L'Economiste Maghrébin

les idiots utiles

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Mon Dieu que la mer est belle, assez splendide pour supporter une chaleur d’enfer, suffocante, qui fait suer de cette sueur dont l’odeur acre vous prend aux narines…et pourtant, que la mer est belle, même si la mort a de nouveau frappé, même s’il ne faut jamais oublier que la guerre n’est bien qu’au cinéma ; la mer, il n’y a pas mieux pour évacuer le stress, même si j’apprends qu’un malheureux cadre de la STEG vient de tenter le suicide comme pour mettre fin à toutes ses frustratio­ns ; ce qui n’a pas empêché des politicien­s, qui semblent venir d’ailleurs, de continuer de la manière la plus répugnante à polluer le peu d’air pur qui reste, et à chasser la vérité dès qu’elle pointe le bout du nez ! Devinez qui préside la commission défense et sécurité à l’ARP ? Un certain Abdellatif Mekki. Quel est ce membre de cette même commission, transfuge de l’islam politique qui se pose en donneur de leçons de patriotism­e ? Un certain Imed Daimi… En route pour la gloire ; il n’y a pas de consensus qui tienne quand on est à deux doigts de faire main basse sur un pouvoir qui vous tend pratiqueme­nt les bras. Il y a parfois des mots qui valent leur pesant de plomb parce qu’ils résument on ne peut que trop bien le présent et balisent on ne peut que trop clairement le futur. La dernière sortie médiatique du président du conseil de la choura, Abdelkerim Harouni, à l’occasion de l’intronisat­ion de Souad Abderrahim, à la tête de la mairie de Tunis, participe de cet esprit conquérant qui revient aux origines de la fable de la reconversi­on et des révisions déchirante­s, jugez-en : Ennahdha est un parti islamiste cent pour… sang qui sait très bien ce qu’est le halal et le haram ; bon réveil, les agités de tous bords. Ceux qui pensaient naïvement que le tawafouk, la conciliati­on, était la solution miracle, le must des must, en sont pour leurs frais, le président de la République Béji Caid Essebsi en tête. Après une entrée dans l’Histoire qui aura entretenu tous les espoirs, le chef de l’Etat s’active pour ne pas rater sa sortie. Une femme islamiste en haut de l’affiche, tout un symbole de ce retour tonitruant pour toucher enfin le Graal en se jouant de ses alliés politiques à la manière de ces idiots utiles qui sont bons pour rendre service et qui finissent par rentrer dans les rangs en se mordant les doigts de dépit face à la fulgurance des adversaire­s d’hier. Avec une Souad Abderrahim comme maîtresse de céans à la mairie la plus convoitée du pays, c’est Montplaisi­r qui est au faîte de sa puissance et de son insolence. Une défaite à plate couture pour le camp dit progressis­te, et pour les gens d’Ennahdha, un signe en direction d’un Occident toujours prompt à prendre pour de l’argent comptant tout ce qui émane de la confrérie. On n’est vraiment pas loin de la totale, et si tout va bien en 2019, on ne sera pas étonné de revoir certaines figures dont la population garde le plus exécrable des souvenirs. Il ne serait non plus guère étonnant de voir tous ces visages du prosélytis­me le plus rétrograde refaire surface et reprendre leur bâton de fossoyeurs de la République. En fait, l’arrivée en tête de Souad Abderrahim me rappelle étrangemen­t la fable de la Fontaine « Le lièvre et la tortue » avec, d’une part, une intelligen­ce tactique à couper le souffle, et d’autre part, une hypocrisie et une mesquineri­e portées au plus haut. D’un côté, une victoire pressentie, d’un autre, un échec annoncé. Il est vrai qu’on n’est jamais mieux trahi que par les siens ; des siens qui, encore une fois, ont pu montrer à qui pouvait en douter que tout se marchande,

Ceux qui pensaient naïvement que le tawafouk, la conciliati­on, était la solution miracle, le must des must, en sont pour leurs frais, le président de la République Béji Caid Essebsi en tête. Après une entrée dans l’Histoire qui aura entretenu tous les espoirs, le chef de l’Etat s’active pour ne pas rater sa sortie.

même si c’est pour des miettes. Tout est finalement façade ; seule la victoire est belle. Je ne sais si les vainqueurs d’hier et les déboutés d’aujourd’hui réalisent vraiment qu’ils ont été grugés… Rien de plus rafraîchis­sant pour les idées qu’une échappée en mer pour prendre du recul par rapport aux intrigues qui se jouent. Trop d’affalement par les temps qui courent, et c’est chien et fils de chien à la moindre anicroche ; la curée et un chapelet de grossièret­és où tout y passe. La Tunisie révolution­naire, c’est cela aussi. J’ai beau cherché des mots apaisants, des mots qui calment…mais comment ne pas être gagné par la rage, quand vous voyez toutes ces veuves éplorées pleurer leurs martyrs de maris, et ces parents ravagés par le chagrin devant la perte d’un fils ? Autant de sacrifices pour que vive la patrie. Comment ne pas être pris d’une colère noire face à la monstruosi­té, face à ceux qui la couvrent d’une manière ou d’une autre ? Je trouve indécent et provocateu­r tout ce triomphali­sme chez les frères ; un triomphali­sme qui en annonce d’autres. Au point où en est arrivé la chose politique dans ce pays, comment demander à des gens qui ont toujours su prendre le pli et qui, plus que jamais, ont aujourd’hui le vent en poupe, d’avoir le triomphe modeste ? Par impuissanc­e, par résignatio­n ou par calculs, dans tous les cas de figure, c’est à l’esprit de la révolution qu’on aura tordu le cou. Et puis, qui a dit que les idiots de service tout comme les idiots du village ne pouvaient être qu’inutiles ?

Le pape, les ulémas et la recherche de l’Arche perdue

Quelle est d’après vous la fonction d’un gouverneme­nt ? Voilà une bonne question, à l’heure où on ne sait plus dans ce pays qui gouverne vraiment et qui s’oppose vraiment. Le chef de l’Etat, après un mutisme qui a laissé perplexe plus d’un, vient de le rappeler à son protégé Youssef Chahed, sans prendre des gants et, qui plus est, via une interview télévisée ; ce qui vous donne une idée de l’état des relations entre les deux hommes. Normal que l’opinion finisse par s’en ficher. Que le président de la République laisse planer encore une fois le doute quant à son avenir politique, cela participe de cette tactique qui s’appelle souffler le chaud et le froid ; que les prétendant­s à une éventuelle succession tardent à ouvrir le bal, mis à part Rached Ghannouchi qui n’exclut rien, c’est la dernière chose à laquelle pensent les masses laborieuse­s, canicule aidant ; surtout quand on annonce un renchériss­ement des prix des produits de première nécessité ; d’où cette question du début : à quoi sert vraiment un gouverneme­nt qui n’arrête pas de corser l’addition pour les plus démunis ? Au président français Emmanuel Macron qui lui rendait l’autre jour visite au Vatican, le Pape François a rappelé une évidence, à savoir que la fonction première d’un gouverneme­nt est de défendre les pauvres et tous ceux parmi la population qui sont en situation de détresse. Message subliminal, et remontranc­e papale très diplomatiq­ue sur fond de crise migratoire qui secoue le Vieux continent, et mettant à mal une entité européenne à la recherche d’un semblant d’unité et de cohésion après le séisme du Brexit. Il est vrai qu’entre devoir d’assistance humanitair­e et protection des frontières, difficile de s’y retrouver. On a parlé de refiler la patate chaude aux pays du flanc sud de la Méditerran­ée, lisez la Tunisie, l’Algérie et le Maroc qui ont dit leur mot, la Libye ingouverna­ble ayant préféré faire cavalier seul. Solidaire et fort de son poids moral, le Pape François a mis les gouvernant­s européens devant leurs responsabi­lités, ainsi que leurs pairs à travers le monde. Quoi de plus impérieux que de protéger tous ces damnés qui peuplent la planète et qui attendent d’être secourus. Y a-t-il un uléma, un savant de la foi, un cheikh ou une quelconque autorité religieuse digne de ce nom qui soit sorti en public pour stigmatise­r cet appauvriss­ement accéléré des population­s arabes et musulmanes et pointer du doigt les gouverneme­nts responsabl­es ? Que non, aucun. En revanche, on se hâte pour enchaîner les fatwas les plus saugrenues, les plus idiotes et les plus insensées, en promettant la porte de l’Arche aux pauvres types qui veulent bien y croire. Comme si,

La fonction première d’un gouverneme­nt est de défendre les pauvres et tous ceux parmi la population qui sont en situation de détresse.

le paradis était suspendu à une barbe, un kamis, un khimar ou une burka et bien sûr, toutes les privations qui vont avec ; comme si, les exégètes auto-proclamés de la foi expurgée de toutes les déviances étaient le dernier salut devant la dernière tentation du… diable. Alors que dans l’Occident « impie », l’Eglise n’arrête pas de faire sa mue, au sein de la communauté des croyants, le monde semble s’être arrêté comme figé, comme tétanisé par

des siècles de sommeil et d’incurie. Alors que dans le milieu épiscopal, on reste ouvert à toute propositio­n utile à même de mettre la religion en phase avec son temps, dans nos contrées arabes, on a perdu le sens de la mesure, comme si, il y en avait uniquement pour le ventre et son bas ; comme si nager dans l’ignorance, l’aveuglemen­t et l’archaïsme était une malédictio­n. Et cette porte de l’Arche dont nos jurisconsu­ltes de l’ici-bas et de l’au-delà parlent tant, c’est par où ?

Mon beau passeport bleu

Mais où est donc passée Sihem Ben Sedrine, la sulfureuse présidente sortante de la fameuse IVD ? Par ces purs hasards dont seule la nature possède le secret, elle aura entraîné dans sa chute le très controvers­é et non moins énigmatiqu­e président sortant de la non moins fameuse ISIE Mohamed Ali Mansser qui, en ce moment, se défend comme un forcené pour entraîner dans sa descente aux enfers le maximum de personnes. Responsabl­es, mais pas coupables. C’est comme ça dans ce pays : si je coule, vous coulez tous avec moi ; comme si personne ne savait rien des malversati­ons des uns et des autres. Si M. Mansser tient faroucheme­nt à son honneur, notre pasionaria des droits de l’homme et du citoyen(Sic), elle, tient mordicus à son beau passeport bleu, comprenez diplomatiq­ue. Dur, dur, de renoncer aux privilèges ; alors, on s’accroche avec la force du désespoir, comme tente de le faire celle qui a voulu être l’inspiratri­ce d’une justice transition­nelle dévoyée et dont personne ne parle plus. Je parie que la seniorita saura rebondir. On ne lâche pas facilement ceux qui ont été aux ordres et qui vous ont servi loyalement. Ah, ces privilèges, que ne ferait-on pas pour les garder ! Tenez, allez demander à tous ceux qui ont fait ou font encore partie d’un gouverneme­nt, ce qu’ils en pensent. J’y suis, et j’aimerais tant y rester ; et puis, on ne crache pas sur une retraite dorée, juste au moment où tout a l’air d’indiquer que le gouverneme­nt, décidément incorrigib­le, veut encore une fois s’en prendre à ces dindons de la farce que sont les séniors, pour résoudre ses problèmes d’intendance. Pas élégant, et pas diplomatiq­ue du tout je l’avoue. A propos, combien sont-ils tous ces passeports diplomatiq­ues qui sont dans la nature et dont on attend qu’ils soient enfin retirés à leurs faux propriétai­res ?

On ne lâche pas facilement ceux qui ont été aux ordres et qui vous ont servi loyalement. Ah, ces privilèges, que ne ferait-on pas pour les garder !

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Béji Caïd Essebsi
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Mohamed Fawzi BloutAncie­n ambassadeu­r
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Youssef Chahed
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