 2013, Manchester United a inscrit 81 de ses 1627 buts dans les arrêts de jeu, soit 4,98%. La statistiqu­e est montée à 6,78% depuis la retraite de Ferguson. On pourrait dire que le «Fergie Time» a survécu à Fergie, mais sur la période 1993-2013, trois équipes ont marqué plus de buts vainqueurs dans le temps additionne­l que Manchester United: Liverpool (24), Arsenal (19), Chelsea (18), et une autant: Everton (16).

Le «Xabi Time», lui, existe bel et bien: son Bayer a inscrit 16 de ses 127 buts pendant ou après la 90e minute, soit 12,5%, bien plus que les 4,98% d’Alex Ferguson. Certains ont avancé une meilleure condition athlétique, voire une stratégie délibérée de mettre la pression lorsque l’adversaire est fatigué, mais Xabi Alonso luimême avoue son incompréhe­nsion. «Cela défie toute logique. C’est difficile à expliquer, je n’arrive pas à croire que nous l’avons encore fait», a confié le technicien espagnol dimanche à Sky Sport.

Conditionn­ement général

Il n’y a pas de recette, mais y croire est le premier pas vers la réalisatio­n de ce miracle renouvelé

Il est évident que cette série d’invincibil­ité et de buts tardifs enclenche un cercle vertueux. Le Servette FC, qui vient d’enchaîner quatre revers consécutif­s après 16 matchs sans défaite, peut en témoigner. Ne rien céder, refuser de perdre, même une seule fois, c’est s’épargner le risque de s’effondrer tout d’un coup et de perdre beaucoup. Menés au score, les joueurs de Leverkusen ne se découragen­t pas, le public continue de les pousser, tandis que l’adversaire est moins serein qu’il pourrait l’être car lui aussi joue avec cet historique en tête. Il n’y a pas de recette, mais y croire est le premier pas vers la réalisatio­n de ce miracle renouvelé.

Statistiqu­ement, plus une série s’étire et plus elle se rapproche de son terme. Les fins de rencontre miraculeus­es ont tendance à se multiplier pour le Bayer (six lors des 12 derniers matchs). Le refus de la défaite, certes, mais d’une défaite qui se fait toujours plus menaçante. «Ton bras est invaincu mais non point invincible», prévient Rodrigue dans Le Cid.

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