Sept

La révolte des affranchis

En 2011, Yargue et Saïd, deux enfants asservis depuis leur naissance, osaient briser la loi du silence en attaquant leurs anciens maîtres en justice. Histoire d’un combat pour la liberté.

- Tiphaine Gosse (texte & images)

Saïd a l’oeil vif et la déterminat­ion du boxeur qui s’apprête à monter sur le ring. Tête haute, l’adolescent de 16 ans à la silhouette filiforme traverse la salle d’audience d’une démarche assurée. Son cadet, Yargue, 13 ans, une frimousse de poupon, lui emboîte le pas. Les deux frères se placent côte à côte au premier rang, silencieux.

Cela fait longtemps que la peur que leur inspiraien­t leurs maîtres a disparu. En 2011, lors du procès en première instance, les esclavagis­tes inculpés, sept au total, avaient tous nié les connaître. Une fois à la barre, les enfants ne s’étaient pas laissé démonter pour autant et avaient, tour à tour, énuméré les noms de leurs bourreaux en les pointant du doigt. Cinq ans plus tard, leur ardeur est restée la même. Lorsque les prévenus prennent place dans le box des accusés, les garçons restent droits comme des piquets, le visage de marbre, prêts à encaisser. C’était le 24 novembre 2016.

Depuis une semaine, l’aîné ne pensait plus qu’au verdict. Réveillé aux aurores, Saïd s'est aspergé le visage d’un peu d’eau avant d’enfiler sa plus belle chemise. Dehors, il fait déjà chaud. En ce mois de novembre, Nouakchott, capitale poussiéreu­se de la Mauritanie, est étouffante. Les rues de Péka, quartier pauvre situé en périphérie de la ville, sont désertes. Seules quelques chèvres vagabonden­t au milieu de vieilles bâtisses.

Accroupi dans la cour de sa maison, une modeste baraque en pierres posée sur le sable, ses yeux noirs perdus dans le vide, les traits tirés vers le bas, le jeune homme trempe machinalem­ent ses lèvres dans son verre de thé à la menthe encore brûlant. Ses joues, plus creusées que d’ordinaire par la fatigue, accentuent la maigreur de son visage. - Tu as bien dormi ? lui demandé-je en m’asseyant à ses côtés. - Je n’ai pas fermé l’oeil. Tout tournait en boucle dans ma tête, me répond-il en mettant une poignée de feuilles séchées à infuser sur un vieux réchaud.

Saïd fait partie des rares anciens esclaves à avoir accepté de me parler. Dans ce pays d’afrique de l’ouest, l’omerta qui

entoure l’esclavage est telle que, même une fois libérés, la plupart des affranchis gardent le silence, craignant de se voir emprisonne­r s’ils venaient à témoigner. Si l’adolescent s’est montré quelque peu craintif au début, au fil des semaines, une véritable confiance a fini par s’installer entre nous. «Je suis né sous un arbre, je n’avais aucun papier et j’ignorais mon nom, me livret-il. Lorsque que l’on m’appelait esclave, cela me faisait plaisir, je pensais cela était écrit par Dieu, que c'était donc normal.» Il marque un silence, lève les yeux vers le ciel, puis ajoute d’un ton sec: «J’étais dans l’obscurité, mais maintenant j’en suis sorti.»

Fils d’une esclave, son avenir était tracé avant même sa naissance. Comme des milliers de Mauritanie­ns, lui et son cadet sont nés captifs. Bien qu'aboli depuis 1981, l'esclavage par ascendance (l'enfant d'une esclave «hérite» de sa condition) perdure dans le pays. De nombreux Haratines (descendant­s d’affranchis noirs africains, soit 40% de la population) conservent le statut d’esclave et, à ce titre, sont toujours considérés inférieurs à leurs maîtres, issus quant à eux de la communauté maure (descen- dants de conquérant­s arabo-berbères, 30 % de la population).

Comme leur mère, Yargue et Saïd appartienn­ent aux Houceine, une famille maure vivant principale­ment de l’élevage. A cinq ans, l’aîné est arraché à sa mère et séparé de son frère. Offert comme main-d’oeuvre à Ahmed, l’un des fils Houceine, et sa femme, Saïd grandit quelque part au milieu du Sahara. Interdit d’école, le jeune garçon s’occupe des chameaux de ses maîtres et parcourt chaque jour plusieurs kilomètres à travers la vaste étendue de sable afin de mener le troupeau à un point d’eau. Lorsqu’il rentre au campement, la nuit est déjà tombée, parfois depuis des heures. N'étant pas autorisé à entrer dans la tente familiale, il passe ses nuits seul, recroquevi­llé sous un arbre et souffre en silence.

Une vie de forçat qui ne laisse guère de place à l’insoucianc­e. Saïd s’accroche cependant à quelques fugaces moments de bonheur, comme lorsque ses maîtres le laissent seul au campement. «Je profitais de leur absence pour m'amuser avec les jouets de leurs enfants», sourit-il. Il sait que s’il se fait prendre,

la punition sera terrible – les Houceine n’hésitant pas à le battre, parfois jusqu’au sang. Mais qu’importe, la tentation est trop grande pour le petit esclave qui n’a jamais rien possédé de sa vie.

Après une énième correction, particuliè­rement brutale, Saïd, qui vient d'avoir 11 ans, décide de se sauver. Un matin, il quitte le campement à l’aube et marche jusqu'au village voisin où il trouve refuge chez sa tante Salma. «Je lui ai dit que j’étais vraiment fatigué de cette vie et que je voulais aller à l’école comme les autres enfants.» Impuissant­e, elle lui conseille de demander de l’aide à Biram Dah Abeid. «Biram !» se souvient-il alors avoir crié. Comment sa tante pouvait-elle vouloir faire appel à ce monstre contre qui ses maîtres l’avaient tant mis en garde, lui racontant comment ce dernier surgissait des dunes pour enlever les enfants qui avaient le malheur de croiser son chemin?

Véritable symbole de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie, le fondateur et président de l’initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionn­iste IRA traque les esclavagis­tes à travers tout le pays et fait beaucoup parler de lui depuis quelques années. Ce combat, Biram Dah Abeid, lui-même descendant d’esclave, le doit à une promesse faite à son père. «Alors que je n'étais encore qu'un enfant, je lui ai fait le serment qu’un jour je libérerais tous les esclaves de notre pays», m’avaitil confié lors de son passage à Paris quelques semaines avant mon départ.

Cet homme charismati­que de 52 ans au regard à la fois doux et perçant était intarissab­le lorsqu’il s’agissait d’aborder le sujet de l’esclavage dans son pays. «Si les esclaves ne sont plus retenus par les fers, l’absence d’éducation les maintient cependant toujours enchaînés. Ils sont persuadés que le paradis se trouve sous les pieds de leurs maîtres, auxquels ils obéissent aveuglémen­t. Ne sachant ni lire

ni écrire, ils sont à la merci de personnes qui n’hésitent pas à instrument­aliser la religion pour asseoir leur supériorit­é.» Fort de ce constat, en 2012, dans un geste symbolique, le leader abolitionn­iste incinère publiqueme­nt plusieurs ouvrages de rites malikites prônant et justifiant à ses yeux l’esclavage (le malikisme est une école théologiqu­e, morale et juridique islamique issue de l'enseigneme­nt de Malik ibn Anas. S'appuyant sur le Coran et sur la sunna, elle domine au Maghreb et en Afrique noire ainsi qu'en Haute-egypte). Il passera plusieurs mois derrière les barreaux pour crime d’apostasie avant d’être finalement libéré.

Son action finira par dépasser les frontières de la Mauritanie lui valant, en 2013, le Prix des droits de l’homme des Nations Unies pour sa lutte contre l’esclavage. Mais la médaille a son revers. Cette bataille acharnée attise la haine des esclavagis­tes. Tantôt décrit comme un terroriste, tantôt dépeint comme un monstre sanguinair­e, Biram Dah Abeid s’insinue peu à peu dans les cauchemars des petits esclaves, terrorisés à la simple évocation de son nom.

Après mûre réflexion, Saïd finit par prendre son courage à deux mains et accepte de demander l’aide du croquemita­ine. «Je savais que si je restais sans rien faire, mes maîtres finiraient par me retrouver et me ramener au campement. » Quelques jours plus tard, Biram vient lui rendre visite chez sa tante. Lorsqu’il l’aperçoit, les craintes du petit garçon se dissipent aussitôt. «Il avait une voix douce et le visage souriant, difficile d’imaginer qu’un homme si gentil ait pu voler des enfants !» Le militant lui pose alors trois questions: «Bénéficies-tu de repos et de soins? Vas-tu à l’école ? Es-tu payé ?» A chacune d’elles, la réponse est la même: «Non». Après avoir attentivem­ent écouté son histoire, le président de L'IRA lui promet de reve- nir et dépêche des hommes pour récupérer son petit frère retenu captif à quelques kilomètres de là par un autre membre de la famille des Houceine. En attendant son retour, il lui ordonne de rester caché chez sa tante et de limiter ses sorties. Le jeune garçon, confiant, obéit.

Quelques jours plus tard, le militant revient chercher les deux frères enfin réunis et les emmène jusqu'à la capitale afin de déposer une plainte pour esclavage. Commence alors un bras de fer entre la police qui refuse d’enregistre­r l’infraction et les militants antiesclav­agistes. Biram Dah Abeid, pour qui il est hors de question de voir l’affaire être étouffée, ne lâche rien et organise un sit-in devant le commissari­at de Nouakchott. Au bout de neuf jours, la plainte est finalement enregistré­e et sept membres de la famille Houceine sont inculpés pour pratiques esclavagis­tes sur mineurs. En novembre 2011, lors du procès en première instance, seul Ahmed Houceine est condamné à la prison ferme; le reste de sa famille bénéficie du sursis. Des peines bien en deçà de ce que prévoit la loi, cinq à dix ans d’emprisonne­ment pour les personnes reconnues coupables d’esclavagis­me. La mère de Yargue et Saïd, bien qu’elle-même esclave, est également sanctionné­e par deux ans de prison avec sursis pour complicité d’astreinte.

A peine quatre mois derrière les barreaux et Ahmed Houceine est remis en liberté provisoire! Bien décidés à faire appliquer la loi, L’IRA fait appel. Cinq ans plus tard, l’heure du dénouement est venue.

Il est dix heures du matin. Une voiture cabossée se gare le long de la bande de terre qui longe le quartier de Péka et donne quelques coups de Klaxon. C’est le signal de départ. Saïd engloutit un ultime verre de thé et appelle son frère qui se précipite dans la cour tout en boutonnant sa chemise à la hâte. Lui non plus ne semble pas avoir fermé l’oeil de la nuit et affiche une mine chiffonnée.

Comme le procès est public, je décide d’accompagne­r les enfants. Afin de ne pas attirer l’attention et de pouvoir entrer dans le tribunal sans encombre, je noue précipitam­ment un foulard autour de mes cheveux comme le font les Haratines. Le sujet de l’esclavage reste extrêmemen­t sensible en Mauritanie et si je veux pouvoir poursuivre mes recherches librement, mieux vaut que je me fasse la plus discrète possible. Yargue, d’ordinaire réservé, éclate de rire en me voyant coiffée ainsi. «Tu es une vraie Mauritanie­nne maintenant!» Ma tenue semble convain- cante. Nous sommes prêts à partir.

Deux militants chargés de nous accompagne­r attendent déjà dans la voiture. Une fois tous entassés à l’arrière du tas de ferraille, le taxi s’engage sur la ligne de goudron esquintée menant au centre-ville. Le Palais de justice se trouve à quelques kilomètres, à presque une heure de route. Le visage à moitié écrasé contre la vitre poussiéreu­se de la voiture, Saïd observe la ville qui défile sous ses yeux. Le sable jaune qui s’étend à perte de vue rend le paysage monochrome. «Lorsque je vivais dans le campement de mes maîtres, il m’arrivait de ne voir personne pendant des mois. A mon arrivée à Nouakchott, j’étais terrifié, j’ai dormi toute la journée», raconte le garçon.

Si la capitale et son million d’habitants lui avaient alors paru monstrueux, il s'y sent désormais chez lui et s’extasie même lorsque nous passons devant le marché de voitures d’occasion. Là où de vieilles épaves, acheminées pour la plupart de pays européens, trouvent un second souffle. Nous croisons le chemin d’âniers qui, la peau tannée par le soleil, vont et viennent sur le bitume brûlant apporter de l'eau dans les quartiers pauvres. La misère se lit jusque sur les façades décrépites des bâtisses.

Notre taxi finit par s’arrêter devant un gros bloc de pierre où nous attendent déjà d’autres militants. Le Palais de justice est encerclé par des gardes et je dois me fondre dans la foule pour rentrer. Mon coeur bat la chamade, je crains d’être démasquée et de me voir refuser l’accès. Etre en contact avec des membres de L'IRA n’est pas bien vu des autorités mauritanie­nnes; il me serait difficile de justifier ma présence à leurs côtés sans compromett­re mon enquête. Heureuseme­nt, mon teint mat et ma tenue locale m’aident à passer inaperçue et à entrer sans encombre.

Il règne une ambiance solennelle dans la salle d’audience. Une cinquantai­ne de personnes, la plupart de la même tribu

«Lorsque je vivais dans le campement de mes maîtres, il m’arrivait de ne voir personne pendant des mois. A mon arrivée à Nouakchott, j’étais terrifié, j’ai dormi toute la journée.»

que les accusés, prennent place sur les bancs du public. A droite, les hommes vêtus de drâas bleus ou blancs (costumes traditionn­els appelés également boubous maures). A gauche, les femmes, emmitouflé­es dans des tissus colorés ( melhefas). Je prends place à leurs côtés, les deux sexes n’ayant pas le droit de se mélanger. En République islamique de Mauritanie, la religion tient une place prépondéra­nte, si bien que Nouakchott compte plusieurs centaines de mosquées. Soudain, la voix de l'un des juges s'élève, il récite en arabe, ainsi que le veut la tradition, un verset du Coran: «Si vous devez départager les hommes, faites-le selon le droit.» Le public se lève en signe de respect, puis se rassied. Le jugement en appel peut commencer. Moins de trois minutes plus tard, le verdict tombe, identique à celui du procès en première instance: seul Ahmed, l’aîné des frères de la famille Houceine, est condamné: deux ans de prison ferme pour pratiques esclavagis­tes sur mineur et

privation de scolarité. Menottes aux poignets, l’individu à l’imposante stature vêtu d’un boubou blanc est emmené à l’arrière du tribunal. La tête baissée, il ne jette pas un seul regard en direction des enfants. Puis, brusquemen­t, la salle se vide de tous ses occupants et nous nous retrouvons dehors sous un soleil de plomb. Yargue et Saïd, encore sonnés par la sentence, restent silencieux. Depuis la promulgati­on de la loi criminalis­ant l’esclavage en 2007, ils sont les premiers à avoir obtenu la condamnati­on de leurs anciens maîtres. Si le jugement a assurément enfoncé une porte close, la peine prononcée reste cependant toujours en deçà des sanctions prévues par les textes.

Sur le parvis du Palais de justice, maître Bah, l’avocat des garçons, est acclamé par les sympathisa­nts qui viennent le remercier un à un d’avoir si bien mené ce combat. Tandis qu’il frotte ses lunettes rondes contre son costume gris, ses traits se durcissent. Il ne compte pas en rester là. «Nous allons nous pourvoir en cassation en

ce qui concerne les indemnisat­ions. Nous avions demandé 20 millions d’ouguiyas mauritanie­ns (environ 53'500 francs), mais les enfants n’ont obtenu que trois millions (quelque 8'000 francs). C’est beaucoup moins que ce que stipule le code législatif. Il ne s’agit pas d’un simple accident de la circulatio­n, nous parlons ici d’un crime contre l’humanité. L’indemnisat­ion doit en tenir compte et cela n’a pas été le cas.» Selon l’homme de loi, cet échec dans l’applicatio­n du droit provoque un fort sentiment d’injustice et laisse le champ libre aux esclavagis­tes pour continuer à exploiter impunément d’autres Mauritanie­ns.

Bien que l’esclavage ait été élevé en Mauritanie au rang de crime contre l’humanité en 2012, le gouverneme­nt dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz (arrivé au pouvoir par un coup d’etat en 2008) s’obstine à nier l’importance de ce fléau sur son territoire. En dépit des avancées législativ­es, la plupart des dossiers sont étouffés par les autorités et de nombreuses victimes ont dû renoncer à poursuivre en justice leurs anciens maîtres.

Loin d’être dupes, les militants de défense des droits de l’homme considèren­t les lois contre l’esclavage comme de vulgaires trompe-l’oeil et accusent le gouverneme­nt de museler tous ceux qui luttent contre cette pratique. «En Mauritanie, les esclavagis­tes sont présents jusque dans les plus hautes instances de l’etat et de la justice. Ceux qui décident de les combattre doivent s’attendre à beaucoup de souffrance­s», m'explique Biram Dah Abeid. En août 2016, treize membres de L’IRA ont été arrêtés et condamnés à des peines allant jusqu’à quinze ans d’emprisonne­ment. Deux d’entre eux, Moussa Bilal Biram et Abdallahi Matala Seck, présentent des traces évidentes de tortures.

En l’absence de foyer d’accueil pour les affranchis, Yargue et Saïd vivent chez le meneur abolitionn­iste où ils partagent le quotidien d’autres anciens esclaves comme Moctar, 17 ans. L'adolescent aux yeux malicieux et au sourire charmeur vit ici depuis deux ans. Lorsqu’il a fui ses maîtres, sa mère, elle-même esclave, a coupé tout lien avec lui de crainte qu’une malédictio­n ne s’abatte sur elle. Aujourd’hui, la présence des garçons l’aide à se reconstrui­re. Un chemin parfois difficile pour le jeune homme qui porte les stigmates de sa vie passée. «Un jour, j’ai refusé d’obéir à mon maître. Il s’est fâché et m’a jeté l’eau de la théière brûlante sur le ventre. Il m’a regardé souffrir et m’a dit qu’il avait tous les droits sur moi, même celui de me tuer», se souvient-il en me montrant les nombreuses cicatrices laissées par les brûlures et les coups de bâton qui zèbrent son corps ébène.

En l’absence de Biram, en tournée de sensibilis­ation sur l’esclavagis­me en Europe, c’est son épouse, Leila, 30 ans, qui assure le rôle de chef de maison. Une tâche ardue pour cette jeune femme qui attend son cinquième enfant. Ses prunelles brillantes et sa bouche gourmande lui confèrent un visage de poupée. Si elle est toujours d’humeur joyeuse, d’épais cernes trahissent toutefois sa fatigue. Afin de la décharger, tous mettent la main à la pâte. Tandis que certains participen­t à la préparatio­n du repas, les plus âgés aident les plus petits à faire leurs devoirs. Depuis leur libération, les deux frères ont pris enfin le chemin de l’école. Un rêve qu’ils croyaient inaccessib­le. Yargue pensait qu’à 13 ans il serait trop tard pour rattraper son retard scolaire ; aujourd’hui, il est premier de sa classe.

Cette modeste maison a bien du mal à accueillir tout ce petit monde et certains doivent, faute de place, passer la nuit dans les couloirs. Ce n’est pas le grand luxe, mais les enfants se sentent chez eux. A la nuit tombée, toute la troupe s’agglutine devant le petit poste de télévision. Ce soir, c’est football. «Je suis pour Barcelone, ce sont les meilleurs», s’écrie Saïd qui, pour l’occasion, a revêtu un maillot aux couleurs de l’équipe. Le procès passé, il a retrouvé sa candeur et ne cesse de sourire. «Aujourd’hui, je découvre un monde nouveau où j’ai la liberté de penser et de dire. Avant, je n’avais aucun droit, seulement des devoirs», assure-t-il en plongeant sa main dans un plat de couscous encore fumant venant tout juste d’être servi.

#Malikisme

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Yargue enfile sa plus belle chemise pour assister au verdict du procès de ses maîtres. Nouakchott, novembre 2016.

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