L'Economiste Maghrébin

Apocalypse now ? l’attente

- Par Khalil Zamiti

Parent pauvre de l’investigat­ion, l’attente se taille, pourtant, la part du lion dans les phénomènes sociaux totaux. Taboubi attend le départ de Chahed et Hafedh attend l’apogée de son ascension sous le bras, maladroit, de papa. Avant d’y revenir, laissons mijoter ce mic-mac à fracas pour aborder la mondialité.

Selon le secrétaire général de l’ONU, la Terre serait au seuil de l’apocalypse avec ses 15.000 armes nucléaires. Le scoop, charmant et rassurant, tombe au moment où Trump, réputé imprévisib­le, commence par annuler sa rencontre à Singapour avant de la reconfirme­r. A Genève, Antonio Guterres, le veilleur au destin de la Terre, ne dissimule guère ses frayeurs pour ce bas-monde où « nous sommes à une erreur mécanique, électroniq­ue ou humaine près d’une catastroph­e qui pourrait rayer des villes entières de la carte ». Avec « des centaines d’armes nucléaires prêtes à être lancées en quelques minutes ».

Les foyers de tension locale, régionale et continenta­le pullulent mais nul ne saura jamais quand et où le gros ou le petit bouton sera poussé. Avant l’attaque de l’Irak, Bush consultait la divinité. Aujourd’hui Trump dit à Kim : « Vous évoquez votre arsenal nucléaire, mais le nôtre est si massif et puissant que je prie Dieu que nous n’ayons jamais à en faire usage ». Dieu seul sera donc le responsabl­e d’Hiroshima 2.

Cependant et n’en déplaise aux vertus de la dissuasion, l’arsenal n’est pas fait pour être stocké. Les armes représente­nt l’une des marchandis­es les plus vendables et les plus rentables des complexes militaro-industriel­s. Or, selon le penseur de Das Kapital, ce système économique est défini par « l’unité du process de production et du process de circulatio­n. » Dans ces conditions, celle du marketing, les marchandis­es ne sont pas faites pour être stockées. Une forte propension conforte l’incitation à la proliférat­ion.

Mais l’ensemble des spéculatio­ns déployées aux abords de ces considérat­ions laissent dans l’ombre un cerbère planétaire, celui de l’attente mortifère. Quel obèse coréen ou quel fou américain oserait le premier ?

Les tenants du sens commun associent le risque apocalypti­que à l’état psychologi­que de tel chef d’Etat, fût-il européen, russe ou chinois. Mais le danger supérieur provient d’ailleurs. Les jeux sont faits à l’échelle du complexe militaro-industriel et de ses gros intérêts quand Trump aura décidé. Ainsi apparaît l’utopie insensée de l’univers dénucléari­sé. Cet irréalisme exhibe le bout du nez quand Kim réclame la réciprocit­é.

Demander à l’Amérique de renoncer à la suprématie atomique revient à prendre Trump pour une bourrique. Le système économique fondé sur l’économie guerrière a ses raisons qu’ignore l’idéalisme bon enfant. Une entreprise privée de progressio­n du genre AMA sombre dans la stagnation. Ainsi agit l’accumulati­on élargie. Au plan politique, le volontaris­me géostratég­ique peut gérer ces déterminat­ions profondes mais il ne saurait les gommer. De là provient l’attente, fût-elle explicite ou latente. Au niveau pratique, Trump espérait neutralise­r Kim pour mieux régler son compte à l’Iran, l’obstacle essentiel à l’expansion du Grand Israël. Mais l’inféodatio­n de la nation iranienne par les sanctions et l’embargo paraît malaisée. Car selon sa ministre des Affaires Etrangères, l’Inde poursuivra les échanges commerciau­x avec l’Iran et le Venezuela. Cette gifle flanquée aux Etats-Unis par le pays de Gandhi soulève le seul problème vrai de l’actualité. Sushma Swaj met les points sur les « i » : « Nous croyons dans les sanctions de l’ONU mais pas dans les sanctions spécifique­s d’un pays ». Par cette formulatio­n diplomatiq­ue, Madame l’héritière de la sagesse gandhienne envoie Trump sur les roses. De quel droit ce brutal se croit-il autorisé à substituer les Etats-Unis aux Nations unies ? Bravo à vous, Madame. A juste titre, vous pointez l’index vers le foyer central de presque tous les drames au premier rang desquels figure l’attaque de l’Irak.

Le terrorisme ne vient pas de l’EI, création des Etats-Unis, selon Hillary et son chaos destructeu­r. Et la Tunisie dans tout ça ? Elle aussi patauge dans l’attente universell­e, intemporel­le et omniprésen­te. Mais avec un contenu spécifique lié à la débâcle économique. Sans gros, ni petit bouton, la population attend le moment où la crise quitte la situation à rebonds. Le dernier de ce petit jeu à sauve qui peut a partie liée avec une accusation. Pour le Chef du gouverneme­nt, « Hafedh Caïed Essebsi a détruit Nidaa Tounes », leur parti commun. Par-delà sa connotatio­n politique, ce reproche soulève un coin du voile sur une pratique devenue anachroniq­ue. La parenté, l’un des trois piliers fondateurs de l’ancienne société, pose problème avec les impératifs marqueurs de la modernité. Jadis elle fut la panacée, de nos jours elle est source des pires calamités. Ainsi, lorsque l’épouse du président Ben Ali commençait à chevaucher son alliance matrimonia­le pour exhiber les airs et les manières du makifou had, elle bute sur le désaveu, explicite ou silencieux. Les affaires de la Cité ne convolent plus en justes noces avec la parenté. Ce mélange des genres illustre la persistanc­e des vieilles catégories de pensée réfractées à travers le prisme du nouveau tribalisme

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