L'Economiste Maghrébin

La Tunisie a un besoin pressant de leadership

Ahmed Néjib Chebbi, président du Mouvement démocratiq­ue

- Prpopos recueillis par Hédi Mechri et Khemaies Krmi

Militant de gauche et figure de proue de l’opposition au régime de Ben Ali, Ahmed Néjib Chebbi, avocat et homme politique incontourn­able en Tunisie, donne, dans cette interview accordée à l’Economiste Maghrébin, son point de vue sur la nature du bras de fer qui oppose les deux têtes de l’exécutif, le Président de la République Béji Caïd Essebsi (BCE) et le Chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, déplorant les limites des mécanismes institutio­nnels et constituti­onnels pour résoudre la crise. Dans le même contexte, il déplore le rôle que joue le parti Ennahdha aux fins d’instrument­aliser, à des fins partisanes, les deux têtes de l’exécutif et de les affaiblir au maximum.

Dans cet entretien, Ahmed Néjib Chebbi rend un vibrant hommage à sa compagne de route, la défunte Maya Jribi, revient sur les tournants historique­s qu’a connus son parti le PDP-El Joumhouri en 2011 et 2012 et évoque son avenir politique au sein d’un grand projet de mouvement citoyen qui rassembler­ait patriotes, socio-démocrates, centristes et indépendan­ts. Interpellé sur les réformes que doit entreprend­re le gouverneme­nt en place, il estime que l’essentiel est de les entamer.

Pour commencer une pensée pour la défunte Maya Jeribi, ancienne secrétaire générale du Parti El Joumhouri. Une certitude, elle manque à tous. Elle vous manque ?

Maya Jribi a laissé un très grand vide. C’est un symbole de patriotism­e et d’humanisme. Une femme éprise des libertés qu’elle a toujours défendues dans son pays. Très jeune étudiante à Sfax, elle voulait une seule chose : s’engager politiquem­ent. Il ne faut pas oublier qu’elle est allée à Sfax, à la fin des années 70, où la jeunesse aspirait à jouer un rôle dans la vie nationale. Pour mémoire, les années 70 avaient connu beaucoup d’événements qui poussaient les jeunes à se révolter.

Maya Jribi a cherché l’engagement politique dès son entrée à l’université et depuis qu’elle a trouvé son parti politique, elle y a milité tous les jours jusqu’à son départ.

Mieux, elle ne militait pas uniquement pour le parti et ses valeurs. Le parti n’était qu’un cadre à travers lequel elle pouvait mener plusieurs autres actions. Son action ne se cantonnait pas à l’action politique stricto sensu. Elle avait également à son actif des actions sociales. Elle a aidé les habitants du quartier populaire de Mellassine à Tunis, dans un cadre associatif loin des impératifs politiques. D’ailleurs à l’époque, la politique était un engagement de résistance. Il n’y avait pas moyen de participer à la vie publique. Tout était fermé.

Maya était une femme extrêmemen­t dynamique, pleine d’énergie, pleine d’amour pour son pays et pour son peuple.

Pour preuve, le vibrant hommage que les Tunisiens, l’ensemble des Tunisiens, lui ont rendu lors de ses funéraille­s. Des milliers d’hommes et de femmes, de toutes tendances et de toutes conditions, sont venus lui rendre un dernier hommage parce

qu’ils reconnaiss­aient en elle un symbole de liberté, un symbole d’abnégation, de dévouement, d’amour des autres et d’amour de la patrie. Réellement, Maya ne mettait jamais son ego au devant lorsqu’elle entreprena­it une action. C’était par conviction et cela lui permettait d’éviter des erreurs. D’ailleurs, autant que je sache, je ne lui connais pas d’erreurs politiques. Elle a constammen­t eu des attitudes et des choix judicieux.

Je me rappelle encore de la grève de la faim avec elle pour défendre la liberté d’expression. Pendant trente-trois jours, on était côte à côte dans deux chambres contiguës.

Maya en était sortie extrêmemen­t affaiblie physiqueme­nt. Au cours de cette grève, elle avait mauvaise conscience en étant dans la résistance et la grève de la faim. Sa soeur était à l’époque malade. Elle était inquiète pour elle. Elle s’en voulait énormément de ne pas avoir pu être auprès d’elle. Cela ne l’a pas empêchée de continuer jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’on ait obtenu gain de cause.

Autre exemple de son humanisme, lorsqu’il y a eu cet embargo injuste à l’encontre du peuple irakien, Maya collectait de l’argent pour acheter des médicament­s et les faire parvenir aux communauté­s irakiennes qui en avaient besoin.

Ce sont là des actions humaines dans lesquelles elle n’avait aucun intérêt personnel, il y avait seulement un sentiment de solidarité.

Ce n’est pas le pouvoir politique qui l’habitait, c’est l’amour de la patrie, c’est la liberté de la nation à laquelle elle appartient. C’est un don de soi. Cet amour charnel, viscéral pour le pays. L’amour, le dépassemen­t de soi, dans une oeuvre qui est au service de ce qu’on chérit et qui est la

nation, le pays, la patrie. C’est l’amour de la patrie qui m’a uni à Maya Jribi. Et je citerais, à ce propos, Dostoïvesk­y qui a dit : « La politique c’est l’amour de la patrie, et rien de plus ». La politique dans le sens noble tel qu’il a animé Maya du premier jour de son engagement jusqu’à son départ. C’est rien d’autre que l’amour pour son pays.

Cela ne veut pas dire qu’on était, tout le temps, d’accord. Il y a eu des moments de désaccord politique mais cela ne faisait que renforcer notre confiance mutuelle l’un dans l’autre parce qu’on pensait au bien général, à l’intérêt général et non pas aux intérêts particulie­rs.

En plus de l’engagement, il y avait « AlIjtihad », voire l’interpréta­tion pour trouver des voies qui permettent à notre pays de conquérir les libertés, d’être dans la prospérité, de réaliser la justice entre citoyens, autant de valeurs suprêmes qui animent toutes les sociétés et dont toutes les sociétés ont absolument besoin . C’est un instinct d’autodéfens­e pour les sociétés que les gens émergent dans son sein et qui donnent satisfacti­on.

Maintenant qu’elle nous quitté, nous n’allons pas jeté l’éponge, au contraire nous sommes investis de responsabi­lités nouvelles.

Pour revenir à la crise politique qui sévit dans le pays, quelle lecture faites-vous du bras de fer qui oppose les deux chefs de l’exécutif, le Président de la République Béji Caïd Essebsi (BCE) et le chef du gouverneme­nt , Youssef Chahed, le premier ayant demandé au second soit de démissionn­er soit d’aller au parlement demander un vote de confiance ou qu’il opère un remaniemen­t ?

Je pense qu’il aurait été dans l’intérêt de la Tunisie que Youssef Chahed parte pour deux raison principale­s : la première réside dans le fait que son gouverneme­nt a échoué à faire sortir la Tunisie de la crise où elle se trouve. La deuxième consiste en le fait que ce gouverneme­nt est devenu une source de tension. C’est un gouverneme­nt minoritair­e qui n’a aujourd’hui que le soutien d’Ennahdha qui l’instrument­alise à des fins partisanes hégémonist­es. En plus, ce gouverneme­nt est en conflit avec toutes les forces politiques et avec les protagonis­tes de la scène sociale, y compris la centrale patronale, l’Utica.

C’est pourquoi, son départ est en soi de nature à apaiser les tensions politiques et sociales. Maintenant, le problème n’est pas un problème de voeu. Visiblemen­t, le seul moyen de faire partir Youssef Chahed serait la mise en oeuvre de l’article 99 de la Constituti­on. Or le Président de la République n’y pense pas pour le moment. Peut-être qu’il sera acculé à le faire. Mais le temps est contre lui. Plus il tergiverse, plus il hésite, plus il atermoie, plus il perd ses forces.

Il semble que BCE comptait sur l’action de l’UGTT pour provoquer la chute de Youssef Chahed.

Actuelleme­nt, de nouvelles solutions sont en train d’être amorcées. Dans tous les cas de figure, la question demeure la même : Chahed partira-t-il ou ne partira-t-il pas ?

De mon point de vue, je pense qu’il va rester jusqu’à l’automne. Avant la fin de l’année, il va être lâché par Ennahdha qui le soupçonne, autant que BCE, de nourrir des ambitions présidenti­elles. Et Ennahdha n’a pas encore abattu ses cartes à ce sujet. Et elle l’a dit, à maintes reprises. Elle est concernée par les échéances électorale­s de 2019 et que si elle ne présentait pas un candidat de ses propres rangs, elle choisirait donc son candidat.

Je pense que Chahed, par ses ambitions personnell­es, légitimes par ailleurs, et au regard des limites des moyens institutio­nnels pour sortir de la crise, je crains que le pourrissem­ent de la crise ne provoque une crise sociale encore plus grande que celle qu’on a connue, au mois de janvier dernier. Elle sera d’une ampleur encore plus grande. Prions Dieu afin qu’elle n’échappe à tout

Maya Jribi a laissé un très grand vide. C’est un symbole de patriotism­e et d’humanisme. Une femme éprise des libertés qu’elle a toujours défendues dans son pays... Mieux, elle ne militait pas uniquement pour le parti et ses valeurs. Le parti n’était qu’un cadre à travers lequel elle pouvait mener plusieurs autres actions. Son action ne se cantonnait pas à l’action politique stricto sensu. Elle avait également à son actif des actions sociales. Dostoïvesk­y qui a dit : « La politique c’est l’amour de la patrie, et rien de plus ». La politique dans le sens noble tel qu’il a animé Maya du premier jour de son engagement jusqu’à son départ. C’est rien d’autre que l’amour pour son pays.

contrôle. Cette explosion sera spontanée et donc difficilem­ent maîtrisabl­e.

L’UGTT, qui occupe une place centrale dans l’équilibre socio- politique du pays, pourrait jouer un rôle soit d’apaisement soit d’acteur, et ce, sous la pression de ses adhérents, exaspérés et non maîtrisabl­es en raison de la forte dégradatio­n de leur pouvoir d’achat.

L’UGGT a parfois tendance à ne pas les maîtriser comme cela a été le cas avec les professeur­s. Le risque est que si cette explosion sociale se produit, il n’y aura pas seulement les salariés, il y aura aussi des jeunes des ceintures rouges ou noires des grandes villes comme Tunis ou Sfax.

Ce sont eux qui étaient descendus dans la rue, en janvier dernier et ce sont eux qui risquent de sortir, encore une fois.

Je pense que ces jeunes indignés représente­nt une grande menace qui pèse sur la stabilité du pays.

Donc, Chahed partira –t-il, ne partira-t-il pas ? La décision ne dépend pas beaucoup des Tunisiens. Il y a un jeu institutio­nnel où les marges de manoeuvre s’amenuisent de plus en plus. Il ya une cassure au niveau des équilibres qui ont fondé l’actuelle équipe politique, c’est-à- dire cette entente entre Ennahdha et Nidaa , Ghannouchi-BCE.

Les élections législativ­es et présidenti­elles de 2019 peuvent-elles amplifier le mouvement du 6 mai tout à l’avantage d’Ennahdha ?

Je pense que cet effet psychologi­que ne doit pas cacher la réalité dont le fait que les Tunisiens ont retiré leur confiance à Ennahdha. Ils n’ont pas voté pour elle. Seuls 500 mille ont voté pour elle contre un million cinq cent mille voix en 2011 et près de neuf cent cinquante mille en 2014, ce qui signifie qu’elle a perdu entre les deux échéances électorale­s un million d’électeurs. Une certitude : il y a un recul de la base électorale d’Ennahdha.

Carthage 1, Carthage 2 et par la suite d’autres réunions de prolongati­on pour tenter de sauver les précédents dialogues, serait-ce le signe d’un échec du système politique en place ou du moins d’une certaine démarche ? Comment jugez- vous la configurat­ion politique actuelle du pays ?

Nous sommes dans une situation de blocage total. Plus rien ne va entre les deux têtes de l’exécutif. BCE se trouve actuelleme­nt reclus dans son palais condamné à jouer le même rôle que son prédécesse­ur, Moncef Marzouki , voire un chef d’Etat sans pouvoir . Il est vrai que la Constituti­on ne lui donne pas beaucoup de pouvoirs mais en tant que première personnali­té élue au suffrage universel, chef du parti parlementa­ire le plus important, il a eu la possibilit­é de choisir les deux premiers ministres mais son premier choix ne s’est pas avéré judicieux. Il a récidivé en imposant contre la volonté des partis, Youssef Chahed à la tête de ce qu’on appelle un gouverneme­nt d’union nationale. A

l’époque tous les partis s’étaient opposés à la désignatio­n de Youssef Chahed. BCE l’a fait grâce au soutien de Rached Ghannouchi et à une attitude inattendue de Hassine Abbassi, secrétaire général de l’UGTT à l’époque qui a estimé que l’affaire est politique dans laquelle l’UGTT devait s’interdire d’y intervenir. Il a donné en quelque sorte le feu orange à BCE pour nommer Chahed.

La question est de s’interroger maintenant sur la nature du conflit entre les deux hommes (BCE et Chahed). Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Le conflit tourne autour du pouvoir. BCE a confié la présidence du gouverneme­nt à un jeune qui était un inconnu avant sa désignatio­n au poste de Premier ministre. Youssef Chahed a découvert l’appétit du pouvoir en l’exerçant et a commencé à nourrir des ambitions présidenti­elles. Ce qui a provoqué des réactions d’inquiétude de la part du Président de la République et de son entourage.

Néanmoins, rappelons que le premier qui a tiré sur Youssef Chahed , c’est Rached Ghannouchi sur la chaîne privée de Nessma. Il l’a interpellé pour lui dire : tu n’es pas là pour servir tes ambitions présidenti­elles personnell­es, tu es là pour servir l’Etat. Conséquenc­e : tu dois servir l’Etat, autrement tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même. A ce moment là, tout le monde pensait que Rached Ghannouchi parlait en accord avec BCE parce que de l’eau était déjà dans le gaz entre les deux hommes.

Pour résumer : il y a donc un conflit à propos du pouvoir et de l’échéance 2019 entre les deux hommes (BCE et Chahed). Sur ce conflit vient se greffer un autre, celui qui ne dit pas son nom mais on le sent dans toutes les déclaratio­ns et même dans les indiscréti­ons , c’est le conflit entre Rached Ghannouchi et BCE.

Moralité de l’histoire : BCE s’est affaibli. Il est devenu dépendant d’Ennahdha. Plus rien ne passe à l’Assemblée s’il n’a pas l’aval d’Ennahdha. Face à cet affaibliss­ement, Rached Ghannouchi a choisi de soutenir provisoire­ment Youssef Chahed . Cela

Je pense que Chahed, par ses ambitions personnell­es, légitimes par ailleurs, et au regard des limites des moyens institutio­nnels pour sortir de la crise, je crains que le pourrissem­ent de la crise ne provoque une crise sociale encore plus grande que celle qu’on a connue, au mois de janvier dernier. Elle sera d’une ampleur encore plus grande. Prions Dieu afin qu’elle n’échappe à tout contrôle.

s’intègre dans une nouvelle stratégie. La stratégie de 2019. Ennahdha pense que BCE s’est beaucoup affaibli, que ce n’est plus l’homme de l’avenir. En un mot, Ennahdha pense que Nidaa Tounès est fini. Et pour gérer le pouvoir à l’avenir, il lui faut un nouvel allié laïc. Le parti Ennahdha voit en Chahed un allié potentiel. Elle le soutient, aujourd’hui, mais elle met une condition . Dans la déclaratio­n des états généraux du parti, Ennahdha dit à Chahed : tu peux rester à la seule condition de ne pas avoir d’ambitions présidenti­elles . Dans sa stratégie 2019, Ennahdha n’exclut pas de briguer ce poste et de présenter son propre candidat. Elle veut avoir la latitude de choisir l’homme qui occupera le fauteuil présidenti­el. Donc, aujourd’hui, encouragé par les résultats positifs enregistré­s aux dernières municipale­s, en dépit de la perte d’une grande partie de son électorat, le parti Ennahdha demeure le principal parti. Il a des maires dans les plus grandes villes de Tunisie : Tunis et Sfax. Cela nous rappelle un peu la stratégie du parti d’Erdogan et cela a été également le point de départ de la crise algérienne des années 1990. C’était prendre le pouvoir par le bas à travers le pouvoir local.

De toutes les façons, loin de nous l’idée de faire le procès des gens, ils ont le droit de planifier leur action comme ils l’entendent. On peut dire aujourd’hui, encouragé par les résultats des élections municipale­s, le parti Ennahdha est en train de construire sa stratégie pour 2019. En prévision de cette échéance, Ennahdha manoeuvre pour exploiter l’affaibliss­ement de Nidaa Tounès et pour soutirer à Chahed le maximum de concession­s possibles.

D’ailleurs l’affaire du limogeage de Lotfi Brahem est perçue par les analystes comme une importante concession faite par Chahed à Ennahdha. Ce parti avait tout intérêt à ce que l’ancien ministre de l’Intérieur soit limogé. L’Histoire retiendra que Chahed a limogé Lotfi Brahem contre la volonté de BCE et avec l’assentimen­t d’Ennahdha.

Pour résumer, aujourd’hui, entre BCE et Youssef Chahed rien ne va plus. Dans le couple Rached Ghannouchi - BCE, il y a de l’eau dans le gaz. Et un troisième couple sur lequel repose l’équilibre général du système c’est Youssef Chahed-Noureddine Taboubi, secrétaire de l’Ugtt , lequel est passé du soutien exclusif, total et inconditio­nnel à une guerre ouverte, une guerre qui entre, aujourd’hui, dans une phase de flou.

En effet, Chahed vient d’amorcer un petit rapprochem­ent pour ramener Taboubi à de meilleurs sentiments. Je soupçonne le FMI d’avoir favorisé ce rapprochem­ent. Le FMI semble avoir tiré les enseigneme­nts des événements de Jordanie. Il a vu que si l’on ne tient pas compte de la dimension sociale, si on tire sur la corde de ce côté, ça risque de casser. Donc Chahed engage un dialogue avec Taboubi et signe des accords-cadres. Mieux, les déclaratio­ns du FMI, à ce propos, ne sont pas totalement opposées à cette évolution, il y a une sorte de feu orange du côté du FMI. Aujourd’hui, on a l’impression qu’un compromis social est possible, ce qui baisserait le niveau de la crise d’un cran parce que les tensions sociales si elles s’ajoutaient à la crise politique, elles

risqueraie­nt de provoquer une explosion générale.

En dépit de ce rapprochem­ent Chahed –UGTT, fût- il encouragé par le FMI, la situation demeure inquiétant­e. Les Tunisiens ne voient pas le bout du tunnel.

Je tiens à rappeler ici le contexte. Le système politique en vigueur repose, jusque-là, sur un compromis entre Ennhdha et Nidaa Tounès, entre BCE et Rached Ghannouchi. Un conflit a surgi entre le chef du gouverneme­nt et le Président de la République, la question est de savoir quelle en sera l’issue ?

Aujourd’hui, BCE semble désarmé. Il lui reste un moyen institutio­nnel, celui d’aller au parlement et de mettre en applicatio­n l’article 99 de la Constituti­on. Or, il ne semble pas le vouloir. Apparemmen­t, il doute de ses capacités à réussir. Et plus il doute, plus ses troupes s’effritent et le lâchent et plus Chahed se renforce. Maintenant, même l’issue institutio­nnelle semble compromise tant que le chef de l’Etat ne se décide pas à prendre son courage à deux mains et d’aller devant le parlement.

Je pense que s’il le fait, il a des chances de réussir. Pourquoi ? Si BCE demandait au parlement de revoter la confiance à Chahed, ce dernier serait dans l’obligation de réunir les voix de la majorité parlementa­ire, soit 109 voix, ce qui n’est pas garanti d’avance. Même Ennahdha qui le soutient doit réfléchir à deux fois avant d’entrer en conflit frontal avec BCE, représenta­nt de l’Etat.

Toujours est-il que la situation politique vient s’ajouter à une crise économique et sociale aiguë. Si on ne trouve pas une solution avant la rentrée, on risque d’aller vers une explosion sociale grave, difficile à maîtriser et qui menacera la stabilité du pays.

On a le sentiment, que si ce régime parlementa­ire perdure, BCE serait le dernier président en Tunisie à avoir essayé de rétablir le régime présidenti­el en dépit des limites de ses prérogativ­es constituti­onnelles? Qu’en pensez-vous ?

NC.- Pour ce qui est du pouvoir du chef de l’Etat, le chapitre de la Constituti­on consacré à ce sujet a été un compromis entre deux courants les tenants du régime parlementa­ire et ceux du régime présidenti­el. Le parti Ennahdha voulait un régime parlementa­ire parce qu’il savait qu’il ne pourrait jamais avoir la majorité des électeurs tunisiens pour briguer le poste de chef de l’Etat. Et puis, il avait pensé qu’en 2014, il serait appelé à former un gouverneme­nt à la Kasbah. C’est pourquoi, il a voulu limiter le pouvoir du chef de l’Etat. De leur côté, les tenants du régime présidenti­el démocratiq­ue voulaient doter le Président de la République de prérogativ­es réelles. Ces derniers ont tiré les conclusion­s de l’expérience de la Troïka au cours de laquelle, le Chef de l’Etat était dépourvu de tout pouvoir.

Le défaut du système tunisien est celui du système français qui lors des cohabitati­ons aboutit à des situations de paralysie du chef de l’Etat. Nous avons reproduit le même système qui a abouti aux mêmes situations de blocage.

Aujourd’hui, du point de vue de l’intérêt national, il faudrait amender la Constituti­on pour rétablir les prérogativ­es du chef de l’Etat. Le contrepoid­s au pouvoir du chef de l’Etat ne doit pas être celui du chef du gouverneme­nt, cela se traduirait toujours par un éclatement entre les deux têtes. Cela paralysera­it l’Etat. Il vaut mieux, à ce moment là, choisir directemen­t un régime parlementa­ire.

Si on veut garder un régime où le chef de l’Etat est élu au suffrage universel, il faudrait lui donner des pouvoirs, des pouvoirs qui seraient contrebala­ncés par la séparation

Pour résumer : il y a donc un conflit à propos du pouvoir et de l’échéance 2019 entre les deux hommes (BCE et Chahed). Sur ce conflit vient se greffer un autre, celui qui ne dit pas son nom mais on le sent dans toutes les déclaratio­ns et même dans les indiscréti­ons , c’est le conflit entre Rached Ghannouchi et BCE.

des trois pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif et non pas par un contrepoid­s qui viendrait du Premier ministre, ce qui risque de reproduire éternellem­ent des situations de blocage et de paralysie politique, d’autant que le président est élu par le peuple. Il exprime la volonté populaire.

A mon avis, un amendement de la Constituti­on s’impose avant 2019 à condition qu’il ne soit mis en oeuvre qu’au lendemain de 2019. Je pense qu’il faut mettre à profit l’année qui nous sépare de l’échéance électorale pour amender la Constituti­on.

Pour revenir à votre remarque, j’ai une lecture optimiste.

Je m’attendais personnell­ement à ce que la participat­ion aux élections municipale­s ne dépasse pas les 20%. Elle a été de 33%, ce qui est encore très faible. A titre de comparaiso­n, le plus faible taux de participat­ion aux élections locales françaises a été enregistré lors des dernières élections. Il a été de l’ordre de 60%, soit deux fois plus que chez nous.

En 2019, le citoyen va sentir que l’enjeu va déterminer son avenir sur cinq ans. L’importance de l’enjeu et les résultats mêmes des élections municipale­s vont inciter à une forte participat­ion. Je peux prévoir une participat­ion des deux tiers de l’électorat, soit de l’ordre des 3,5 millions qui ont voté en 2014.

Je reviens à la carte électorale telle qu’elle émerge des élections municipale­s. Nidaa Tounès a obtenu 22% des voix exprimées, soit 7% et plus de l’électorat inscrit. Ennahdha, avec 30% environ des voix exprimées n’aurait obtenu que 9% des électeurs inscrits, sans parler des citoyens en âge de voter.

Cela signifie qu’il y a plus de 80% qui sont dans l’attente d’une nouvelle offre politique, déçus qu’ils sont par la performanc­e de leurs gouvernant­s et des partis politiques en général. Ils sont dans une attente objective. Ils expriment un rejet de la politique, des politicien­s, des partis. Mais demain, ils vont être face à un défi. Celui de choisir pour les 5 années à venir ceux qui auront en charge les affaires du pays. Ils sentiront que s’ils ne se décident pas, ce paysage va être reproduit. Celui où Ennahdha avec moins de 22000 voix sur les 328000 inscrits a pu

conquérir la mairie de Tunis soit avec 6,5% des électeurs inscrits. La reproducti­on de cette situation aboutirait à la conquête du pouvoir par Ennahdha en 2019 avec moins de 10% des électeurs, avec le risque de la voir installée au pouvoir pour beaucoup plus que cinq ans. L’expérience turque incite à bien y réfléchir.

Seulement en l’absence d’un leadership crédible et rassembleu­r, et au regard de la désunion des forces démocratiq­ues face au corps électoral discipliné du parti Ennahdha, il y a de fortes chances que la prédominan­ce du parti Ennahdha perdure ?

Effectivem­ent il y a un besoin de leadership politique. La Tunisie a besoin aujourd’hui d’un leadership qui restaure la confiance de l’électorat, qui propose une vision.

Pour restaurer la confiance, il faut qu’il fasse preuve des qualités et vertus qu’attend le citoyen des politiques, s’agissant notamment de l’intégrité, du patriotism­e et de la compétence.

Il y a un besoin de leadership pressant aujourd’hui. S’il n’y a pas ce type de leadership, c’est le système en place qui va se reproduire.

Et il y a un fort risque que ce système se reproduise à cause de l’attitude négative d’une élite qui, aujourd’hui, se complaît à critiquer la politique et à alimenter le discrédit des partis.

La Tunisie ne va pas réinventer la roue. Du moment que les Tunisiens ont choisi le système démocratiq­ue, ils sont condamnés à le faire fonctionne­r par le truchement des partis. Continuer à critiquer les partis sans discerneme­nt et à cultiver le rejet de la politique ne fera que paver la voie à l’établissem­ent de l’Islam politique au pouvoir, pour de longues années, non tant parce qu’il serait représenta­tif de la majorité des Tunisiens mais grâce à son avantage organisati­onnel et financier mais aussi et surtout à l’affaibliss­ement et la dispersion du courant moderniste, démocrate et social, majoritair­e.

Ce sentiment de « tous pourris » pave la voie à l’établissem­ent d’Ennahdha au pouvoir, pour trois voire quatre décennies.

Les élites doivent se reprendre et combattre l’abattement qui s’est saisi de la population.

Il faut donc un leadership qui puisse convaincre les Tunisiens et les mobiliser pour remettre la Tunisie sur les rails du progrès et de la stabilité. Ce leadership est multiple et doit se trouver à tous les niveaux des responsabi­lités, au parlement, au gouverneme­nt et à la tête de l’Etat bien sûr. Ce dernier doit assurer ses fonctions dans le cadre d’un système réformé qui donne au Président de la République le rôle de capitaine de vaisseau qui est le sien normalemen­t, sinon il serait réduit à un rôle honorifiqu­e sans pouvoir ni influence. Ce n’est pas de cela que la Tunisie a besoin.

Mais un chef sans une majorité à l’Assemblée ne serait que fictif.

Emmanuel Macron, s’il n’avait pas créé un parti qui a conquis la majorité au parlement, il n’aurait jamais pu mettre en oeuvre ses réformes. Cela pour dire qu’un leadership est nécessaire­ment pluriel. Le défi est énorme et nous sommes encore loin du compte.

La nature a, cependant, horreur du vide. Je pense qu’au vu des derniers développem­ents, un certain nombre de leaders vont s’affirmer sur le terrain. Espérons que l’un d’eux aura la clairvoyan­ce, la compétence et la crédibilit­é nécessaire pour unir le plus grand nombre et sortir la Tunisie de l’impasse où elle se trouve.

Suite à vos propos, on ne peut s’empêcher de vous poser cette question : pourquoi avez-vous quitté votre parti, El Joumhouri alors que vous réunissez les qualités de ce leadership dont vous venez d’esquisser le profil ?

NC.- Pourquoi j’ai quitté El Joumhouri? D’abord je tiens à rappeler que le PDP devenu, ensuite, El joumhouri est un parti de résistance. Et ses cadres étaient formés d’hommes aguerris pour résister à la répression, pour développer des actions (manifestat­ions, résistance en prison…). Leur nombre étant forcément limité, voire réduit. Une fois qu’on est a passé à une nouvelle situation, il y a eu des ruptures. Le pays a eu besoin d’une nouvelle gouvernanc­e, beaucoup de gens se sont dirigés vers le PDP.

Le PDP symbolisai­t pour eux une force de résistance portant des valeurs auxquelles ils croient. Des dizaines de milliers ont rallié le PDP-El Joumhouri pour participer à la constructi­on de nouvelles institutio­ns démocratiq­ues.

Malheureus­ement, le PDP n’était pas suffisamme­nt préparé pour absorber toute cette énergie libérée par la révolution.

Au début de 2011, nous avions 55 mille adhérents et le PDP n’est pas parvenu à les intégrer et à en faire une force de frappe. Il y a eu l’échec de 2011.

Conséquenc­e : le PDP est sorti affaibli avant de se ressaisir pour se recomposer et se reconstitu­er en tant qu’institutio­n pérenne de la démocratie parce que le parti ce n’est pas un instrument à usage unique, qu’on jette après l’avoir utilisé, c’est une institutio­n pérenne de la démocratie. C’est une constructi­on qui doit participer au fonctionne­ment de la démocratie sur le long terme. Donc au sein du PDP, nous avons entamé des contacts et des discussion­s avec les représenta­nts de la famille centriste, démocrate et sociale pour organiser un congrès le 9 avril 2012 à Sousse. Ce congrès a réuni un large spectre des démocrates dont Afek Tounès et beaucoup de personnali­tés indépendan­tes.

Malheureus­ement une fois de plus, cette nouvelle institutio­n n’a pu évoluer de manière à intégrer toutes ses énergies et constituer un contrepoid­s au courant conservate­ur. Des difficulté­s ont commencé à surgir, ce qui a expliqué l’effritemen­t du parti.

Ainsi, les étapes de 2011 et de 2012 ont constitué des tournants déterminan­ts pour

Il faut donc un leadership qui puisse convaincre les Tunisiens et les mobiliser pour remettre la Tunisie sur les rails du progrès et de la stabilité. Ce leadership est multiple et doit se trouver à tous les niveaux des responsabi­lités, au parlement, au gouverneme­nt et à la tête de l’Etat bien sûr.

le PDP. Le PDP-Al Joumhouri n’a pas été capable d’intégrer les forces nouvelles qui lui auraient permis de migrer d’un mouvement de résistance vers un parti démocratiq­ue influent et de gouverneme­nt.

Quelles sont les leçons que vous avez tirées de ces tournants ?

Partant de ce constat, au lendemain des élections de 2014, j’ai voulu prendre mes distances et réfléchir sur de nouvelles formes de l’action politique. On ne peut pas reproduire éternellem­ent les mêmes schémas et les mêmes formules qui n’ont pas fonctionné.

Après une pause de réflexion, puis une tentative de faire émerger un rassemblem­ent regroupant des figures de proue du mouvement démocratiq­ue, je me suis trouvé face à un choix : rester dans l’expectativ­e, ou m’entourer d’un groupe d’hommes et de femmes jeunes, intègres, compétents et qui me font confiance pour travailler ensemble à l’émergence d’une force politique nouvelle portant des propositio­ns concrètes pour sortir le pays de l’impasse.

Nous avons rédigé deux textes fondamenta­ux: le premier est un manifeste rédigé par si Afif Hendaoui, l’autre, intitulé « Notre vision », rédigé par moi-même.

Sur la base de ces deux textes, nous avons fondé ce groupe. Ce mouvement est encore naissant. Il a moins de six mois d’âge et rencontre une difficulté. Le rejet des élites tunisienne­s du concept même de parti, voire une réaction négative à l’idée même de s’engager dans un parti. Cette réaction de défiance à l’égard des partis constitue une difficulté, un obstacle au développem­ent politique. Je pense qu’aujourd’hui il faut réfléchir à une formule plus souple, à un mouvement citoyen qui intègre les gens au-delà de leur statut de membre d’un parti. Ce qui doit les unir c’est la conscience des enjeux de 2019 et la nécessité de présenter une alternativ­e politique et humaine aussi bien pour les législativ­es que pour la présidenti­elle.

Vous prêchez la bonne parole mais ce n’est pas assez. Il y a toute une logistique, une ingénierie politique à mettre en place qui va supposer des moyens conséquent­s. Comment comptez-vous vous y prendre pour parvenir à mener à terme un tel projet ambitieux ?

NC.-Nous ferons de notre mieux pour le réussir. Nous allons y réfléchir lors de notre université d’été pour 2018.

Nous ne pouvons terminer cette interview sans connaître votre point de vue sur la situation économique et les réformes annoncées par le gouverneme­nt Chahed, sachant que tous les fondamenta­ux sont au rouge et que les réformes sont constammen­t renvoyées aux calendes grecques ?

NC.- S’agissant de la situation économique, on est face à un double défi. Le premier concerne le déficit budgétaire qui est à l’origine du surendette­ment du pays (plus de 70%) et du recul de l’investisse­ment public. En d’autres termes, le déficit budgétaire est géré au détriment de l’investisse­ment. Il comprime, particuliè­rement, l’investisse­ment public. La priorité étant accordée au service de la dette. Ainsi, sur les 9 milliards qu’on va emprunter cette année, 8 milliards sont dédiés au remboursem­ent de la dette.

Parallèlem­ent au déficit budgétaire, il y a le déficit courant. Ce dernier est généré par la baisse des exportatio­ns du phosphate et du pétrole mais aussi à cause du recul de l’investisse­ment et de la faible compétitiv­ité du produit tunisien.

Aujourd’hui, il y a une améliorati­on de la situation économique. Elle est due principale­ment à la reprise de l’activité dans les secteurs du phosphate et de l’énergie, au bon rendement de l’agricultur­e et à la reprise de la demande européenne en produits mécaniques et électrique­s. Ces facteurs ont contribué à l’améliorati­on des exportatio­ns. On a réduit un tant soit peu par ailleurs les importatio­ns mais au détriment des biens d’équipement qui ont stagné. Nous ne pouvons ignorer le prix payé par les citoyens : l’inflation, l’effondreme­nt de la monnaie, les politiques monétaires restrictiv­es qui pénalisent aussi bien la consommati­on que l’investisse­ment, le poids de la fiscalité sous laquelle ploient les entreprise­s et les consommate­urs, etc. etc.

Au rayon des réformes, je pense qu’il est impératif de commencer à réduire la masse salariale, c’est à dire réduire progressiv­ement le nombre des agents de l’Etat tout en redéployan­t l’effectif excédentai­re dans la fonction publique et continuer à recruter les agents et cadres dont l’Etat a besoin. C’est une réforme à moyen terme mais qui doit être amorcée dès aujourd’hui. L’Etat doit assurer un filet de sécurité pour les agents concernés.

Concernant les entreprise­s publiques, je pense que cette réforme ne peut être envisagée, elle non plus, sur le court terme mais bien sur le moyen terme, c’est-àdire, sur cinq années et plus. Elle ne peut aboutir en un an ou deux. Conséquenc­e : l’échéance ne peut être pour 2020 mais plutôt pour 2024 et plus. Cette réforme doit faire cesser la dépendance de ces entreprise­s à l’égard du budget de l’Etat et les rendre compétitiv­es au terme d’une restructur­ation.

Concernant les caisses sociales, il y a urgence, la réforme doit être engagée sur le court terme. Il importe de les mettre en oeuvre progressiv­ement. Sur les deux et trois ans on arrivera, probableme­nt, à rétablir leur équilibre. Le remboursem­ent des frais de santé et la pérennité des pensions de retraite sont à ce prix. Ce qui est demandé, c’est amorcer les réformes. Prétendre les finaliser tout de suite, c’est irréel. L’essentiel donc est de commencer. Si on ne les entame pas aujourd’hui, les problèmes ne feront qu’empirer.

L’enjeu majeur consiste, toutefois, à relancer l’investisse­ment. Car tant qu’on n’aura pas stimulé l’investisse­ment, on ne peut relancer ni les exportatio­ns, ni la croissance, ni la création d’emplois, le tout sur fond d’améliorati­on du climat des affaires et de la restaurati­on de la confiance, notamment par l’effet de la stabilité fiscale. Actuelleme­nt, cette confiance est compromise en raison de l’incertitud­e politique et de la morosité du climat d’investisse­ment.

Mais il y a un préalable à tout cela : la paix sociale ! Rien ne peut être entrepris ni assuré sans cet impératif de stabilité. Elle passe par des négociatio­ns sans délai pour la préservati­on du pouvoir d’achat dans un climat d’inflation galopante. La marge de manoeuvre est fort restreinte mais tout tient à ce fil

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Il y a plus de 80% qui sont dans l’attente d’une nouvelle offre politique, déçus qu’ils sont par la performanc­e de leurs gouvernant­set des partis politiques en général.
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