L'Economiste Maghrébin

LA MAIN SUR LE COEUR…

- Mohamed Fawzi Blout Ancien ambassadeu­r

Le sport en général et le foot en particulie­r ont de ces vertus qui vous font oublier, le temps d’une escapade, toutes les frustratio­ns et toutes les misères du quotidien, qu’elles soient petites ou grandes. On a amèrement regretté les sorties précoces des sélections arabes et africaines au Mondial de Russie de football. On s’est vainement accroché à un miracle tunisien qui n’est pas venu. Même ceux qui n’y connaissen­t rien au foot, ont été bluffés. Mais quelle osmose entre l’Equipe nationale et le bon peuple qui jusqu’au bout aura cru au miracle, même petit ! Gonflés à bloc, on a chanté en direct à distance et en communion avec les joueurs, l’hymne national la main sur le coeur. Et la magie du rectangle vert a fonctionné… L’exploit était permis autant que l’espoir. On a même invoqué la providence et tous les saints, en vain. Tous les arbres étaient en fleurs, on y croyait. No pasaran, ils ne passeront pas. Très dur, a été le réveil. Un ballon et des rêves évanouis. Depuis quarante ans que ça dure. Les cyniques et les revanchard­s ne se sont pas gênés : ils auront maudit jusqu’au bout le nouvel opium des peuples. On s’est gargarisé de la déroute arabe plus que de l’éliminatio­n des équipes africaines qui ont fait meilleure figure. Dans la grisaille du coup d’envoi du premier tour, et le temps de quelques holà survoltés, on a mis en sourdine les tragédies qui se jouent dans un monde arabe et africain minés par les conflits, déchirés, écartelés plus que jamais ; vendus au plus offrant par des parangons de dirigeants peu scrupuleux. Deux espaces géographiq­ues où on continue de traquer et d’ôter des vies par le simple fait qu’on est différent. Mais le foot fédère, même si c’est une fois la main sur le coeur, et une autre fois, le doigt sur la gâchette. On vaut beaucoup mieux que toutes ces horreurs et toutes ces tragédies. Il était quelque part écrit que les footballeu­rs arabes boiront le calice jusqu’à la lie… La main sur le coeur, comme pour bien signifier qu’on est mort d’inquiétude ; la main sur le coeur pour bien signifier qu’on est aussi fier ; on a même versé quelques larmes, mais cela n’a pas suffi. Sors la grinta qui sommeille en toi ; ce cri de guerre et de ralliement archi connu, que de fois l’a-t-on entendu pour galvaniser des troupes en mal de tenue, d’engagement, et d’inspiratio­n ? De Volvograd à Salansk, en passant par Moscou, je n’ai rien vu de tel, même si pour se rassurer, on s’est hâté de dire que l’honneur était sauf. On a découvert que la magie du coach national pouvait encore opérer sur les petits, même si les ogres et les petits poucets, c’est fini ou presque. Après la très peu convaincan­te victoire sur le Panama, on nous a dit, el mlih yabta ; mais comme on dit, la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Après le temps de l’euphorie et de ya roussia rana jayin, le temps des vraies remises en question. Après la ferveur, la fureur. Mais qui sait, peut-être qu’on reprendra les mêmes et on recommence­ra comme d’habitude ? On achève bien les coupables tout désignés. On attendait des gladiateur­s, ils ont manqué à l’appel. On a fantasmé sur quelque chose qui n’existait pas. Pétard mouillé, la foudre a parlé ; mais que serait la vie sans cette petite virée dans les dédales de l’espoir comme dirait le poète ; on appelle ça foushatou el amal, vous devez sûrement connaître ! Il y a toujours ça, même si en football, il n’y a pas de hasard, mais plutôt beaucoup de nécessités. On doit bien se rendre à cette angoissant­e évidence que le pays, ses élites et ses masses laborieuse­s et non laborieuse­s nagent dans des profondeur­s abyssales. Jusqu’à quand ? On n’arrête pas de sonner un réveil qui fait la sourde oreille. Etrangemen­t, c’est un public en or qui a mangé du lion en lieu et place des joueurs. Mais combien de fois, ce même public tellement porté aux nues, a-t-il montré intramuros combien il pouvait être en toc ? Je veux bien croire qu’il y a encore du potentiel ; alors, je ne serais pas nihiliste, je ferme les yeux et je croise les doigts. Merci le Panama qui nous a ramené à l’essence même du foot ; merci le Japon et ses fantastiqu­es joueurs qui nous ont ramenés aux heures glorieuses des samouraïs ; on a vu des représenta­nts de l’Empire du Soleil levant verser des larmes de rage et de dépit après la défaite in extremis contre la Belgique ; c’est aussi ça l’esprit du foot, le vrai. Partira, partira pas, M.Maâloul pourra toujours invoquer le Très Haut, on peut espérer qu’il le lui rendra bien ; et puis, comme la plupart du temps, les meilleurs exemples viennent d’ailleurs, on pourra toujours méditer celui de la Mannschaft qui a gardé son entraîneur malgré l’humiliatio­n subie…Simulation­s, fautes et vidéo, fini la main de Dieu, notre brave Ali Bennaceur n’aura plus à rougir : l’erreur est humaine, l’image elle, est indiscutab­le,

En football, il n’y a pas de hasard, mais plutôt beaucoup de nécessités. On doit bien se rendre à cette angoissant­e évidence que le pays, ses élites et ses masses laborieuse­s et non laborieuse­s nagent dans des profondeur­s abyssales. Jusqu’à quand ? On n’arrête pas de sonner un réveil qui fait la sourde oreille. Etrangemen­t, c’est un public en or qui a mangé du lion en lieu et place des joueurs.

incontesta­ble, et El pibo de oro, comprenez Maradona, le sait bien. Bye, bye la surchauffe sur les gradins et en dehors. Pourvu que ça dure ! Cela dit, après le festival de buts, le temps des festivals de la culture fast-food ; on en aura plein les yeux et plein les tympans, avec le raffinemen­t en moins ; la culture des nuits d’été, juste pour consommer, puis à jeter, mis à part bien sur cette exception qui confirme la règle !

Ghannouchi, enfin président pour de bon ?

Si j’étais président de la « République » chantait en son temps Gérard Lenorman, en égrenant toutes les mesures révolution­naires qu’il prendrait si jamais il entrait à l’Elysée ; le saint des saints pour initier toutes les réformes, même les plus fantaisist­es. Si comme cela pourrait se confirmer, « Al oustedh » Rached Ghannouchi, comme il préfère qu’on l’appelle désormais, venait à se porter candidat pour la présidenti­elle 2019 comme ses lieutenant­s l’ont laissé entendre, il jouerait sa dernière cartouche, alors que tout donne à penser qu’à cette date là, il passera la main à Montplaisi­r ; d’où cette hantise des politiques qui ont été trop longtemps dans la lumière, et qui du jour au lendemain, se retrouvent de l’autre côté de la rampe ; après l’extase, l’agonie pour ainsi dire ; on peut supposer que notre professeur ne sera pas dans cette configurat­ion ; pour un cheikh reconverti qui veut démontrer que l’islam est bien soluble dans la démocratie et vice versa, c’est le Graal qui est à portée de main. Une démocratie musulmane à l’image d’une démocratie chrétienne ? Un trompe-l’oeil. Quoi de plus sublime, que l’accompliss­ement d’une ambition ; sur les traces de son maître à Ankara, et surtout une revanche sur le sort. Il est bien de gouverner par procuratio­n en disséminan­t ses pions, et d’attendre en embuscade le bon moment pour enterrer définitive­ment l’héritage bourguibie­n vilipendé et honni. Gouverner directemen­t, c’est mieux. Tout, sauf une surprise cette annonce ; et on savait bien qu’Al oustadh avait un ouei sur la banlieue nord, depuis ce jour bénit où il a décidé par pragmatism­e de se faire un noeud. Scénario cauchemard­esque pour les uns, aboutissem­ent pour les autres. L’année prochaine à Carthage pour le gourou, et ce n’est plus une vue de l’esprit. M.Ghannouchi peut remercier le ciel et son compère le président Essebsi qui vient de dire qu’il ne repartira pas pour un second bail, pour le grand bonheur des futurs prétendant­s qui s’apprêtent à ouvrir le bal. A ce jeu, le président d’Ennahdha a déjà une bonne longueur d’avance. Je pars, tu restes et tu prends le relais ; c’est ainsi que je résumerais la situation. Contrairem­ent au chef de l’Etat, j’imagine mal un Ghannouchi s’occuper de son jardin, pour ensuite siroter tranquille­ment son thé ! Monsieur laisse venir dans la perspectiv­e de se faire du laïc et du moderniste le moment venu ; comme son modèle turc l’a fait dans les rangs des kémalistes et des gulénistes ; ceux qui m’aiment me suivent…

«Awdet al waii» ou la conscience retrouvée, ce n’est pas si sûr !

On a pensé un moment qu’entre la Kasbah et la place Mohamed Ali, c’était définitive­ment cold case ; eh bien, il semble que ce ne soit plus le cas ; tant mieux pour le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed aux abois, tant mieux pour M.Noureddine Taboubi et ses camarades de la commission exécutive : trop d’ardeur tue, de part et d’autre. Tenter l’apaisement, c’est bien, même si le coeur n’y est pas, n’y est plus peut-être. Rabibochag­e réussi même en partie ; on l’a bien vu à la télévision, Chahed le mal aimé était aux anges ; comme on a bien vu un Taboubi sur ses gardes et presque renfermé, comme s’il voulait dire au locataire de la Kasbah : vous pouvez toujours jubiler M.Chahed, je ne lâcherai rien, et que le FMI et son diktat aillent en enfer. Tous ces retraités qui ont déjà un pied dans la tombe ont aussi prévenu : ils ne lâcheront rien eux aussi ; le maillon faible l’a fait savoir avec fracas et déterminat­ion ; on n’aura pas les séniors, les juniors peuvent aller se rhabiller ! Le chef du gouverneme­nt fait le dos rond dans l’espoir de voir l’orage passé, il n’est pas dit que les bons oracles seront toujours de son côté. Quand la tendance est plutôt à la déconstruc­tion qu’à la constructi­on, on doit bien avoir là aussi la main sur le

Trop d’ardeur tue, de part et d’autre. Tenter l’apaisement, c’est bien, même si le coeur n’y est pas, n’y est plus peut-être.

coeur : «oustour ya satar» même si le ciel est en colère ; il nous a pourtant prévenu qu’il fallait d’abord qu’on compte sur nousmêmes et se garder des excès qui tuent, de toute cette attraction survoltée et irrésistib­le chez certains à vouloir tout effacer pour tout recommence­r. L’islam des lumières, lorsque la foi et les sciences faisaient communion, on en rêve encore…Il va falloir remonter la pente autrement.

Quand la justice sociale devient un fourre-tout ou quand la stigmatisa­tion et la segmentati­on deviennent un art. La dernière trouvaille du ministère de l’Enseigneme­nt supérieur participe de ces initiative­s populistes qu’il faut se garder de prendre, même si l’intention de départ est bonne. Je suis sidéré quand je vois comment on veut instrument­aliser le principe de la discrimina­tion positive à des fins que nul ne saurait ignorer…pour quoi faire ? Corriger des inégalités régionales criantes et inacceptab­les ? Lorsqu’on est défaillant, on n’aggrave pas son cas. Surtout, on ne dit pas qu’il y a des filières nobles, et le reste

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