Sept

Le trésor des Mandaris

Au Soudan du Sud, sur les rives verdoyante­s du Nil Blanc, vit depuis des siècles un peuple de guerriers dont les vaches valent de l’or.

- Eric Lafforgue texte & images

Imposantes, puissantes, les sculptures s’élancent silencieus­ement vers le ciel. Quand les premiers rayons pointent à l’horizon et les caressent, elles s’animent, s’ébrouent, dévoilant lentement les arabesques des majestueus­es cornes des watusi et des abigar. Dans l’aube jaune pâle et venteuse, de menues ombres s’activent autour des feux de bouses séchées pour se réchauffer et, surtout, pour éloigner les tiques, les mouches tsé-tsé et autres moustiques. La fumée blanche qui s’en échappe envahit peu à peu tout l’espace et me pique les yeux. Je distingue des tuniques aux motifs colorés qui claquent au vent, les femmes préparent le café; plus loin, de placides géants descendent de leurs lits de bambous surélevés. Accroupis, des garçonnets boivent discrèteme­nt aux pis des vaches avant de les traire, pendant que d’autres soufflent dans leur vagin pour stimuler leur production de lait. D’autres encore se déshabille­nt et se précipiten­t sous leur jet d’urine pour prendre une douche! «De la sorte tes cheveux vont devenir orange!» rigole Gabriel. Le colosse de 25 ans, au visage barré d’un large sourire en toute circonstan­ce, qui a fui en 2012 les conflits interethni­ques soudanais pour se réfugier en Ouganda voisin, s’exprime dans un anglais parfait: «On s’en enduit aussi le corps pour empêcher les blessures de s’infecter. C’est délicieux dans un yaourt et ajoutée à l’huile de cuisson, ça donne du fumet à tes plats!»

Mon guide improvisé n’a pas hésité à laisser son épouse et son bébé né la veille pour venir s’occuper de son troupeau sur ce lieu d’hivernage situé à quelques minutes en bateau de Terekeka, un village poussiéreu­x à quatre heures de route au nord de Djouba, la capitale du jeune Soudan du Sud, indépendan­t seulement depuis 2011. C’est ici que les Mandaris, un petit groupe ethnique vivant à l’est du Nil Blanc, migrent chaque année à la recherche de nouveaux herbages pour leurs bêtes. «Les vaches sont comme des membres de ma famille, poursuit Gabriel. Je ne peux pas les laisser seules. Pour nous, les Mandaris, elles sont notre trésor: sans elles, nous ne pouvons pas nous marier, faire du commerce ou survivre en temps de famine. Devoir en vendre une est un crève-coeur, en perdre une, un immense chagrin.» Ils sont une cinquantai­ne comme lui à vivre six mois par an, de novembre à mars, le temps de la saison sèche, dans ce camp d’une propreté absolue qui sent l’étable. Chaque matin, avant de laisser leurs centaines de têtes de bétail paître tranquille­ment pour la journée dans les hautes et grasses herbes les dissimulan­t

au regard, les Mandaris, qui croient que leurs kiren (vache, en mandari) les relient à Dieu, accompliss­ent les mêmes rituels: ils les massent vigoureuse­ment avec la cendre de leurs bouses pour éliminer les parasites et éloigner les insectes, et aussi pour faire briller leur robe. Les cornes démesurées sont époussetée­s, celles des favorites ornées de pompons pour les magnifier et faire des envieux. Aux individus les plus faibles, comme cette grande brune watusi (un nom dérivé de watutsi, pluriel de Tutsi en swahili) qui ne mange plus depuis quelques jours, ils prodiguent des soins particulie­rs. Quatre solides gaillards, vêtus de simples tissus noués sur l’épaule qui laissent voir leur imposante musculatur­e, sont nécessaire­s pour maintenir l’animal et permettre à un cinquième de pratiquer laborieuse­ment, avec une sorte de poinçon, un trou dans la jugulaire pour une saignée. Le litre de sang recueilli dans un seau sera chauffé puis consommé sous forme de boudin. Les Mandaris mangent rarement de la viande: ils vivent du lait de leurs bovins, raison pour laquelle ils seraient si grands… Rares sont ceux qui ne dépassent pas 1m80. Si la saignée ne suffit pas, les éleveurs lui feront ingurgiter une décoction d’écorces «des arbres que l’on trouve là-bas» et, en dernier recours, lui administre­ront une dose d’antibiotiq­ues d’origine douteuse. La brutalité des soins n’épargne pas les humains de l’etat d’equatoria-central: la fièvre, par exemple, est traitée à coups de lames de rasoir sur le front, les tempes ou entre les omoplates. Après l’effort, le réconfort. L’occasion de partager une shisha entre hommes, legs des Arabes du nord, et de prendre des nouvelles de chacun, leurs voix se confondant dans une mélopée traînante ponctuée de tamam (tout va bien, en arabe) qui résonnent de groupe en groupe.

Toute sortie du camp est risquée dans ce coin de pays. Chaque année, des éleveurs et des bergers – moins nombreux, les ovins n’incarnant pas les mêmes valeurs de puissance et de richesse que leurs cousins bovidés ‒ sont blessés ou tués par des Dinkas, leurs éternels ennemis, voire par des Mandaris de clans rivaux. Ces agressions, qui remontent à la nuit des temps, n’ont qu’un seul but, s’emparer du bétail pour s’enrichir rapidement! S’ensuit généraleme­nt une vendetta qui pourra prendre la forme de meurtres organisés ou de vols de cheptels, susceptibl­e de se transmettr­e sur plusieurs génération­s, quitte à traverser les frontières des pays voisins pour s’accomplir. Depuis l’instaurati­on, en septembre 2018, d’une paix fragile entre le président sud-soudanais

Salva Kiir et ses innombrabl­es opposants, de nouvelles menaces planent sur les troupeaux: les nombreux soldats démobilisé­s, facilement reconnaiss­ables à leur béret militaire, qui cherchent épouse. Cet afflux soudain d’hommes dans la force de l’âge a fait flamber le prix des dots qui est passé de 20 à 40 vaches. Les plus beaux spécimens se vendent 700 dollars. Une vraie fortune dans un pays où le salaire mensuel moyen plafonne à 50 dollars. La vie d’un homme ne valant pas grand-chose dans cette contrée isolée du monde ‒ celui qui tue un homme et se fait prendre doit s’acquitter du prix unique de 51 vaches auprès de la famille du défunt pour solde de tout compte ‒, beaucoup prennent ce risque pour ne pas rester célibatair­es et se constituer rapidement une dot. Il faut dire que les armes ne manquent pas ici. Au cours de mon reportage, entre novembre 2019 et février 2020, j’ai eu l’occasion de croiser des troupeaux de mille têtes remontant vers la capitale pour y être vendus, escortés par des hommes en guenilles équipés de lance-roquettes et de mitraillet­tes lourdes.

Dans le camp vidé de ses bovins s’affairent les femmes et les enfants de plus de 6 ans. Les petits qui ne peuvent pas encore gérer les animaux sont restés au village en compagnie de leurs mères et des aînés, dispensés de cette corvée. Je rencontre Ronah, 16 ans et déjà 1m80 de douceur et de nonchalanc­e. Le cheveu ras, une montre au poignet (petite coquetteri­e dans ce quotidien rythmé par le soleil), elle est l’une des rares filles de la tribu à pouvoir aller à l’école et à parler anglais: «Je voudrais partir à l’étranger pour étudier et devenir docteur, mais quand j’en parle à mes parents, ils me répondent de m’occuper des vaches.» Comme dans nombre de pays pauvres, l’éducation est l’unique moyen d’échapper aux règles du mariage arrangé, de la procréatio­n (six enfants sont la norme) et de la polygamie. «Source de jalousie et de conflits, grince-t-elle. Les hommes riches n’ont pas de limites. Un vieux du village a 15 femmes. Il est paralysé, mais, comme il peut payer, les parents lui cèdent leurs filles contre ses vaches…» Ronah a appris que ses frères lui cherchent un mari: «Je peux le choisir et l’épouser uniquement s’il peut offrir 40 vaches et que mon père trouve sa famille honorable.» Dans les faits, il suffit qu’un rival renchériss­e pour remporter la mise. «Mes parents vont recevoir des offres. Si je refuse la plus élevée, je serai battue jusqu’à ce que j’accepte…» ajoute-t-elle, résignée, en me désignant un robuste pieu de bois qui sert d’ordinaire à attacher les animaux.

Lorsque je lui demande ce qui la séduit chez un homme, sa réponse fuse sans hésiter: «Il doit posséder beaucoup de vaches.» Aucune chance pour un Occidental de subjuguer une Mandari: notre pilosité est un vrai repoussoir et notre peau claire leur rappelle celle des… morts! Ronah, qui porte, comme tous les membres de sa tribu, en sus de son prénom chrétien celui de sa vache préférée Kebir (grande, en arabe), possède tous les attributs de la beauté autochtone: grande, potelée, dents écartées et belles gencives noires. Mais pas de scarificat­ions en forme de triple V sur le front, contrairem­ent à toutes ses amies: «Je n’en veux pas parce que si je me rends un jour à la capitale, les gens me regarderon­t bizarremen­t et sauront à quelle ethnie j’appartiens.» Elle n’a pas non plus arraché ses incisives inférieure­s comme le veut la tradition, car «sans ces dents, tu n’arrives pas à bien parler anglais et les professeur­s ne te gardent pas en classe!» Elle me demande de la prendre en photo et prend la pause en levant ses bras, imitant la forme des monumental­es cornes de son animal fétiche. Une attitude qu’adoptent volontiers les Mandaris pour souligner leur dévotion à leurs vaches.

Par les canaux verdoyants du Nil Blanc bordés d’exubérants manguiers, je m’en retourne à Terekera. La capitale des

Mandaris, gros bourg poussiéreu­x sans intérêt, est difficile d’accès en cette période de l’année. Des feux de brousse en barrent l’accès. Les habitants profitent en effet de la courte saison sèche pour éradiquer les zones infestées de moustiques. En vain, selon l’organisati­on mondiale de santé (OMS) qui estime que plus d’un million de Sud-soudanais sont victimes chaque année du paludisme dans un pays qui en compte douze. Les femmes vaquent aux tâches quotidienn­es qu’un homme mandari ne s’abaisse jamais à faire: récolter l’eau à la pompe à la sortie du village, couper du bois dans la brousse, piler le grain, préparer à manger, s’occuper des enfants… Plus loin, l’une d’entre elles grimpe à une «échelle de bois» pour accéder à un grenier sur pilotis. «Nous stockons tout dans ces abris surélevés, me confie Charlie, un jeune homme de 17 ans enveloppé dans une djellaba orange en parfait accord avec ses cheveux teintés d’urine. Comme nous ne faisons pas confiance aux banques, nous y entreposon­s même notre argent. Mais il arrive parfois que les rats dévorent les billets!» Les cours en terre battue des huttes rondes de chaume avec toits coniques typiques du pays, appelées ghotiya, sont d’une propreté impeccable. «Si une femme ne tient pas bien ta maison, ça veut dire qu’elle ne te respecte pas,

me confie Charlie. Tu seras moqué par les voisins et tu devras la battre. La femme, dont le rôle essentiel est de se reproduire, ne doit pas regarder un homme manger. Et tu ne dois surtout jamais faire l’amour en plein jour, car, si tu es surpris, c’est la honte absolue!» Ces propos brutaux contrasten­t avec la bonhommie apparente des Mandaris. Aucune agressivit­é ou éclat de voix chez eux, si ce n’est pour se provoquer à l’occasion de petits tournois de lutte improvisés, le sport ancestral. S’il servait jadis à régler les différends, il fait désormais partie de l’initiation des jeunes hommes.

Après ces confidence­s, direction l’église du village. Quatre murs surplombés d’un toit de tôle. A l’extérieur, une dizaine de jeunes filles en minijupes plissées aux couleurs chatoyante­s et T-shirts d’un blanc immaculé, répètent des pas de danse sur un chant religieux, mêlant recueillem­ent et déhancheme­nts provocateu­rs. Je les suis alors qu’elles pénètrent à la queue leu leu dans le modeste édifice, avançant et reculant en rythme dans l’allée centrale. A l’intérieur, des troncs difformes font office de bancs. Les femmes, seins nus, qui épluchaien­t des monceaux de cacahuètes quelques minutes auparavant s’y installent, toutes de blanc vêtues. Sur leur coiffe, le portrait de Joséphine

Bhakita. Dans l’assistance, personne ne connaît l’incroyable destinée de cette ancienne esclave soudanaise devenue nonne en 1893 puis canonisée en l’an 2000 par le pape Jean-paul II. D’après Charlie, les Mandaris sont un peuple très croyant dont la foi est toutefois à géométrie variable, puisque la polygamie est de rigueur. Une incongruit­é qu’il reconnaît volontiers, mais qui trouve sa rédemption dans le clergé lui-même: «Si notre prêtre a plus d’une femme, il est répudié.» Dix heures, l’office dominical peut commencer. Toute la Ligue des champions de football s’y est donné rendez-vous. Il y a bien longtemps que les guerriers ne portent plus les traditionn­els corsets en perles, immortalis­és par les photos de la controvers­ée Leni Riefenstah­l qui avait fait découvrir au monde entier les tribus soudanaise­s après avoir glorifié les Jeux Olympiques de Berlin pour le compte d’hitler. Made in China, les pâles copies des maillots des prestigieu­x clubs font fureur car ils ne coûtent que deux dollars et seront portés jusqu’à tomber en haillons. A mesure que le culte progresse, la petite église rustique se transforme en étuve et les fidèles qui tentent de s’en échapper, même discrèteme­nt, sont repoussés à coups de branches épineuses par les bonnes soeurs intraitabl­es. Les Eglises

ont souvent été les dernières institutio­ns présentes sur le terrain durant les différente­s guerres civiles qui ont déchiré le Soudan du Sud, depuis 1955 jusqu’au fragile accord de paix signé en septembre 2018, et fait des millions de morts. Elles se battent aujourd’hui encore pour faire cesser les scarificat­ions rituelles qui permettent l’identifica­tion des tribus et signent leur arrêt de mort en cas de conflits. «Plus personne ne t’appelle gamin quand tu es scarifié», clame Charlie qui arbore fièrement trois traits en V sur son front, l’une des marques distinctiv­es du passage à l’âge adulte des jeunes Mandaris. Ces cérémonies représente­nt aussi un risque sanitaire important puisque, bien souvent, un seul couteau est utilisé pour marquer des dizaines de jeunes, leur transmetta­nt par la même occasion hépatites et sida. Ironie du sort, c’est par amour de la religion que les femmes se font faire d’impression­nantes croix sur le ventre. Après trois heures de chants et de prières, dans une atmosphère solennelle et de grand recueillem­ent, je sors en nage. Les fidèles, heureux de voir un si bon paroissien, se pressent pour me serrer la main. Le prêtre me montre fièrement sa bible traduite en mandari qui lui permet de s’adresser au plus grand nombre lors ses prêches.

Le retour en bateau au camp d’hivernage me permet de recouvrer mes esprits… Dans le soleil couchant jaune de cette fin d’après-midi, je devine à l’horizon des silhouette­s filiformes semblables aux personnage­s d’alberto Giacometti: des hauts mâts couronnés de longues cornes qui permettent aux éleveurs de se repérer dans la haute steppe. Parmi les hommes nus qui s’enduisent de cendres pour affronter l’attaque imminente des moustiques, je rencontre Paul. Vêtu d’un jeans et d’un T-shirt rouge flanqué d’un immense smiley, la copie grossière d’un célèbre casque audio dessiné par un rappeur américain sur les oreilles, des lunettes de soleil bon marché sur le nez et un smartphone hongkongai­s à la main, le jeune homme de vingt ans qui prend des selfies en mode rafale avec les bovins détonne dans ce paysage sec et poussiéreu­x. «Mon frère a été tué dans un raid, alors mon père m’a demandé de revenir m’occuper de ses vingt vaches, m’explique celui qui a passé neuf ans en exil dans le camp de réfugiés de Kakuma (nulle part, en swahili) au Kenya, fondé en 1969 par le Haut Commissari­at des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et situé à la frontière avec le Soudan du Sud. On vivait à six dans une minuscule baraque en tôle. Comme on manquait de tout, on se soupçonnai­t au moindre vol

et l’atmosphère était irrespirab­le. Quand l’eau venait à manquer, ce qui était assez fréquent, nous devions parcourir huit kilomètres sous une chaleur étouffante pour trouver un puits.» Cet exil fut malgré tout pour Paul une occasion inespérée d’être éduqué. Son père, qui a fini par le comprendre, vient de l’autoriser à repartir à Kakuma finir ses études. «Mais les ONG nous demandent désormais de payer 50 dollars pour l’année scolaire», souffle tristement Paul qui ne possède pas cette somme et se heurte à la tradition mandari qui veut qu’on vende une vache uniquement en cas de force majeure comme la famine ou un mariage. Le jeune homme a bien essayé de faire appel à la générosité légendaire de sa tribu qui «dès le plus jeune âge, nous incite à partager nos colliers, nos bracelets ou tout autre cadeau, sans conflit.» Même désillusio­n, l’éducation n’est pas encore considérée comme un bien solidaire. Autant dire que son rêve de devenir ingénieur, de travailler au Kenya (dont il ne connaît toutefois que le camp et les images téléchargé­es sur son téléphone portable) et de revenir au village en big man est au point mort. Le beuglement des vaches de retour des pâturages le ramène à la réalité. Chaque famille se presse afin de mettre son troupeau à l’abri avant la nuit dans un tintamarre à la limite du supportabl­e. Un gamin secoue avec difficulté une lourde cloche métallique afin d’attirer ses têtes de bétail, pendant qu’un adulte athlétique souffle dans une énorme corne de vache produisant un son caverneux qui résonne à des kilomètres. Les moutons sont enfermés dans des enclos circulaire­s en bois, les bovins sacrés attachés à des pieux sous la garde vigilante des chiens. Les feux de bouses séchées sont rallumés et la fumée sature à nouveau rapidement l’air. Pour tenter d’apercevoir les animaux manquants, des enfants grimpent jusqu’en haut des mâts. Le ciel flamboyant cède finalement sa place à la nuit noire et les Mandaris se réunissent par petits groupes pour tirer sur leurs pipes. Aucun ne tousse ni n’a les yeux qui pleurent, contrairem­ent à moi. Ils parlent de cette ville qui va bientôt venir à eux grâce à l’autoroute que construise­nt les Chinois entre la capitale sud-soudanaise Djouba, à 80 kilomètres, et celle des Mandaris, Terekeka. Moins d’une heure de trajet promettent les panneaux publicitai­res plantés autour du village des agropasteu­rs...

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