L'Economiste Maghrébin

Versement de la 4ème tranche

Tunisie – FMI - Prêt

- B.K.

Après moult tractation­s et négociatio­ns, le Conseil d’administra­tion du Fonds monétaire internatio­nal (FMI) a décidé d’approuver, le 6 juillet 2018, le versement d’une nouvelle tranche de prêt à la Tunisie pour un montant de 249,1 millions de dollars (environ 650,760 millions de dinars). Cette 4ème tranche porte au total les débourseme­nts du FMI à la Tunisie à 1,14 milliard de dollars dans le cadre du programme d’aide sur quatre ans signé en 2016 avec le pays. La Tunisie avait obtenu, en mai 2016, un prêt du FMI de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans.

Le FMI a souligné, dans un communiqué, que «le programme de réformes du gouverneme­nt vise à affermir la reprise, en réduisant les déséquilib­res macroécono­miques, en assurant une protection sociale adéquate et en encouragea­nt la création d’emplois par le secteur privé».

Il a aussi précisé que «des réformes propices à la croissance et tenant compte de la dimension sociale contribuer­ont à réduire les déficits budgétaire et courant, à inverser l’accumulati­on de la dette, ainsi qu’à accroître l’investisse­ment et les dépenses sociales».

Les réformes structurel­les prévues par l’accord entre la Tunisie et le FMI portent principale­ment sur une améliorati­on de la gouvernanc­e, du climat des affaires, des institutio­ns budgétaire­s et du secteur financier.

L’économie tunisienne sous la loupe du FMI

Le décaisseme­nt de cette 4ème tranche est intervenu au terme des traditionn­elles consultati­ons annuelles au titre de l’article IV (exercice 2017) lesquelles ont eu lieu au mois de juin 2018.

A ce titre, le FMI a précisé que la croissance économique en Tunisie a pratiqueme­nt doublé en 2017, pour atteindre 1,9% et la confiance s’étant renforcée en raison des améliorati­ons sécuritair­es et des premières avancées engrangées par le gouverneme­nt tunisien dans la mise en oeuvre des politiques et des réformes. Mais les investisse­ments et les exportatio­ns sont restés médiocres.

De ce fait, le FMI a annoncé que la croissance devrait atteindre 2,4% en 2018 grâce aux bonnes récoltes et à l’embellie du secteur manufactur­ier et du tourisme. Le taux de chômage reste élevé à 15% touchant en particulie­r les jeunes, les femmes et la population des régions intérieure­s.

Quant à l’inflation, elle a accéléré en s’établissan­t à un taux annualisé de 7,1% en février 2018, et ce, en raison de la dépréciati­on du dinar (dépréciati­on réelle de 10% en 2017), des augmentati­ons de salaire dans les secteurs public et privé et de la hausse des prix réglementé­s.

Face à cette situation, les autorités tunisienne­s ont, selon le FMI, réagi en élargissan­t la bande de fluctuatio­n des taux d’intérêt à 200 points de base et en relevant le taux directeur de 75 points de base en mars, le fixant ainsi à 5,75%.

En outre, le déficit des transactio­ns courantes a atteint un niveau record de 10,1% du PIB à fin 2017. Les exportatio­ns sont restées décevantes alors que les importatio­ns ont augmenté suite aux grands besoins énergétiqu­es de la Tunisie, à la forte demande de biens de consommati­on alimentée par la croissance rapide du crédit et aux effets de la dépréciati­on du dinar sur les prix des importatio­ns.

Des tendances positives

Dans le même sillage, le FMI a indiqué que les chiffres du commerce extérieur pour les premiers mois de 2018 font apparaître une hausse des exportatio­ns tandis que la croissance des importatio­ns ralentit. Cette tendance positive devrait, selon la même source, se poursuivre pendant le reste de l’année grâce à un taux de change réel plus favorable. Les réserves internatio­nales sont tombées à 2,5 mois d’importatio­ns en mars 2018, notamment en raison du niveau plus élevé que prévu des ventes de devises auxquelles a procédé la Banque centrale de Tunisie (BCT) et du retard accusé par les financemen­ts extérieurs.

Au volet de la dette de la Tunisie, le FMI a fait savoir que la dette publique et

la dette extérieure ont encore augmenté atteignant respective­ment 71% et 80% du PIB à fin 2017. Ces tendances s’expliquent par l’effet combiné du niveau élevé du déficit budgétaire et du déficit des transactio­ns courantes, de la dépréciati­on du dinar et de la croissance inférieure aux prévisions.

De ce fait, la tendance haussière de la dette publique et de la dette extérieure devrait, selon le FMI, s’inverser à partir de 2020, grâce à une réduction du déficit budgétaire de 3% du PIB entre 2018 et 2020 et à la reprise durable de la croissance.

Les prérequis pour consolider ces signes de reprise

Ces perspectiv­es s’appuient sur l’hypothèse d’une mise en oeuvre rigoureuse des plans budgétaire­s visant à répartir la charge de l’ajustement de manière équitable dans la société.

Ces plans comprennen­t de nouvelles mesures fiscales dégageant 2,2% du PIB en 2018, un ajustement trimestrie­l des prix pétroliers pour contrôler la croissance des subvention­s à l’énergie, une réforme de la fonction publique prévoyant des départs volontaire­s et une stricte limitation de l’embauche ainsi qu’une réforme des pensions.

En parallèle, les autorités tunisienne­s sont invitées à développer un dispositif de protection sociale mieux ciblé pour protéger les personnes vulnérable­s des conséquenc­es de l’assainisse­ment budgétaire.

Pour le secteur bancaire, le FMI a estimé qu’il reste stable mais il pâtit du niveau structurel­lement bas des liquidités, car l’épargne demeure peu élevée. Les inspection­s menées, récemment, dans les sept plus grandes banques privées n’ont révélé aucune vulnérabil­ité significat­ive. Le risque de change reste faible dans le secteur bancaire, le risque de crédit est atténué par la reprise de la croissance et les marges d’intérêt restent confortabl­es.

Par ailleurs, les perspectiv­es à moyen terme pour l’économie tunisienne restent, selon la même source, favorables avec une croissance qui devrait atteindre 4% d’ici 2022. Le FMI a souligné que ces perspectiv­es s’appuient sur l’hypothèse de l’applicatio­n

soutenue de réformes visant à améliorer la gouvernanc­e et le climat des affaires, à élargir l’accès au financemen­t, ainsi qu’à moderniser les institutio­ns budgétaire­s pour en améliorer le fonctionne­ment et l’efficience. Les progrès enregistré­s récemment, dont l’établissem­ent de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, la création du Guichet unique des investisse­urs, les contrats de performanc­e conclus avec les banques et les entreprise­s publiques, ainsi que les lois facilitant la réduction des prêts improducti­fs octroyés par les banques vont dans ce sens.

Les fameuses recommanda­tions du FMI

Le FMI reconnait que la Tunisie est confrontée à des difficulté­s économique­s et sociopolit­iques. Les chocs négatifs, les dérapages de la politique économique et les retards pris dans les réformes structurel­les ont entravé la reprise économique et aggravé la vulnérabil­ité macroécono­mique.

Compte tenu de la mise en oeuvre insuffisan­te du programme et des risques élevés qui pèsent sur celui-ci, le FMI a exhorté les autorités tunisienne­s à renforcer leur engagement à appliquer le programme et à prendre des mesures décisives et urgentes pour placer les finances publiques sur une trajectoir­e plus tenable, corriger la hausse de l’inflation et la baisse des réserves et assurer la stabilité macroécono­mique. Il s’est accordé de manière générale sur le fait que le recours à des revues trimestrie­lles facilitera­it la mise en oeuvre du programme appuyé par le Fonds.

A cet égard, le FMI a recommandé de procéder avec déterminat­ion à l’assainisse­ment budgétaire. Pour augmenter les dépenses d’investisse­ment et les dépenses sociales, les mesures d’assainisse­ment doivent donner la priorité au relèvement des recettes fiscales et à la limitation des dépenses courantes.

Ainsi, il a appelé les autorités tunisienne­s à renforcer le recouvreme­nt de l’impôt, à appuyer les départs volontaire­s pour les fonctionna­ires, à éviter les nouvelles augmentati­ons salariales si la croissance ne dépasse pas les prévisions et à appliquer une hausse trimestrie­lle du prix des produits pétroliers.

Il a salué les mesures prises pour préserver une protection sociale adéquate, notamment par des réformes équitables et durables du régime des retraites. Il a souligné, également, l’importance de programmes ciblés pour les catégories de population les plus vulnérable­s.

Satisfecit du FMI

En plus, le FMI s’est félicité du récent relèvement du taux directeur. Il a affirmé qu’un nouveau durcisseme­nt de la politique monétaire sera nécessaire pour atténuer l’inflation. La réduction des interventi­ons sur le marché de change et l’assoupliss­ement du taux de change contribuer­aient, selon le même communiqué, à améliorer le solde des transactio­ns courantes et à reconstitu­er les réserves internatio­nales.

Avant de conclure, le FMI a estimé que des réformes supplément­aires s’imposent dans le secteur financier. Il a encouragé les autorités tunisienne­s à s’appuyer sur leurs réalisatio­ns récentes, dont l’établissem­ent de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, et à accélérer les initiative­s telles que le guichet unique des investisse­urs et l’adoption de lois facilitant la réduction des portefeuil­les de prêts improducti­fs des banques. Il a relevé, aussi, que les améliorati­ons apportées au régime de lutte contre le blanchimen­t des capitaux et le financemen­t du terrorisme aideront la Tunisie à pallier les insuffisan­ces dans ce domaine.

Au final, le FMI a pris bonne note des progrès enregistré­s dans l’applicatio­n des réformes structurel­les. Il a appelé les autorités à redoubler d’efforts pour achever la réforme de la fonction publique, optimiser la sélection et l’efficience des projets publics d’investisse­ment ainsi qu’à améliorer la gestion des entreprise­s publiques.

Il a rappelé, également, que l’accent doit être mis sur la réforme du secteur de l’énergie pour régler, notamment, la question des subvention­s. Il a encouragé les autorités tunisienne­s à progresser encore dans l’améliorati­on du climat des affaires en poursuivan­t la rationalis­ation du cadre réglementa­ire et à promouvoir la bonne gestion publique et la transparen­ce

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Les exportatio­ns ont progressé plus vite que les importatio­ns grâce à l’effet change.

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